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Paul a commis l'irréparable : il a tué son père. Seulement voilà : quand il s'est décidé à passer à l'acte, Thomas Lanski était déjà mort... de mort naturelle. Il ne faudra rien de moins qu'une obligation de soins pendant un an pour démêler les circonstances qui ont conduit Paul à ce parricide dont il n'est pas vraiment l'auteur.
L'Origine des larmes est le récit que Paul confie à son psychiatre : l'histoire d'un homme blessé, qui voue une haine obsessionnelle à son géniteur coupable à ses yeux d'avoir fait souffrir sa femme et son fils tout au long de leur vie. L'apprentissage de la vengeance, en quelque sorte.
Mélange d'humour et de mélancolie, ce roman peut se lire comme une comédie noire ou un drame burlesque. Ou les deux à la fois.
Pourquoi Paul Sorensen, responsable d'une entreprise de fabrication de housses pour les morts, a-t-il tiré deux balles dans la tête de Thomas Lanski, son défunt père ?
C'est tout l'enjeu de « L'Origine des larmes » de retracer le parcours de cet homme qui n'aura écopé, à l'issue de son forfait, que d'un an de prison avec sursis et d'une obligation de soins.
Entre cauchemars et séances avec un thérapeute un brin manipulateur qui lui rappelle parfois son géniteur, Paul déroule dans la souffrance le cours de sa vie et étale ses névroses.
Compte tenu de l'existence qu'il a menée depuis sa naissance, le cinquantenaire a bien des raisons d'être neurasthénique. On le serait à moins...
Le 20 février 1980, Paul voit le jour. Sa mère meurt en couches et son frère jumeau ne survit pas.
Entre son job macabre et les deux événements fatals qui marquent sa venue au monde, la mort est omniprésente.
Pour souligner la monstruosité de son père, il rappelle que celui-ci a confié le nourrisson, c'est-à-dire lui, à un proche et s'est envolé pour l'Italie afin d'y passer quelques jours de vacances.
Cette première signature de l'abjection sera suivie de beaucoup d'autres. Pour le sixième anniversaire de son rejeton, il offrit un canari décapité par ses propres dents. Il l'obligea à jeter ses jouets, alors ses seuls amis.
Dans sa folie perverse, il n'hésite pas à blasphémer en dévorant des poignées d'hosties qu'il fait venir tout spécialement de Modène par sachets de cinq cents et qu'il fait déguster à sa progéniture en lui disant : « Goûte, ce sont les chips du diable » !
Non content de martyriser Paul, il persécuta aussi sa nouvelle épouse, une femme douce dont on se demande pourquoi elle s'est amourachée de cette ordure qui, en plus de pourrir la vie des siens, se lança dans des malversations minables et autres escroqueries.
Devenu adulte, le narrateur solitaire trouvera un peu de réconfort dans la gent canine avec laquelle il dialogue, le fantôme du frère, un grand-père maternel Secrétaire général de l'ONU inventé par le père dans un excès coutumier de méchanceté et des conversations avec une IA.
Tragi-comédie teintée d'un humour noir et désespéré, « L'Origine des larmes » est le récit poignant d'un homme brisé par son père et qui se venge en le tuant post mortem. Les préalables et les suites de ce faux assassinat seront à la hauteur des ravages subis pendant cinquante ans.
Tout, dans ce roman, rappelle la blessure primitive, tel ce déluge qui s'abat sur le pays depuis plusieurs mois après des années de sécheresse.
Comme Thomas Lanski, le climat est déréglé en cette année 2031 où se déroule le roman et ses fureurs cyclothymiques auront peut-être raison de nous.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-lorigine-des-larmes-jean-paul-dubois-lolivier/
On pourrait qualifier le dernier roman de Jean-Paul Dubois d’humide tant on y trouve de l’eau sous toutes ses formes. Tout d’abord, cette pluie continuelle, « des averses irréversibles qui semblent surgir de partout, la nuit comme le jour », car nous sommes en 2031 et le monde fait face au dérèglement climatique. Le récit est ponctué des larmes du docteur Guzman qui souffre de conjonctivo-chalasis, il est traversé par l’évocation du peintre coréen Kim Tschang Yeul surnommé « l’homme qui peint des gouttes d’eau » et cela ressemble bien à des larmes. Mais, à l’origine, il y a cette béance énorme chez le héros, Paul Sorensen, béance de sa naissance à laquelle sa mère et son frère jumeau n’ont pas survécu.
