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À l'été 1919, Léon Cognard, ex-officier de gendarmerie fort en gueule et idéaliste, change de vie, direction l'Amérique du Sud.
Mais, bloqué à Saint-Nazaire, il se retrouve au coeur de l'incroyable liquidation des stocks américains. Les troupes alliées rentrent en effet au pays, abandonnant derrière elles 600 millions de tonnes d'objets divers. Devant cette manne, la région de Saint-Nazaire se transforme en Far West, avec colonnes de camions qui se volatilisent et niveau de corruption record. En attendant de pouvoir embarquer, Cognard va aider un ancien collègue des brigades mobiles à enquêter sur un vol de train, lié à une autre guerre où la France est impliquée.
Une fois à Cayenne, Cognard a une idée fixe : améliorer le sort du bagnard Marcel Talhouarn, condamné à vingt ans de travaux forcés. Un homme qu'il a arrêté autrefois, et qu'il estime victime d'une injustice.
Pendant que Talhouarn endure l'horreur du camp des incorrigibles, du tribunal maritime spécial et de l'internement à l'île Royale, Cognard découvre les rouages du bagne, sidéré par ce système où toutes les valeurs sont inversées.
À l'obsession de sauver Talhouarn, s'ajoute bientôt la volonté de porter secours aux forçats libérés, ces grands oubliés du bagne. Mais peut-on aider qui ne veut - ou ne peut - pas l'être ?
Que j'aime lorsque les auteurs s'emparent d'une thématique historique qui dépasse le simple décor contextuel et y déployent une intrigue embrassant toute les problématiques possibles avec profondeur. Patrice Quélard a choisi de structurer son roman autour d'un sujet fort, celui des bagnes coloniaux guyanais. Sujet à l'imaginaire fort, de Dreyfus sur l'île du Diable à Papillon / Henri Charrière à Saint-Laurent-du-Maroni.
Les incorrigibles, ce sont les fortes têtes, ceux qui se sont évadés plusieurs fois, ceux qui refusent le travail forcé et tiennent tête aux gaffes ( les matons ). Ils sont envoyés au bagne de Charvein, surnommé le « camp de la mort » pour être cassés, matés, voire pour s'en débarrasser, sans aucune volonté de les amender. En 1919, débarque en Guyane l'ancien lieutenant de gendarmerie Léon Cognard ( déjà personnage principal du précédent roman de l'auteur, Place aux immortels ) à la recherche d'un bagnard qu'il veut aider, Talhouarn. C'est pourtant lui qui l'a arrêté, mais désormais, il est persuadé de l'injustice de son sort.
Patrice Quélard alterne les deux récits : le parcours de Cognard et celui de Talhouarn. Ce dernier était engagé volontaire dans l'infanterie coloniale, condamné en 1908 pour outrage à un sous-officier puis en 1909 pour incendie volontaire. Ces deux voix permettent à l'auteur de ressusciter tout cet univers carcéral d'un autre temps. La reconstitution est passionnante, d'une grande méticulosité, embrassant un vocabulaire riche. Ce souci du détail et de l'exactitude apporte énormément de densité et d'intensité au texte.
le lecteur découvre effaré un système bagnard réellement terrifiant. D'abord les conditions de (sur)vie des forçats dans les différents bagnes guyanais entre sous-alimentation, maladies en tout genre, sévices, humiliations permanentes et exploitation tellement dure qu'elle confine l'espérance de vie moyenne à moins de six ans. Sans parler d'une corruption généralisée d'un système complexe de classement des prisonniers. Tout indigne et révolte, notamment la loi sur la relégation des récidivistes ( 1885 ) qui réprime en exilant définitivement sur le sol colonial sans espoir de retour en métropole. Ainsi la ville pénitentiaire de Saint-Laurent-du-Maroni, parfaitement reconstituée, n'est peuplée que de gardiens ou de bagnards libérés coincés en Guyane à l'expiration de leur peine.
Dans ce cadre déjà fort dense, l'auteur ne cherche pas à surcharger le récit de péripéties. le rythme est parfois lent, permettant un 360° afin de bien saisir le contexte et surtout de comprendre son formidable personnage, Léon Cognard. Un idéaliste atypique, anticonformiste qui déboule en Guyane à la Jean Valjean. Son humanisme lumineux croît à mesure qu'il s'implante en ces lieux désespérants, hors de toute civilisation. Son humour, couplé à sa lucidité, fait mouche dans de savoureux dialogues. Mais ce n'est pas un contemplatif éthéré. Son idéalisme, terrien, s'inscrit dans un pragmatisme mis au service des autres, en créant une coopérative agricole presque utopique qui réinsère les relégués et fonctionne tel un phalanstère fouriériste.
Un personnage qui fait du bien et parvient à percer la noirceur du cadre. Jusqu'au magnifique final qui passe le relais à Albert Londres, célèbre journaliste qui tirera de son séjour à Cayenne en 1923 un reportage dénonçant les horreurs commises sur les bagnards.
Léon Cognard est de retour. Sa première aventure dans le milieu de la gendarmerie m’avait enthousiasmé. Basée sur une enquête policière, elle m’avait permis de découvrir le fonctionnement d’une prévôté de division d’infanterie, en temps de guerre.
Même s’il ne peut s’empêcher de mettre son nez dans toutes les affaires, sa nouvelle quête tend plus vers le roman d’aventure que vers le polar. Alors que la guerre est terminée et qu’il a quitté ses fonctions dans la force publique, il décide de s’intéresser au sort malchanceux d’un personnage qu’il a croisé avant le conflit de 14-18. Pour ce faire, il va rouler sa bosse entre Saint-Nazaire et Cayenne.
Quel plaisir de renouer avec le génial Léon Cognard, ce personnage charismatique qui rend toutes les scènes de dialogues croustillantes. Il est toujours aussi idéaliste et il n’hésite pas à le faire savoir. L’auteur tient là un héros atypique avec lequel il peut s’amuser. D’ailleurs, il s’en donne à cœur joie pour notre plus grand plaisir.
Grâce à son gros travail de préparation et à ses connaissances de la période, Patrice Quélard met aussi en lumière des péripéties de l’Histoire. On découvre le scandale des stocks américains restés sur le territoire français après les conflits et le traitement dégradant réservé aux condamnés aux travaux forcés en Guyane et à ceux qui ont été libérés. L’image de nos ancêtres ne sort pas grandie de ces secrets bien étouffés.
Ce nouvel opus est plus dramatique et moins que facétieux que « Place aux immortels ». L’écrivain a réussi à se renouveler afin de donner une nouvelle dimension à sa série. De sa plume virtuose, il poursuit son exploration de cette période du XXème siècle.
Léon est moins présent dans ce volume et pour tout vous dire, il m’a un peu manqué. J’ai hâte de retrouver sa gouaille et sa répartie dans de prochaines aventures !
https://leslivresdek79.wordpress.com/2022/03/14/741-patrice-quelard-les-incorrigibles/
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