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« Le 18 août 2021, j'ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l'Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu'il n'en sait pas grand-chose. Comment l'appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment.
Est-ce un témoignage, un testament, une oeuvre ?
Celle d'une jeune fille, qui n'aura pour tout voyage qu'un escalier à monter et à descendre, moins d'une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant. La nuit, je l'imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J'imaginais la nuit propice à accueillir l'absence d'Anne Frank. Mais je me suis trompée. La nuit s'est habitée, éclairée de reflets ; au coeur de l'Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver. »L. L.
Dans le cadre de « Ma nuit au musée », collection des éditions Stock, un écrivain choisit un musée pour y passer, seul, une nuit, avant d’écrire son ressenti, son vécu.
Si Lola Lafon a demandé à aller à Amsterdam pour vivre une nuit dans la Maison Anne Frank, dans cette fameuse Annexe de l’entreprise d’Otto Frank, ce n’est pas un hasard. Cela, l’autrice de, entre autres, La petite communiste qui ne souriait jamais et de Mercy, Mary, Patty le fait bien comprendre dans Quand tu écouteras cette chanson, un livre qui pousse très loin émotions et informations, un livre qu’elle nous avait présenté lors des Correspondances de Manosque 2022 et qu’il fallait absolument que nous lisions : merci Pauline !
J’ai beaucoup apprécié cette lecture faite de confidences et de ressentis au cours d’une nuit vécue en solitaire dans cette quarantaine de mètres carrés où Anne Frank, ses parents et sa sœur, Margot, ont tenté de vivre pendant sept cents jours.
Le fait que Lola Lafon soit juive, comme Anne Frank, que sa mère ait aussi dû se cacher pendant la seconde guerre mondiale, complète un tableau qui se veut réaliste et surtout pas larmoyant.
Lola Lafon remet cette vie retranchée dans son contexte historique. Elle rappelle que les Juifs, avec cette fameuse étoile jaune, étaient traités comme des pestiférés par l’occupant nazi, souvent soutenu localement par les mouvements fascistes.
Avant d’écrire Quand tu écouteras cette chanson, Lola Lafon a pu rencontrer Laureen Nuisbaum, une des dernières personnes à avoir connu Anne Frank qui avait onze ans alors que Laureen en avait quatorze.
Après avoir fui l’Allemagne en 1933, les Frank s’étaient bien intégrés aux Pays-Bas, à Amsterdam. C’est l’occasion de rappeler que les nombreux Juifs qui ont voulu émigrer aux États-Unis pour fuir le nazisme ont été bloqués ou ont dû faire demi-tour comme ce fameux paquebot… c’était un retour vers la mort !
Lola Lafon écrit bien. Avec émotion et précision, elle rappelle toutes les versions édulcorées du Journal d’Anne Frank, particulièrement aux États-Unis, que ce soit au théâtre ou au cinéma. Il ne fallait pas choquer !
Ce cahier, ces notes rédigées par Anne Frank, dans l’Annexe, avaient été éparpillées dans sa minuscule chambre et c’est Otto Frank qui, de retour des camps, a pu les classer pour que le témoignage de sa fille, un vrai travail d’écrivaine, ne soit en aucun cas effacé.
Lola Lafon précise les dates et détaille la vie de cette famille qui espérait échapper à la Shoah mais elle s’en écarte aussi pour parler de son enfance dans la Roumanie de Ceaușescu et de son arrivée en France à l’âge de douze ans. Elle n’hésite pas à écrire ce qu’elle pense à partir de la courte vie d’Anne Frank. Elle exprime ses pensées les plus secrètes, se confie et c’est formidablement émouvant.
Elle se déplace dans l’Annexe mais a du mal à entrer dans la chambre d’Anne. C’est là qu’elle se souvient de ce jeune homme, Charles Chea, rencontré dans un jardin public. Il avait quinze ans, étudiait dans un lycée parisien et ses parents vivaient à Bucarest où son père était fonctionnaire à l’ambassade du Cambodge. Hélas, là-bas, les Khmers rouges qui avaient pris le pouvoir, ordonnèrent à la famille de rentrer à Phnom Penh.