« Il y a un trou au fond de moi. Creusé à mes mesures. Suffisamment profond pour m’accueillir. Il habite en moi. Parfois, le sens, il bouge, change d e position ou prend toute la place. Il patiente, il a tout son temps. Il attend que je tombe dedans. Et alors, il se refermera. »
C’est cette quête d’une mère à jamais disparue et dont le père a effacé toute trace qui mène Paul à vouer une haine féroce à ce père toxique qui a gâché sa propre vie avec son esprit manipulateur, ses mensonges, ses colères, ses humiliations et son égoïsme sans fond. Comment vit-on avec un tel père, malgré l’amour de sa belle-mère qui a remplacé la mère décédée ? On l’apprend peu à peu au fil des rencontres de Paul avec son thérapeute nommé par le tribunal après sa tentative d’assassinat sur son père, sauf que celui-ci était bel et bien mort lorsqu’il lui tire deux balles dans la boite crânienne.
On l’aura compris, ce roman est l’histoire d’un drame, celui de toute une vie et l’ambiance générale est mélancolique sous une pluie incessante et plombante à souhait. Malgré tout, on retrouve l’humour de l’auteur dans certaines scènes comme dans ses digressions sur les housses mortuaires que fabrique son entreprise et l’empyreume qui la caractérise.
« Voilà. Je fais un métier différent des autres, dans un domaine qui se trouve tout au bout de la dernière péninsule de la vie. Je n’ai jamais rencontré un seul de mes clients. Ni vieillard, ni femme, ni enfant. Parfois, à l’usine, je les imagine attendant leurs housses encore tiédies par les moulages. »
Thème récurrent chez l’auteur, la mort, qui a marqué le début de l’existence de Paul, est omniprésente dans le roman et nous questionne sur la vie.
Paul, qui est un personnage solitaire, préfère converser avec l’IA ou bien avec un chien errant plutôt qu’avec ses semblables. On est ému par le personnage englué dans sa haine pour le père vénéneux qui l’empêche de vivre une vie normale.
J’ai bien aimé la construction du roman, chaque rencontre avec le psychiatre ouvrant sur un moment dans la vie de Paul. Peu à peu se reconstruit le puzzle de son existence et les motifs de ce crime post mortem absurde.
J’ai regretté quelques longueurs, quelques redondances, que l’écriture subtile de Jean-Paul Dubois réussit à faire oublier.
Pourquoi tirer sur un homme qui est déjà mort depuis 15 jours ? Et quelle condamnation mérite cet assassinat post-mortem ?
Paul Sorensen a tellement de haine envers son père qu’il ne lui suffit pas de le savoir mort pour effacer les années destructrices qu’il a vécues à ses côtés. Alors, avec ce geste symbolique, il tente de se libérer du poison de son enfance pour peut-être réparer des dégâts qui ont entravé toute sa vie.
Soumis à une obligation de soins par le juge, ce quinquagénaire orphelin de sa mère et de son frère jumeau depuis le jour de sa naissance, va s’entretenir avec un thérapeute pendant un an pour trouver les raisons de cet acte insensé.
J’ai eu du mal à me passionner pour ces nombreuses séances de psychanalyse, même si l’écriture de Jean-Paul Dubois est agréablement décalée et doucement ironique. Ce chef d’une entreprise de sacs mortuaires m’a surtout inspiré de la pitié, tout comme son psy dévoré par l’empathie, et leurs rapports ne manquent pas d’humour. Mais le roman est lent et assez monotone.
La pluie incessante de cette année 2031, les images déchirantes d’une enfance brisée, l’amour passionnel de Paul pour les chiens et son lien irrationnel avec son Intelligence Artificielle sont autant d’éléments concrets qui aurait du donner corps à ces échanges thérapeutiques originaux. Pourtant, je n’ai pas réussi à accrocher à ce drôle de sujet.
Mais quand j’imagine cette histoire jouée sur scène dans une pièce de théâtre, mon intérêt s’éveille alors et j’aurais été enchantée de voir ce texte interprété par un duo de grands acteurs.
A bon entendeur …
Pour un lauréat du Prix Goncourt, l’écriture est présente, j’aurais juste aimé un peu plus de tonus dans l’histoire.
Vocabulaire recherché, quelques belles envolées dans l’écriture et des moments de culture intéressante. Cela je l’ai certes décelé dans ce dernier opus de Jean-Paul Dubois. Mais de là à avoir passé un moment de grande lecture, je mentirais si je l’affirmais. Décidément je n’ai toujours pas retrouvé l’auteur de « Une vie française ».
