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Ce court récit inédit de Julien Gracq met en scène une fascination. C'est la vision initiatrice, brève mais répétée, d'une demeure, aperçue à chaque trajet depuis un car traversant la campagne pendant l'Occupation, qui pousse le narrateur à se mettre en route, cheminant seul dans les sous-bois pour s'approcher de la maison. À travers le récit de ce parcours aussi sensuel et contemplatif qu'intériorisé, La Maison déplie, comme une intrigue, la naissance d'un désir.
« Le soir tombait plus vite qu'ailleurs sur l'égouttement de ces fourrés sans oiseaux. Leurs bruits légers et distincts :
Craquements de branches, sifflement faible du vent dans un pin isolé, éteignaient les bruits insignifiants de la campagne - au long d'eux, dans la brume pluvieuse, on marchait comme dans une ombre portée : la route tout entière feutrée et épiante, n'était plus qu'une oreille collée contre la lisière des bois. [...] Après quelques allées et venues assez incertaines au long de la route, l'envie me vint une minute, devant cet obstacle absurde, de renoncer à mon équipée - mais la curiosité fut la plus forte. »
Comment ? Qu'ouïs-je ? Un inédit de Julien Gracq ? Un court texte, encore mieux, car parfois sur la longueur, Gracq peut être difficile à suivre -bien que Le rivage des Syrtes soit et reste indubitablement dans mon classement de mes livres préférés. Et cette couverture verte qui attire l’œil et que j'ai vue du premier coup chez mes libraires attitrées. Et José Corti, évidemment... Tout est là pour me faire passer un délicieux moment. Il faut rechercher un endroit calme pour en profiter, pour ne pas être distrait et ne pas perdre le fil. Et le charme opère. L'écriture délicate, travaillée, élégante, faite de longues phrases aux mots méticuleusement choisis, pesés imprègne le lecteur qui se retrouve avec l'auteur dans "l'autocar fourbu" puis dans le sous-bois qui entoure la maison. De même, ses remarques sonnent juste : "D'où vient qu'à certaines minutes privilégiées de notre vie, minutes de vacuité apparente et de tension très basse où nous nous abandonnons au courant et marchons vraiment où nos pieds nous mènent, la paroi volontaire qui nous mure contre l'infini pouvoir de suggestion embusqué dans les choses soudain flotte et se dissout, -rendant à une sorte de pesanteur native et aveugle ce qu'il faudrait bien appeler notre matière mentale pour en faire la proie d'attractions sans réplique, et déchaînant en nous un sentiment confus à la fois de sommeil du vouloir et de presque scandaleuse liberté ?" (p.19) Certes, la chose eut pu être dite plus simplement, en moins de mots, mais l'élégance mon cher, l'élégance en eut été absente.
Je peux reconnaître que Julien Gracq ne s'adresse pas à tous les lecteurs, que sa lecture est parfois ardue et qu'il peut paraître abstrus, mais ce petit texte, ne fait qu'une trentaine de pages. Trente pages de Julien Gracq demandent plus d'attention que trente pages de n'importe quel autre écrivain(e), mais celles-ci offrent une entrée assez simple dans son œuvre et l'on pourra dire ensuite que l'on a lu Gracq et que pfff, finalement c'est quand même vachement bien.
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