Après dix jours d’insouciance, de joie folle, Charles avait dû partir. Une brève correspondance s’était instaurée puis, plus rien. Charles adorait I started a joke, la chanson des Bee Gees et c’est en l’écoutant, grâce à Charles, qu’elle a pu entrer dans la chambre d’Anne Frank pour ne pas oublier ceux qui ont disparu, victimes de la barbarie, de la folie humaine.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/05/lola-lafon-quand-tu-ecouteras-cette-chanson.html
La collection Ma nuit au musée des éditions Stock propose à des écrivains de passer une nuit dans le musée de leur choix pour ensuite raconter leur séjour nocturne.
Dans ce cadre-là, le 18 août 2021, Lola Lafon a passé une nuit à la Maison Anne Frank, à Amsterdam, dans l’Annexe, là, dans les pièces exiguës où Anne, sa sœur Margot, leurs parents et quatre amis, « vingt-cinq mois durant, ont dû se plier au silence, en apprendre toutes les nuances, des chuchotements jusqu’aux pas feutrés en passant par l’immobilité totale ».
Mais quelque chose l’empêche d’entrer dans la chambre de l’adolescente, où celle-ci rédigea son Journal. Elle ne parviendra à en pousser la porte qu’en toute fin de nuit.
Ce lieu que l’écrivaine a choisi n’est sans doute pas le fruit du hasard, il fait tellement écho à l’histoire de sa propre famille, cette histoire familiale à laquelle elle va devoir se confronter ainsi qu’à d’autres fantômes…
Lola Lafon a essayé de comprendre Anne Frank que le monde connaît tant qu’il n’en sait pas grand-chose si ce n’est cette image d’une pâle jeune fille aux cheveux sagement retenus par une barrette, assise à son petit secrétaire, un stylo à la main.
Le Journal d’Anne Frank est le plus lu dans le monde, mais il a été coupé, manipulé. À sa parution aux États-Unis, pas une allusion au régime nazi, ni à la Shoah...
Aussi tente-t-elle de se représenter la vie suspendue de cette ado qui n’a que 13 ans quand elle se réfugie dans l’Annexe le 6 juillet 1942, jusqu’au 4 août 1944, quand la Gestapo l’envahit et met tout à sac et qu’elle va mourir à Bergen-Belsen.
Elle nous fait découvrir l’histoire de ce Journal, ce Journal qu’il ne faudrait pas réduire à un simple journal intime, un témoignage ou à un testament. La jeune fille voulait devenir écrivaine ou journaliste et l’a donc réécrit, persuadée que son texte saurait trouver le futur.
Ce Journal est l’œuvre d’une écrivaine et non l’œuvre spontanée d’une adolescente comme le laissent à croire toutes les éditions.
Le travail de Lola Lafon est primordial pour rétablir la vérité sur ce destin jugé trop sombre à Hollywood ou à Broadway.
Pour son adaptation au théâtre en 1953, l’histoire d’Anne Frank est jugée trop juive et trop sombre et des réécritures sont faites, les producteurs remplaçant sa voix par une autre moins triste et plus universelle, pour en faire une histoire soigneusement expurgée de ce qui pourrait fâcher. Elle est récompensée par un prix Pulitzer.
Quand le cinéma s’en empare en 1958, même chose, c’est une « Anne » de fiction, toute de douceur et d’espoir qui triomphe, le contraire de cette fille bavarde et audacieuse, consciente de la mort qui pouvait advenir à tout instant. Le film sera récompensé par quatre Oscars…
C’est le récit de cette longue nuit que Lola Lafon nous livre, tissant comme une toile entre l’histoire d’Anne Frank et sa propre histoire personnelle et familiale trouée de silences qu’elle convoque ici.
Comme Otto Frank, le père d’Anne, son grand-père a été victime de la « foi tragique » qu’il avait placée dans un pays d’accueil, persuadé que, s’il s’en donnait la peine, il y serait respecté, protégé : «Je sais l’histoire de ces familles élevées dans l’amour d’une France de fiction, celle d’Hugo, de Jaurès et de la Déclaration des droits de l’homme. Je sais que, loin du havre qu’ils espéraient y trouver, ils y ont été humiliés, pourchassés, déportés. »
Difficile de trouver les mots pour dire combien j’ai été remuée, bouleversée à la lecture de ce livre, terrassée par la beauté de ce texte, surprise puis atterrée de voir comment les éditeurs puis les producteurs de pièces de théâtre et de films avaient pu manipuler et couper cet écrit pour le lisser et le rendre conforme à l’attente du public. Honteux !