L’écriture est juste, ciselée, coupée au cordeau. Là est la qualité première de ce livre. Elle nous permet de naviguer entre les différents états d’âme que traverse le héros. Parfois l’écriture cherche à être agressive, à d’autres moments elle est mesurée, pudique. Mais l’histoire du héros est plutôt commune. Pour être plus précise je devrais dire que le sujet choisi pour le héros du livre est devenu au fil du temps un fait commun. Se mettre en analyse de sa vie est chose commune, une non originalité.
Le livre débute par deux coups de revolver tirés par Paul Sorensen (nom de sa mère) dans la tête de son père, Thomas Lanski. Oui mais, on ne peut pas parler de meurtre puisque qu’il les tire dans la tête d’un père déjà mort et qui se trouve déjà dans un tiroir de la morgue. Pas étonnant que le passage par la case consultation psychiatrique lui ait été imposée. Nous sommes en 2031, l’intelligence artificielle se montre sous un jour peu reluisant ; Paul préfère discuter avec l’IA plutôt qu’avec des humains.
J’en profite pour donner la signification du titre « L’origine des larmes » : c’est tout simplement le résultat de la maladie oculaire du psychiatre de Paul. Elle n’est pas la manifestation d’une souffrance humaine comme on aurait pu s’y attendre.
Les thèmes sont ceux de la filiation (le père), de la solitude, du suicide, de l’impossibilité de communiquer et de la vengeance. L’auteur en profite pour poser un regard plutôt désabusé sur la société et il n’est pas tendre avec les humains qui la constituent. Il n’a peut-être pas tord d’être aussi réaliste, mais le lire dans un roman ne m’a pas emballée. La vie et les humains ne sont souvent pas drôles, mais le retrouver dans un roman, ne m’a pas attirée.
On passe certes par des états d’âme très différents. L’auteur arrive aussi bien à faire rire, qu’à choquer, qu’à dramatiser ou qu’à émouvoir, cependant quelque chose n’a pas résonné en moi. D’aucuns diront que je fais la fine bouche, mais je ne pense pas que ce soit dans mon état d’esprit. Je pense que je n’ai tout simplement pas été prise dans le moule de la narration.
Par contre l’écriture est celle d’un grand auteur. Sur une même page, les émotions font le grand écart et c’est bien là que réside la force de ce texte, la grandeur de l’auteur. Et cela personne ne peut le nier. Jean-Paul Dubois écrit admirablement. Et j’ajouterais même que, sur ce point, il s’est bonifié depuis « Une vie française ».
Citations :
« Mon frère jumeau et moi , gamètes aveugles de trois microns de large et soixante de long, éparpillés dans cette nuée brouillonne, avons survécu et sommes malencontreusement sortis du lot. Ce fut là notre péché originel. »
« J’aimerais tant pouvoir établir une chronologie claire et limpide de cette histoire. Recenser méthodiquement les malveillances paternelles. Mais cela est impossible tant elles furent variées et nombreuses, s’entrelaçant dans les courbes du temps ou explosant comme du shrapnel. Il faudrait plusieurs vies pour collecter, assembler ces sous-munitions dévastatrices et leur donner un sens. »
Un roman plus sombre de Jean Paul Dubois avec des anti-héros tendres, inoubliables et humains. Une tragi-comédie entre mélancolie et humours. Paul notre protagoniste est suivi par un psy car il a tiré deux balles sur le corps sans vie de sont père âgés de 82 ans après une mort naturelle depuis quelques jours. Pourquoi ce geste ?
Une haine obsessionnelle d'un homme blessé, un roman troublant jusqu'au malaise qui nous plonge dans un univers singulier celui de la mort. Paul le personnage-fétiche de l’auteur est de retour. On découvre la relation entre Paul et son psychiatre naissante étrange et parfois si touchant. On retrouve des situations cocasses, dramatiques, légères et graves , cela oscille entre violence et délicatesse.
"L'amour s'apprend par capillarité. Au jour le jour. En un goutte-à-goutte silencieux qui se délivre sous nos yeux. L'enfant apprend avec les yeux. En reniflant les molécules qui flottent dans l'air, quand il voit la main de son père caresser la nuque de sa mère, la bouche de sa mère embrasser le cou de son père, quand il observe tout cela, il sait que c'est bien, que c'est bon, qu'on peut appeler ça l'amour ou comme l'on veut, mais que c'est agréable d'être avec quelqu'un qui un soir vous dit : " Tu es mon amour et moi le tien, ça tombe bien.""
Vengeance sur un corps déjà froid
En retraçant le parcours de Paul Sorensen, coupable d'avoir tiré sur un cadavre, Jean-Paul Dubois explore l'origine de l'identité, les liens tissés dès la naissance et dont on ne peut se défaire. Une confession mélancolique, une sombre comédie.
