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Les deux chefs-d'oeuvres de Catherine Meurisse publiés chez Sarbacane, réunis dans un magnifique coffret collector : tirage unique.
Le Pont des Arts revisite avec humour l'Histoire de la littérature et l'Histoire de l'Art, et met en évidence les correspondances intimes et tumultueuses entre écriture et peinture.
Mes hommes de lettres, une histoire désopilante de la littérature française en bande dessinée, à la redécouverte des grands auteurs du Moyen Âge au XXe siècle. Dans cette anthologie personnelle et non-exhaustive, les écrivains et leurs personnages se rencontrent sans complexe, incarnés dans leur contexte historique, social, politique et culturel.
Alors l’art, essentiel ou pas ? Ce n’est pas par hasard que les éditions Sarbacane ont réuni « Mes hommes de lettres » et « Le pont des arts » de Catherine Meurisse dans ce coffret classieux à tirage unique qui contient également un ex-libris. Première bédéiste à être élue à L’académie des Beaux Arts, elle a, de ce fait, permis à la bd de faire son entrée dans la prestigieuse maison. Et cette nomination n’est que justice car si il en est une qui a traversé et traverse sans cesse ce pont, c’est bien elle, mettant, pour notre plus grand plaisir, le neuvième art au service des troisième et cinquième avec cet humour percutant qui n’appartient qu’à elle.
Vous reprendrez bien une petite madeleine ?
Si la couverture de Mes hommes de lettres représentant Marcel Proust, son « auxiliaire de vie » et quatre de ses prestigieux compères écrivains prêts à tremper une madeleine dans une tasse de thé reste inchangée, celle du Pont des Arts a été relookée à l’occasion de la nouvelle édition et on y voit le fameux Marcel offrant la précieuse pâtisserie à Picasso, ce qui renforce la cohérence de la réunion de ces deux ouvrages facétieux qui font rimer culture avec humour dans lesquels l’autrice qui adore faire descendre les célébrités de leur piédestal s’en donne à cœur joie, façon bien à elle de leur déclarer sa flamme avec cet humour corrosif à la fois subtil et exigeant qui lui est propre. Son œil acéré saisit le détail qui fait mal, qui fait mouche, qui nous touche et nous fait sourire, rire, nous esclaffer.
Mes hommes de lettres
Vous aimez la littérature ? ... Ce livre est pour vous . Vous détestez la littérature ? … Ce livre est pour vous. Voilà ce qu’on peut lire au quatrième plat de Mes hommes de lettres et qui résume parfaitement la situation. Ce livre, véritable madeleine évocatrice de nos années lycée, s’adresse tout autant aux amateurs éclairés qu’aux néophytes. Paru en 2008, premier album de bande dessinée de la jeune caricaturiste rentrée trois ans plus tôt à Charlie Hebdo, cet ouvrage est une jubilatoire anthologie pétrie d’érudition et de drôlerie - à la fois pédagogique et déjantée - de l'histoire de la littérature française, truffée de clins d’œil et de références, rythmée par un dessin vif et nerveux et ponctuée d’anecdotes plus savoureuses les unes que les autres.
Le feu d’artifice commence dès les pages de garde avec une séance de dédicaces où une longue file d’admirateurs attend patiemment devant la table de l’auteur de « Et si c’était vrai » alors qu’à la table voisine, l’auteur des « Misérables », ignoré de tous, se morfond. Après une préface touchante de Cavanna, et une page de titre où Molière, Flaubert, Proust et Voltaire, cheveux au vent, traversent leur Abbey Road, les Beatles de la littérature cèdent leur place à Renart qui tel un troubadour va parcourir le Moyen-Âge en fin et fieffé lettré. Les narrateurs vont se succéder et avec eux les situations burlesques truffées d’anachronismes savoureux, de mises en abyme vertigineuses, d’épisodes follement drôles : Montaigne allongé sur le divan se faisant psychanalysé par ... Montaigne, Corneille chahuté par ses comédiens dont Gérard Philippe lors de sa propre mise en scène du Cid, les loupés de Gaston Gallimard... Et que dire de l’épisode avec Flaubert scandant le fameux « Tous ensemble, tous ensemble » ?… Un véritable festival !
En fin d’album, lors des remerciements, Catherine Meurisse évoque les auteurs qui auraient pu également y figurer, le mot de la fin revenant à Montaigne : « Premiers arrivés, premiers servis ! »
Le pont des arts
Quatre ans après « Mes hommes de lettres », paraît « Le pont des arts », ouvrage tout aussi hilarant et érudit que le premier dans lequel elle va cette fois évoquer en huit chapitres aux titres judicieux (« Refusés, levez-vous », « A la Recherche du pan perdu »… ) les relations passionnées entre peintres et écrivains. On va y croiser Diderot et Chardin, George Sand et Delacroix … avant que ne soit relaté le fameux vol de La Joconde de 1911, pour lequel un poète illustre et un peintre majeur du siècle dernier ont été soupçonnés : un petit bijou de loufoquerie … Et là encore, vont se succéder analyses pertinentes, anecdotes, saynètes dans lesquelles les personnages de fiction viennent mettre leur grain de sel. Une scène fabuleuse : Baudelaire, brandissant pour l’occasion le parapluie du guide va tâcher de nous apprendre à distinguer un chef d’œuvre d’une croûte et clamer son admiration pour Delacroix en nous entraînant dans une visite guidée du Musée … d’Orsay ! Et en clôture de chaque chapitre, bien entendu, le tableau détourné s’impose et s’expose.
Tout cela est croqué de son « trait vif, sûr de lui, qui va à l’essentiel et méprise l’accessoire » selon Cavanna. Alors que son propos est longuement réfléchi, le geste graphique, lui, relève de la spontanéité. L’usage de la plume et l’encre de Chine, la nervosité du trait caractéristique du dessin de presse réalisé dans l’urgence, contribuent à donner une énergie débordante à ses dessins fourmillant de détails.
Ayant rompu avec le dessin de presse après l’attentat de janvier 2015, la dessinatrice est revenue depuis peu aux sujets d’actualité mais d’une façon différente, exempte de toute pression, avec « L’œil de Catherine Meurisse », double page en couleur qui ouvre le magazine Zadig.
L’art, quant à lui, continue à traverser son œuvre depuis l’inénarrable « Moderne Olympia » qui vient également de refaire peau neuve chez Futuropolis en passant par les statues du Carré des Niobides de la Villa Medicis dans La légèreté, le rosier de Montaigne, le figuier de Rabelais et le platane Swann, plantations littéraires évoquées tout comme la découverte du Louvre dans Les grands espaces pour terminer en apothéose dans son sublime Delacroix, et ce, en attendant le prochain ouvrage consacré au Japon de Sôseki.
En ces temps où la culture est mise à mal, ce coffret apporte une véritable bouffée d’oxygène à inspirer profondément et la chimie (ou la magie, c’est selon) opérant, cet oxygène, nous entraînant dans un délire d’initiés, se transmute en protoxyde d'azote. Se qualifiant de « nain sur les épaules des géants », cette grande dame fait de nous des fourmis sur les épaules du nain. Alors à défaut de visiter la magnifique exposition « Catherine Meurisse : une vie en dessins » que la bpi lui a consacrée, plongez-vous dans ces deux ouvrages qui plus que jamais sont … ESSENTIELS !
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