La seule évocation du titre, Quand tu écouteras cette chanson, (chanson des Bee Gees « I started a joke ») m’affecte intensément et me fait monter les larmes aux yeux. Elle fait en effet référence à un jeune lycéen que Lola Lafon a connu et avec lequel elle a correspondu. Il se révèle être la clef du bouquin.
Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon a reçu le Prix Décembre 2022 et le Prix Les Inrockuptibles 2022, des prix amplement mérités !
Je remercie très sincèrement Pauline pour cette sublime lecture.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/04/lola-lafon-quand-tu-ecouteras-cette-chanson.html
Dans la collection Ma nuit au Musée, Lola Lafon évoque son expérience au Musée Anne Frank à Amsterdam.
Et nous emmène avec elle dans la densité de l'absence, et dans les réflexions et émotions qu'elle traverse. Profond et bouleversant.
Ce roman est tout simplement bouleversant. Je me suis laissée bercer par le poignant message véhiculé par l'autrice. J'ai été touchée par le parallèle entre le vie de celle-ci et le destin tragique d'Anne Frank. Ce lien apparaît sans en faire trop mais avec une jolie pointe de justesse.
La plume de Lola Lafon est percutante et douce à la fois. Une très belle découverte.
J’avoue que j’étais plutôt sceptique sur ce roman consacré au Journal d’Anne Franck, qui m’avait infiniment touchée durant l’adolescence. Une fille de mon âge, talentueuse et drôle, fauchée gratuitement par l’absurdité de la guerre et la barbarie du nazisme.
Lola Laffon décide de passer une nuit, toute seule, au musée d’Anne Franck et elle raconte.
Le texte est émouvant car il renvoie aux propres fantômes de l’autrice. Elle, dont les grands-parents juifs vivaient en France durant la seconde guerre mondiale, elle dont les deux grands-tantes sont mortes de faim, dans un ghetto polonais.
Avec émotion, elle se rappelle sa grand-mère qui lui remet, encore enfant, une médaille au portrait d’Anne Franck : « C’est elle, Ilda Goldman, la raison de ma nuit dans l’Annexe. »
Passer une nuit, toute seule dans l’Annexe, dans ce logement désormais complètement nu qu’ont connu les Franck, est éprouvant pour Lola Laffon mais aussi pour le lecteur qui perçoit bien la force du vide et de l’absence.
Les lieux parlent, ils racontent une histoire à qui sait l’entendre. Cela arrive quelquefois devant un tableau, une sculpture, un vieux château, ou une prison.
L’annexe est habitée par l’esprit d’Anne Frank, par ses espoirs en la vie et par sa mort. Et cela, l’autrice, avec sa sensibilité et son écoute, l’a parfaitement ressenti et le partage avec le lecteur.
Elle fait revivre Anne, son talent littéraire, sa volonté d’être écrivain.
Sans oublier son environnement familial avec un éclairage passionnant sur le père d’Anne Franck, ainsi que Miep et son mari qui les ont hébergés et ont subvenu à leurs besoins.
Anne Franck est devenue un symbole. Dans ce roman, l’autrice tente avec beaucoup de réussite DE LA SORTIR DE CETTE IMAGE FIGÉE POUR L’INCARNER DANS LA VRAIE VIE, LA FAIRE VIVRE DANS NOS CŒURS.
Un hommage aussi à tous les morts fauchés par la barbarie, y compris ceux que le grand public connait peu ou pas du tout. Comme Charles Chea tué par les Khmers rouges.
Roman lu dans le cadre du Jury du prix des Lecteurs 2024 organisé par le Livre de Poche.
Cette collection « Ma nuit au musée » est souvent synonyme d’une véritable introspection pour les autrices et auteurs qui se prêtent au jeu de la maison d’édition Stock.
Cette fois, c’est au tour de Lola Lafon de se plonger dans un musée où règne le vide. Pas n’importe lequel, celui qu’Otto Frank a voulu maintenir, comme témoignage de ce que fut la vie de sa famille avant ce funeste 4 aout 1944. Otto Frank, père d’Anne Frank, probablement la plus célèbre diariste au monde.
Pourquoi ce lieu ? Probablement en raison d’un cadeau de la grand-mère de l’autrice pour ses dix ans : une médaille dorée frappée du portrait d'Anne Frank en prononçant ces mots qui résonnent encore « N'oublie pas ». Le récit de cette nuit, c’est aussi une plongée dans sa propre histoire familiale, dans cette mémoire douloureuse que les rescapés de l’Holocauste ont souvent cachée. C’est avec beaucoup de sensibilité et de pudeur que Lola Lafon mêle son histoire avec celle d’Anne Frank, une façon pour elle de rendre hommage aux disparus et de réaffirmer sa judéité.