«Je me nomme Paul Sorensen. Pour des raisons que j’ignore, et que nul n’a jamais pu m’expliquer, j’ai été enregistré à l’état civil sous le nom de ma mère biologique, Marta Sorensen, morte à ma naissance, emportant avec elle mon frère jumeau, le 20 février 1980, à 21 h 30. Cette nuit-là, mon père est ailleurs. Il dîne, paraît-il, en ville. Il n’apprendra la mort de sa femme et celle de l’un de ses fils que le lendemain avant de confier la charge du survivant à un parent et de partir illico pour deux semaines de villégiature dans le sud de l’Italie. Cinquante et un ans plus tard, cet homme est décédé comme je suis né, seul, à l’hôpital de Montréal.»
Cet homme, qui est au cœur de cette sombre comédie, va prendre deux balles dans la tête. Un geste qui peut sembler n'avoir guère d'importance, car il était déjà mort depuis bien longtemps. Mais il lui fallait accomplir ce geste, cette vengeance post-mortem. Rapatrié à Toulouse, Paul doit s'expliquer devant les policiers et magistrats venus recueillir ses aveux.
On apprend alors qu'une jurisprudence existe pour de tels cas. Qu'il convient de différencier les actes exécutés sans savoir que la victime était morte et ceux qui sont commis sciemment sur des cadavres. Dans ce cas, la peine encourue est minorée. Paul pourra compter sur la mansuétude du juge et bénéficie du sursis, avec obligation de soins.
C'est alors que le Dr Guzman entre en scène. Le thérapeute prescrit douze séances, une par mois, pour faire la lumière sur cette affaire. Au fil des chapitres, il va tenter de cerner la personnalité de cet homme cerné par la mort, le vide, l'absence depuis son enfance. «Ce dont je suis certain, c'est que depuis ce 20 février, depuis ce premier jour, il y a un trou en moi. Je ne sais pas l’exprimer autrement. Il y a un trou au fond de moi. Creusé à mes mesures. Suffisamment profond pour m'accueillir. Il habite en moi.» Et le moins que l'on puisse dire, c'est que son père ne fait rien pour le combler. Il efface toute trace de cette femme et la remplace très vite par une nouvelle épouse, Rebecca. Cette dernière va bien essayer de combler cette béance, mais elle va être à la fois emportée par le caractère de cochon de son homme, ses malversations qui vont le pousser à prendre la fuite sans prévenir et par une maladie héréditaire aussi rare que grave. Paul, qui a fini par retrouver l’adresse de son père réfugié à Montréal va alors lui téléphoner toutes les semaines. «Mais pour lui, sa femme était déjà morte. Quant à moi, je n'aurais pas dû naître.»
Après Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois a choisi un registre un peu plus noir encore, proche de ses sujets et thèmes de prédilection, la famille, la mort, la transmission. L’occasion aussi pour le Toulousain de parcourir à nouveau la planète autour des lieux qu’il affectionne comme le Canada et la Suède. L’occasion aussi de rappeler à ses inconditionnels que Dag Hammarskjöld, secrétaire général de l'ONU et Prix Nobel de la paix, qui va tenir dans ce roman un rôle étonnant, était l’objet de sa dernière nouvelle publiée en 2022 dans le recueil collectif 13 à table! Et sobrement intitulée Dag Hammarskjöld.
Si l’humour se fait ici plus sous-jacent, il demeure aussi l’une des marques de fabrique d’un auteur rare qui, à l’image de son personnage, n’aspire qu’à un bonheur simple, selon sa formule «devenus ce que nous pouvions, étant ce que nous étions». Encore une belle réussite pour celui qui déclarait avant l’obtention de son Prix Goncourt à l’OBS où il a longtemps travaillé, «je réclame le droit à la paresse, au bonheur et à la dépression».
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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Quel prologue, époustouflant, qui place le lecteur dans l'intensité d'une tragédie antique ! Paul Sorensen, la cinquantaine, vient d'être arrêté pour avoir abattu son père post-mortem dans une morgue. Il présente son destin comme marqué par la mort, né d'une mère décédée en couches en même temps que son frère jumeau.
« Chacun de mes anniversaires commémore la mort de Marta et de mon frère. L'origine des larmes se trouve là, au fond du ventre de ma mère. Ce ventre dont je n'aurais jamais dû sortir. Ce ventre qui aurait dû m'ensevelir au côté de mon frère. Ce ventre qui m'a expulsé au dernier moment vers la vie sans que je ne demande rien ni que je sache pourquoi. de l'air est entré dans mes poumons pour la première fois au moment même où leurs coeurs ont arrêté de battre. »
Suite à son procès pour atteinte à l'intégrité d'un cadavre, il écope d'une année de prison avec sursis et d'une prise en charge médico-psychologique obligatoire pendant un an : une séance par mois, un sujet par mois.
