1941, après avoir fui son Autriche natale et bien-aimée, l’écrivain Stefan Zweig débarque au Brésil avec sa jeune épouse Lotte. Après Londres et New-York, il a choisi le Brésil pour son climat (qui convient mieux à la fragile Lotte) et s’installe dans une jolie villa de la ville de Petrópolis....
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1941, après avoir fui son Autriche natale et bien-aimée, l’écrivain Stefan Zweig débarque au Brésil avec sa jeune épouse Lotte. Après Londres et New-York, il a choisi le Brésil pour son climat (qui convient mieux à la fragile Lotte) et s’installe dans une jolie villa de la ville de Petrópolis. Mais Zwieg est un homme brisé, qui regrette la vie d’avant le nazisme, l’Autriche avant l’annexion, qui ne croit plus en un avenir meilleur. Il le sait sûrement déjà au fond de lui, ce pays qu’il regrette tant, il ne le reverra jamais.
L’écrivain Laurent Seksik imagine les derniers mois de Stefan Zweig dans son exil brésilien de 1941 à début 1942. Chaque mois qui sépare le couple du double suicide qui sera le leur fait l’objet d’un gros chapitre pour se terminer en février 1942. Réfugié sous le soleil du Brésil, loin d’Hitler et accompagné de sa jeune épouse, Zweig aurait tout pour être, sinon heureux, mais tout du moins apaisé. Mais tout chez lui n’est que souffrance : il a laissé à Vienne ses souvenirs, ses livres, ses amis. Certains ont été déportés (on ne sait pas encore trop où…), d’autres assassinés, d’autres encore ont disparus et quelques-uns ont tout simplement mis fin à leurs jours, désespérés par la haine antisémitique qui s’est emparé de leur pays. Zweig traine partout avec lui le complexe du survivant er celui du juif errant, il est prisonnier de son passé et du chagrin d’avoir perdu tout ce qui donnait du sens à sa vie. Tous les efforts de Lotte pour lui changer les idées, les bonnes nouvelles qu’elle essaie de lui apporter (comme l’entrée en guerre des Etats-Unis), les exilés comme lui qu’il rencontre (Georges Bernanos par exemple) n’y peuvent rien, Zweig a le désespoir chevillé au corps. C’est la chute de Singapour pris par les japonais début 1942 qui le convaincra d’abréger ses souffrances psychiques : même l’empire britannique est défait, le Reich durera mille ans, tout est perdu… On se dit qu’il aurait fallu qu’il tienne encore 6 ou 7 mois avant de pouvoir retrouver l’espoir, ce n’est pas si long… Mais bien-sur il ne pouvait pas le savoir. Et puis de toute façon, Seksik fait le portrait d’un homme profondément mélancolique et dépressif depuis bien avant le nazisme, un homme qui a porté en lui dés sa jeunesse la petite graine noire de la dépression. Contre cela à l’époque, il n’y a pas grand-chose à faire. Le roman insiste sur l’amour très pur qui anime Lotte, qui le suivra dans la mort. Le livre est court, pas forcément aisé à lire car il y a de longs passages à digérer, une forme de redite aussi : comme Zweig rumine son chagrin, le livre rumine aussi avec lui. Mais le style est élégant, Seksik a visiblement bien documenté son roman et réussi à nous faire entrer dans la tête de Stefan Zweig, suicidé à 60 ans au véronal, à des milliers de kilomètres de son Autriche adorée. Cette Autriche annexée, qui se roule en 1941 dans la fange du national socialisme, méritait-elle réellement qu’un grand écrivain meure d’amour pour elle ?