Le roman débute en 1917, quelque part dans l'Est de la France, à quelques kms du front où la Grande Guerre se repait de chair fraîche, d'une jeunesse sacrifiée et de désastreuses stratégies militaires. Dans un village où la plupart des hommes ont été réquisitionnés à l'Usine, pour effort de...
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Le roman débute en 1917, quelque part dans l'Est de la France, à quelques kms du front où la Grande Guerre se repait de chair fraîche, d'une jeunesse sacrifiée et de désastreuses stratégies militaires. Dans un village où la plupart des hommes ont été réquisitionnés à l'Usine, pour effort de guerre, cette guerre qu'ils ne voient pas, car elle est de l'autre côté du coteau, mais qu'ils entendent et sentent. Odeur du sang et de la mort.
Et pendant que des hommes jouent leur vie, d'autres regardent ailleurs.
Il débute au moment de "l'Affaire", à savoir l'assassinat d'une gamine de 10 ans surnommée "belle-de-jour", retrouvée un petit matin de décembre, au bord du canal.
Voilà de quoi susciter des commentaires...et pour le juge Mierck et son acolyte Matziev, l'occasion d'exercer leur autorité de pacotille, au nom d'une justice faite pour les riches.
Dans ce décor noir comme la nuit se joue certes la tragédie de l'assassinat de la fillette, mais bien d'autres drames aussi. Victimes collatérales pourrait-on dire....
Ainsi,Lysia, la toute jeune institutrice fraîchement débarquée dans ce théâtre des atrocités ,deux "péquenots", déserteurs à point nommé (!) et puis Clémence , la femme du narrateur. Ce dernier est un policier qui tente désespérément de trouver la vérité et qui parallèlement cherche à recoller les souvenirs de sa vie au travers de notes. Et si le récit semble parfois décousu, c'est qu'il est à son image, éparpillé qu'il est en petits morceaux
Et puis n'oublions pas l'énigmatique procureur Destinat, muré dans le silence de son château depuis le décès de sa femme.
A vous de faire le lien entre ces différents personnages pour trouver le coupable !
Ce roman fut pour moi un réel coup de coeur , émotionnel et littéraire. Et aussi un coup de poing.
Ph. Claudel y fait une fine analyse de la "société de guerre" : d'un côté les pauvres gars partis au combat, de l'autre, ceux qui n'ont pas eu à s'offrir en pâture à la guerre immonde. D'un côté les petites gens , petite lâcheté; de l'autre, les notables, en l'occurrence représentants de la justice, cyniques et méprisants, la honte de l'espèce humaine. Car par-dessus tout subsiste les "règles du monde" !!
Et puis, quel style ! Taillé au couteau, à la hache, efficace comme le canon, fourraillant la noirceur des âmes et ciselant au scalpel le désespoir des innocents...et des autres...
Et, dans ce chaos de cruauté, des fulgurances de lumière, de délicatesse et de légèreté, toutes féminines. Alors merci à Lysia, Clémence et "belle-de-jour" de permettre cet hymne à la beauté et à la douceur.
Petits miracles fugitifs.
Les mots de Ph. Claudel se font alors caressants, transparents, lyriques. De la poésie à l'état pur. Un véritable émerveillement. Une respiration au coeur de l'insoutenable.
Merci Monsieur Claudel pour cette descente vertigineuse dans le tréfonds des âmes grises
"rien n'est tout noir ni tout blanc, c'est le gris qui gagne".
Bonjour Elisabeth, un court roman que j'ai également apprécié. Je n'ai pas encore vu l'adaptation cinématographique.