Au départ, l'intérêt est happé par le personnage du père. On attend avec impatience le réquisitoire de Paul pour comprendre son geste inouï. Jean-Paul Dubois évacue rapidement cette attente car on comprend vite que le père incarne toute la sauvagerie et la violence du monde. Ce personnage est tellement outré, monstrueux dans ses actes et paroles, totalement impardonnable, qu'il en devient presque irréel, mais sa présence hante tout le récit par l'impact qu'il a eu sur la vie Paul.
La construction narrative est faussement simple. Douze chapitres, un par mois, un par séance, un sujet par séance, pour savoir si Paul va réussir à se décharger du fardeau de son existence et sortir du trou noir de la haine que lui inspire son père. Ce qui a aimanté ma lecture, c'est le portrait désespéré de Paul, un homme profondément seul, raconté par moultes digressions brillantes qui dessinent la réalité d'une vie fracassée et inconsolée ( « cet homme est entré dans ma tête, il y vit en ne laissant que désordre derrière lui. Il entre, sort, fait ce qu'il veut, n'importe quand, n'importe où. Même quand il n'était pas là, on l'avait en nous, comme une amibe, un parasite mental. »
La maitrise narrative de cette introspection labyrinthique est admirable, des détails inattendus venant faire écho à d'autres, de façon encore plus inattendue, autant de contre-poisons au venin paternel : le peintre coréen Kim Tschang-yeul, l'ancien secrétaire général de Nations Unies Dag Hammarskjöld, le moine néerlandais Thomas a Kempis entre autres. En filigrane, une réflexion bouleversante sur la mémoire se déploie, sur les mécanismes des souvenirs et de la perte. On n'échappe pas à sa mémoire.
C'est sans doute le roman le plus sombre de Jean-Paul Dubois, baigné dans une pluie perpétuelle quasi dystopique ( nous sommes en 2031 ) et pourtant, il y a bien une juste dose d'humanité qui vient, malgré tout, éclairer le noir de l'ensemble, accompagnée d'une tendresse parfois teintée de burlesque : le logiciel d'I.A. avec lequel discute Paul, si civilisé et courtois ; l'amour d'une mère adoptive ( inoubliable scène des jouets pris en photo ) ; la relation avec le génial psychiatre ( il souffre d'une maladie de l'oeil provocant un larmoiement continu qui l'oblige à sortir de son cabinet pour se mettre du collyre, de peur que ses patients pensent qu'il pleure à cause de ce qu'ils lui racontent ) et ses compagnons chiens.
« Wats avait la particularité, quand il était sec, d'avoir un pelage qui gonflait et magnifiait une stature. En revanche, une fois mouillée, sa toison s'effilochait misérablement, lui donnant l'apparence d'un gros rat. Il avait aussi de tout petits os, des pattes effilées comme des talons hauts et un museau aussi pointu qu'un pic à glace. J'avais donc deux chiens. L'un, sec, une vraie merveille. L'autre, mouillé, une totale affliction. Wats avait aussi cet étrange besoin, en voiture, de mettre son museau à la portière et de demeurer dans cette position, sans broncher, même au-delà des cent trente kilomètres-heures réglementaires. le vent plaquant les poils sur son museau déformait ses babines, lui donnant un visage effrayant, à tel point que j'avais honte de doubler un véhicule. »
Dubois est un des rares auteurs français à savoir manier avec autant d'élégance et d'intelligence tragédie et comédie. Il compose ici un roman d'une noirceur drolatique qui émeut autant qu'il désole.
Un roman déroutant. L'eau est partout, la pluie incessante en 2030 à Toulouse, les inondations, les intempéries sous un ciel chargé et gris .
Une volonté de tuer le père soi même pour tout effacer, cette violence, ces humiliations, tuer le père pour tout oublier et ne plus avoir trace de sa vie si indigne.
Un roman très intéressant entre noirceur, larmes, pluie, . Une histoire tragique, mais drôle, de la folie d'un père destructeur. Comment se reconstruire après cela?Est ce que le fait de le tuer alors qu'il est déjà mort va apaiser Paul? Un roman aussi absurde que sordide où la mort et le désespoir sont présents mais l'humour n'est jamais loin dans ce personnage décalé, seul qui a pour seul ami un chien et sa compagne est l'I.A .
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