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L'homme considéré comme un être parlant et désirant est un thème qui a donné lieu, ces dernières décennies, à des analyses d'envergure dont un des effets les plus notables est d'avoir redonné à la différence des sexes sa part d'énigme. Mais c'est peu dire que nous sommes loin d'en avoir fait le tour. Les récentes spéculations sur la notion de genre ne semblent pas même vouloir se préoccuper de dissiper l'obscurité dans laquelle se tient encore l'essence du désir.
Certes, nous connaissons désormais un peu mieux les liens unissant le désir et la répétition où se signale un symptôme. Mais qu'en est-il de l'amour quand le désir dont il se soutient parvient à franchir le mur de la répétition ? À quel type de réjouissance a-t-on alors affaire ?
Il nous a semblé que la question de l'essence du désir devait faire place maintenant à celle de son « ipséité ». D'autant que la question de son ipséité - Qui est le désir ? - n'est pas sans éclairer d'un jour nouveau la question plus traditionnelle de son essence. Donc aussi bien celle de l'amour dont le désir est la raison.
Dire que le désir est la raison de l'amour ne suffit cependant pas. Pas plus qu'il ne faudrait se contenter de reconnaître le caractère libidinal de l'économie du monde humain. Que le monde des hommes soit un monde du désir, cette conviction, on le sait, nous aura été transmise par une philosophie dont nous nous reconnaissons volontiers les héritiers. Mais que ce monde du désir ne soit pas exclusivement affilié au sexuel, donc à la différence, que ce monde ne soit rien de moins que celui où le désir vient miraculeusement s'accomplir dans la réjouissance de l'amour, voilà où se dresse pour nous la grande nouvelle, la bonne nouvelle.
Ce court essai prolonge la réflexion menée en 2011 dans Le Théorème du Surmâle, ouvrage qui avait déjà pour thème cette invention considérable du désir qui s'appelle l'amour. Cette invention y était alors appréhendée au travers de ce que suggérait de comprendre d'un séminaire de Jacques Lacan - Encore, tenu en 1972 et 1973 - la lecture du roman d'Alfred Jarry, Le Surmâle, paru en 1902. À présent, il s'agit de « tenir le pas gagné », pour reprendre la formule de Rimbaud 1, en tablant sur d'autres éléments de compréhension qui touchent moins à la psychanalyse qu'à la philosophie.
Mais n'est-ce pas justement cela - tenir le pas gagné sur ce qui n'est jamais déjà « gagné », c'est-à-dire obtenu, donc sur ce qui doit être arraché de haute lutte et conquis pour toujours - que l'amour demande secrètement à tout un chacun ? L'amour, n'est-ce pas en effet ce qui - à distance de tout cantique, comme dit aussi Rimbaud - exige que l'on en soutienne la gageure - disons mieux le miracle - en faisant feu de tout bois ?
Il est vrai que cette demande s'élève avec d'autant plus d'insistance que l'amour se laisse lui-même définir comme ce « pas » que le désir gagne sur sa propre satisfaction fantasmatique, comme ce saut que le désir ose accomplir au-delà du point de butée où il arrive si souvent à la pulsion sexuelle de tourner court.
Ici, deux courts textes - à l'origine des « causeries » sur le fait que l'amour n'assure aucun acquis au désir - viennent compléter le texte principal intitulé « Cette réjouissance qu'est l'amour ».
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