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Un écrivain qui ressemble beaucoup à Jón Kalman Stefánsson aperçoit Paul McCartney dans un parc londonien, en août 2022. L'ancien Beatles est le héros de sa jeunesse, et le narrateur rêve de lui parler. Mais il lui faut d'abord préparer cette conversation, trier ses souvenirs, mettre de l'ordre dans l'écheveau d'émotions et de récits de toute sorte qu'il aimerait partager avec son idole.
C'est donc à ce voyage dans le temps que nous invite Mon sous-marin jaune. À commencer par l'histoire d'un jeune garçon qui apprend au détour d'une phrase que sa mère vient de mourir. Quelques mois plus tard, il passe l'été dans la famille de sa nouvelle belle-mère. La beauté sauvage des fjords de l'Ouest sera un puissant antidote contre la solitude, le chagrin, et le silence pesant de son père. L'enseignement biblique, au contraire, le met en colère et lui fait comprendre qu'il devra chercher des réponses ailleurs. Beaucoup plus tard, ce sera grâce aux livres piochés à la bibliothèque municipale qu'il se mettra à comprendre dans quelle direction il voudrait diriger sa vie...
Dans un récit où les lieux et les temporalités cohabitent, nous croisons un chauffeur de taxi fou, un moniteur d'auto-école au coeur fragile, ou encore Ringo Starr transformé en évêque médiéval, et c'est seulement la folie créatrice du romancier qui permet d'en faire son livre le plus audacieux et sans aucun doute le plus ouvertement autobiographique. Ce nouveau roman de Stefánsson nous offre une occasion de saisir la quintessence de toute son oeuvre.
L’existence est trop courte pour la tristesse
Août 2022, un parc, du soleil et Paul McCartney, les souvenirs affluent.
Dans ce parc l’auteur attend un ami de plus de trente ans, lorsqu’il aperçoit son idole, au téléphone, prenant le soleil comme lui.
L’ami attendu avait disparu de longues années et était de retour depuis neuf mois, il a l’apparence d’un clodo, poète qui a sombré…
« La tristesse est une braise dans mon cœur. C’est en toi que demeure ce qui commande la vie. »
Le narrateur, orphelin de mère à six ans, a entendu sa tante dire à son père que la bibe réconforte.
Lui-même assiste à l’école du dimanche dirigée par Ágúst et sa femme Liney. Les paroles prononcées lors de cette école ont une résonnance particulière, la narration qui en est faite montre que c’est comme une chappe qui tombe sur la tête de ces enfants. Alors lui s’échappe en pensées et ses réflexions sont hilarantes car l’interprétation des textes religieux sont à la hauteur de son âge.
Le fil conducteur de ce récit est l’annonce par le père de la mort de la mère à bord de la Trabant. Annonce très visuelle, à chaque fois le lecteur a l’impression d’être sur un des sièges de ce véhicule.
De sa mère il garde précieusement le souvenir qu’elle lui a fait découvrir les Beatles. Groupe dont la séparation coïncide avec la disparition de celle-ci.
Alors, vous dire combien les questions que se posent le petit garçon, Dieu n’y répond pas. Le père taiseux non plus.
Mais si jeune et terriblement curieux il va nourrir son imaginaire de mots, la lecture de la bible est ardue.
Il se lie d’amitié avec un couple âgé qui sont heureux de l’accueillir et de partager leurs souvenirs.
L’été venu, il part dans les fjords de l’Ouest, mais il n’apprécie que le cimetière, les défunts l’écoutent et parfois lui apportent des réponses.
« Sans doute le mot été est-il un terme ancien pour désigner l’éternité, il y a de grandes chances, parce que lorsque nous arrivons en juin, la lumière ne se contente pas d’effacer le ciel, elle inonde aussi tous les autres mondes, c’est pourquoi il est plus facile aux morts de quitter leurs cimetières. »
Dans ce livre intime nous y trouvons les particularités de l’auteur, une écriture poétique et musicale, la beauté sauvage de l’Islande, l’absence, les ténèbres et un incroyable qui semble attendre d’être découvert.
Sa soif inextinguible des mots va prendre le pas sur tout le reste et lui permettre de naviguer entre la vie et la mort, avec nostalgie, dérision, poésie et amour.
C’est ainsi que l’enfant a pressenti et l’adulte a réalisé que :
« Tout ce que je devais faire, c’était fabriquer le véhicule capable de se déplacer à la vitesse décuplée de l’imagination —les mots étant à la fois la matière et l’outil. »
Un livre éblouissant, une sonorité particulière qui éclaire tous les livres précédents. Une empreinte indélébile, ce qui est tout ce que j’aime en littérature.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/08/04/mon-sous-marin-jaune/
Un roman autobiographique hétérogène où l'on partage des moment de joie, de tristesse, rien n'est organisé, dans ce roman au multiple découpage.
Mon sous-marin jaune de Jon Kalman Stefanson est une oeuvre poétique qui nous embarque en profondeur dans les digressions personnel et traumatique avec beaucoup d'émotions.
Les Beatles, Yellow Submarine, la famille, le deuil, le chagrin, la solitude, l'absurde, la religion, les croyances, la musique et la réalité.
"La nostalgie des jours engloutis, des amis perdus, de la clarté dissoute peut nous atteindre à une telle profondeur qu’elle nous met à genoux, elle est capable de paralyser les dieux, elle ferait sombrer le Démon dans la mélancolie."
