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Comment est-on passé du titre original "The Trespasser", c'est-à-dire L'Intrus, au titre "Le Profanateur" ? Ce titre français est bien trop moraliste et obscur.
L'Intrus est parlant. Est-il ce personnage principal qu'est Siegmund : il ne sait plus où il habite dans son coeur (Héléna, sa maîtresse / Béatrice, sa femme), dans sa vie (tout le temps à droite à gauche avec Héléna / à domicile replié avec sa femme et ses enfants) et dans son travail (musicien en "intérim" mais il n'en peut plus de son métier).
A moins que L'Intrus soit une Intruse en la personne d'Héléna, sa jeune maîtresse (bisexuelle ce qui n'est pas anodin pour l'époque !), qui vient bousculer la vie morne et désenchantée de Siegmund car dès la 4e de couverture, la fin est annoncée : il se suicide. Un drame ? Pour lui sûrement, pour les autres, pas sûr.
Ce livre est une chronique d'un naufrage amoureux aussi bien dans le mariage que dans l'adultère. Côté Siegmund et Héléna chacun des protagonistes pensent croire à leur amour et se bercent d'illusions. Si la langue de l'auteur est belle et poétique (vraiment très belle sans être alambiquée), leur amour ne fait pas envie ! Elle passe son temps à être frigide, insatisfaite, dans des fantasmes ou à pleurer. Lui passe son temps à être désenchanté, dépressif, plein d'une libido ne récoltant que des miettes (heureusement qu'il y a des bains de mer pour lui "fouetter" les sens) et en plein dilemme entre ce qu'on attend de lui et le fait qu'il ne veuille plus rien.
Lawrence a une piètre opinion des femmes (insensées, instables, castratrices, capricieuses, dissonantes, etc.) qui ne provoquent que le désir pour mieux susciter ensuite chez l'homme :
- "la haine, un goût de cendres dans la bouche" (p. 21),
- "du dégoût qui soulève le coeur" (p. 43),
- "elles sont insensées, ces femmes !" (p. 111 ce qui rappelle le Barbier de Séville "oh femmes, femmes, femmes, créatures faibles et décevantes..."),
- "Il y a pour elles quelque chose de dégradant à aimer les mâles que nous sommes. Aussi détruisent-elles notre virilité naturelle c'est-à-dire qu'elles nous détruisent complètement" (p. 110), etc.
Mais l'homme est-il épargné ? Lawrence conclut : "j'ai l'impression qu'un homme a besoin de sa mère toute la vie. Je n'ai vraiment rien d'un démiurge" (p. 197). Pas sûr que cela soit bien glorieux.
Enfin, j'ai trouvé ce livre particulièrement intéressant sur les états dépressifs malgré une vie sociale et amoureuse active menant jusqu'au suicide. Cela est un tabou de nos jours et Lawrence l'évoque en filigrane (sûrement sans le vouloir vraiment) ce qui peut éclairer les vivants (p. 156 par exemple).
Les pages 197-199 me semblent éclairantes à ce sujet : "Son existence se trouvait [c'est une évidence, un impératif à ses yeux] enfermée dans un passage étroit et obstrué. [...] Ce sera partout pareil. J'éprouverai cette même sensation d'écoeurement due au fait que je ne désire rien. [...] C'est insupportable. Plutôt mourir".
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