Avant de s’enfermer dans ce musée, Lola Lafon a pris soin de se documenter sur son autrice, sa vie, son œuvre. Le récit s’ouvre sur une rencontre avec Laureen Nussbaum, amie de Margot, la sœur d’Anne, qui la met en garde sur ce qu’est devenu le Journal d’Anne, ou tout du moins les interprétations dont il a fait l’objet. Et c’est passionnant de découvrir ce qu’est devenu ce Journal au fil de l’histoire (les adaptations, américaines notamment, revues et corrigées pour que ce ne soit pas trop larmoyant ou encore les coupures relatives à la sexualité de la jeune fille), là où selon elle, il faut considérer son journal comme « l’œuvre d’une jeune fille victime d’un génocide, perpétré dans l’indifférence absolue de tous ceux qui savaient », et d’ajouter qu’Anne « désirait être lue pas vénérée ».
On lit les lignes de ce récit introspectif, on entend les pas qui résonnent, le silence des absents. Car « les absents n’ont pas disparu, ils sont là. Ils persistent et la trace que laisse leur absence est une question ». On referme le livre comme Lola Lafon a refermé la porte et on se dit que cette œuvre est une nécessité, car « Si la mémoire s’étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps. »
Dans le cadre de l'opération « Une nuit au musée », Lola Lafon part à Amsterdam pour le musée Anne Frank où elle passera une nuit dans l'annexe.
Même si on connaît tous Anne Frank et la tragédie vécue par la famille, on apprend encore ici des choses.
Durant cette nuit où elle attendra le matin pour oser entrer dans la chambre d'Anne, lui reviennent les drames de sa famille personnelle.
Ses grands-parents, juifs ont dû s'exiler, quitter la Roumanie, subir des persécutions.
Tout se mélange un peu dans sa tête et elle écrit comme tout lui vient.
La persécution des peuples est trop présente dans son esprit pour qu'elle puisse apprécier cette nuit peu banale.
Je ne sais pas pourquoi je n'avais pas spécialement envie de lire ce livre.
Le hasard me l'a fait ouvrir.
Comme dans « La petite communiste qui ne souriait jamais », j'ai ressenti une certaine confusion et la sensation que l'auteure ne savait pas vraiment elle-même ce qui menait son écriture.
Je ne regrette cependant pas de l'avoir lu.
Dans le cadre de la collection « Une nuit au musée », le 18 août 2021, Lola Lafon passe une nuit dans l’Annexe qui a abrité la famille Frank pendant 25 mois. A cette occasion, elle interroge le vide qui est plein, la place et la représentation d’Anne Frank dans la mémoire collective et sans l’avoir pressenti, part à la recherche de sa propre identité.
Immense coup de cœur pour cet ouvrage, historiquement passionnant et humainement si puissant! ❤️
Imaginer ne suffit pas. Lola Lafon prépare sa nuit, s’informe, rencontre, se renseigne. Consciente de l’enjeu, elle doute : « Je ne suis pas celle qui devrait écrire ce livre. »
Et pourtant si. Elle va se confronter aux lieux, les invoquer, tenter d’entendre ce qui résonne encore dans cet appartement. Anne Frank est une icône, connue de tous, appartenant à la mémoire collective, mais finalement que sait-on réellement de cette jeune fille, devenue sans le savoir héroïne symbolique ?
Le roman est l’occasion d’une subtile remise en perspective de la réalité historique et redonne une place juste au texte du Journal, aux faits qui l’entourent et aux êtres qui ont brutalement disparus, dont Margot, sœur d’Anne, mise ici en lumière. Elle aussi avait écrit un journal. Qu’est-il devenu ?
Dans cette errance nocturne, avec pudeur, authenticité et le plus grand respect, Lola Lafon mêle les passés et opère un glissement inattendu à la recherche de ses propres origines. « La nuit les a réunis. ». En enchevêtrant son histoire personnelle à celle de la famille Frank, l’auteure signe un texte précieux et magnifique.
Hymne à la transmission, ode à tous les disparus, le texte est un subtile hommage à ceux qui nous habitent et qui (sur)vivent à travers notre mémoire.
A lire absolument !
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