Au mois d’août 2022, le narrateur, double de l’auteur, se trouve dans un parc londonien. Il y croise Paul McCartney. Admirateur des Beatles depuis sa jeunesse, le narrateur souhaiterait adresser la parole à Sir Paul, mais il ne sait pas comment s’y prendre. Alors, avant de se lancer, il va d’abord remettre de l’ordre dans ses souvenirs, les ordonner pour pouvoir aborder le chanteur.
Et tout d’abord la mort d’une mère, la solitude de l’enfance auprès d’un père avec qui le dialogue ne s’est jamais noué et d’une belle-mère taiseuse. Une plongée dans la Bible que l’enfant interprète comme il peut, imaginant un Dieu dépassé par ses créatures et pas toujours bienveillant. Un Eternel qui voyage au côté du père dans la Traban familiale avec Johnny Cash sur la banquette arrière ou parfois Rod Stewart. Des séjours dans la famille de la belle-mère au cœur d’une nature omniprésente. Et bien sûr, cette passion pour les Beatles qui ne s’est jamais démentie, et dont la séparation vient perturber le jeune garçon en arrivant quelques temps après le décès de sa mère.
Jón Kalman Stefánsson mélange les époques, les souvenirs, les rencontres dans ce récit exigeant et qui demande toute l’attention du lecteur. La solitude subie amène le jeune garçon à nouer une amitié profonde avec ses voisins, deux vieilles personnes avec qui il aborde les sujets qui le préoccupent. Sans doute pour contenir la tristesse, il se construit une sorte de monde parallèle habité par différents personnages et ces interlocuteurs privilégiés sont les défunts comme s’il était plus facile d’obtenir des réponses auprès des morts que des vivants.
C’est un roman très intime, profondément mélancolique avec parfois quelques pointes d’humour et surtout beaucoup de poésie comme toujours chez cet auteur. Un récit destructuré mais jamais confus qui nous amène au cœur de l’enfance, qui explique comment et sur quelles bases un homme se construit. Le sous-marin jaune, c’est en fait la chambre à soi du narrateur, un lieu de retrait pour se retrouver, un espace réconfortant et protecteur où se réfugier.
Une fois de plus un magnifique roman de Jón Kalman Stefánsson qui, décidément, ne déçoit jamais.
Embarquer à bord du sous-marin jaune de Jon Kalman Stefanson, c’est faire un voyage lyrique et débridé entre passé et présent, entre imaginaire et réel, entre intime et universel.
C’est aussi accepter d’être ballotté , malmené dans une narration débridée, qui cette fois nous entraîne au plus près de l’auteur, dans un texte où il se dévoile plus encore que dans ses autres textes.
Un voyage où à ses côtés on croisera Paul MC Cartney, Simon and Garfunkel, Johnny Cash et même Dieu lui même, de Londres à Keflavik, sur les chemins de son enfance, dans une ballade musicale et solaire.
C’est toujours difficile de raconter un roman de Stefanson, tant la trame romanesque est foisonnante. Alors, pour une fois, je ne m’y risquerai pas. Je vous dirai juste que l’auteur y raconte son enfance marquée très jeune par le décès de sa mère, qu’il vous fera partager sa passion pour les Beatles, qu’il vous invitera dans ses entrevues avec les morts, qu’à ses côtés vous vous installerez sur les siège de la Trabant paternelle, et que vous ferez un périple un brin mélancolique, un peu nostalgique, très poétique et bourré de la fontaisie et de la tendresse qui sont la douce signature de l’auteur.
Un roman lyrique et philosophique qui nous dit que quel que soit notre âge on test l’enfant qui un jour a souffert, et qui nous dit que la vie n’est rien moins qu’une folle aventure.
À lire en écoutant les Beatles, of course!
“Il faut que j’aie une conversation importante avec Paul McCartney.” Oui, mais pas tout de suite. L’ancien Beatles de quatre-vingts ans est tout proche, adossé à un vieux chêne, un livre à la main, dans un parc à Londres en août 2022. Avant d’aborder cette légende, cette presque divinité, le narrateur a besoin de temps, de courage et de poésie ancienne.
“J’ai l’impression qu’il regarde dans ma direction, mais je n’en suis pas certain, et je n’ai pas le temps d’y réfléchir parce que nous sommes à la fin septembre 1970 et que je pars à l’école.” Au milieu d’une seule et même phrase, on est là puis ailleurs, maintenant et avant, c’est stupéfiant. Le récit sillonne la vie et la mort, le silence et la tristesse, le passé et le présent, le monde avec les Beatles et le monde sans.
Il semble plus facile pour notre narrateur de converser avec les morts qu’avec les vivants ou qu’avec Paul McCartney. Il s’adresse à Dieu, qui n’est qu’un père qui boit trop. À Jésus, tellement formidable qu’il pourrait être le cinquième membre du groupe. Aux défunts d’un cimetière tout au nord du monde. Il entasse toutes ces ouailles à l’arrière de la Trabant de son père. Cette voiture qui traverse, entêtée, les années, les décennies, les parcs londoniens et les routes islandaises.
Ce livre contient la mémoire des mondes enfouis qui, presque pleine, “déborde, se mélange et se confond avec les journées qui continuent de s’écouler jusqu’à ce que nous cessions de faire la différence, jusqu’à ce que nous doutions de l’époque dans laquelle nous vivons.”
Tout se télescope dans ce roman : le silence d’un petit garçon qui cherche la voix de sa mère, les battements d’un coeur tambourinant comme la batterie de Ringo Starr, un rayon de soleil aussi éclatant qu’un sous-marin jaune, un rire sous un vieux chêne. Tout s’enchevêtre pour former une harmonie qui tend vers l’infini. Pour affronter la mort et la vie.
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