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«Sans bourse délier, je quittai Los Angeles sur le coup de midi, caché dans un train de marchandises, par une belle journée de la fin septembre 1955. Étendu sur une plate-forme roulante, mon sac sous la nuque, les genoux croisés haut, je me laissai absorber par la contemplation des nuages tandis que le convoi roulait vers le nord. L'omnibus qui m'emportait me permettrait d'arriver avant la nuit à Santa Barbara où je me proposais de dormir sur la plage. Le lendemain matin, un autre omnibus m'emmènerait jusqu'à San Luis Obispo, ou bien le rapide de marchandises me déposerait à San Francisco à sept heures du soir.»
J’ai lu Sur la route, le road-trip devenu mythique de Jack Kerouac il y a longtemps et j’avais gardé l’image d’une « Beat generation » affranchie, les « beatniks » s'opposant au conformisme, au consumérisme et à la politique de l'Amérique des années 50.
Les clochards célestes restent dans cette ligne. Ray Smith (le Dupont américain, c’est-à-dire monsieur Tout-le-monde) et ses amis vagabondent de fêtes orgiaques en rencontres improbables. Tester la vie, le monde et soi-même, toutes les façons d’accéder à une spiritualité issue principalement du bouddhisme, justifient les « trips » de ces adeptes des lois naturelles du dharma. C’est d’ailleurs ce qui explique le titre : Les clochards célestes est une jolie traduction pour The Dharms Bums, soit : "les clochards dharmiques" ! Et la dédicace : "à Han Shan", poète chinois, ermite de la "Montagne froide".
Sur la route consistait en une errance initiatique que l’on retrouve encore dans Les clochards célestes. Non seulement parce que l’initiation loin de s’être arrêtée a mûri, mais elle est demeurée un état d’esprit sans incarner véritablement une option à long terme : le protagoniste regrette parfois de ne pas avoir de foyer et il rentre régulièrement voir sa mère qu’il aime sincèrement.
Le style est simple, presque oral et fourmille de détails parfois insignifiants qui, dans sa logique, ne le sont pas. Sans lyrisme littéraire, on assiste pourtant à des états extatiques – comme ceux dont John Muir a décrit le processus, personnage emblématique des grands espaces pour le moins auquel Kerouac fait souvent référence –, lorsqu’au cours de ses ascensions alpinistes Ray atteint le point culminant de la Terre…et de la sensation de liberté. Et c’est en cela (aussi) que Les clochards célestes diffère de Sur la route. Car comme le dit l’axiome Zen cité page 130 : « Quand tu parviendras au sommet de la montagne, continue à monter ».
Parmi nos contemporains, on peut tracer l'influence de Jack Kerouac chez Sylvain Tesson, l’écrivain voyageur et Sylvain ( !) Prudhomme, auteur de Par les routes (2019). Entre autres.
anne.vacquant.free.fr/av/
Qui a raison ? Eux je pense !!!!!
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