Alors que les membres du jury s’attèlent à leurs dernières lectures et peaufinent leurs arguments pour le 5 mai prochain, où ils devront désigner cinq romans finalistes, revenons sur les 30 titres sélectionnés pour le Prix Orange du Livre 2015.
Bienvenue à Pattaya, en Thaïlande, capitale mondiale de la prostitution, station balnéaire familiale la plus populaire d'Asie du Sud-Est et paradis des transsexuelles, noctambules, bandits, expatriés venus des quatre coins du globe. Une ville-univers, symbole de tous les paradoxes de notre époque, où le sexe, la mort et l'argent cohabitent avec la spiritualité la plus intense : fleur du Capital et clash des civilisations d'un genre particulier... Ce roman baroque et polyphonique est conçu comme un gigantesque théâtre où se déploie la danse frénétique de l'Occident décadent et de l'Orient renaissant. Cinq voix nous guident à travers la multitude des rues et des bars, à la rencontre de figures splendides et déchues : Marly, l´exilé en sursis ; Porn, la ladyboy parfaite dont il est amoureux ; Kurtz, le guerrier de la passe ; Harun, l'architecte obsédé ; et Scribe, l'auteur fétichiste de la cité. Dans une langue puissamment inventive, tranchante et hypnotique, ce premier roman nous emporte aux tréfonds de l'Extrême-Orient, au coeur du désir humain.
Alors que les membres du jury s’attèlent à leurs dernières lectures et peaufinent leurs arguments pour le 5 mai prochain, où ils devront désigner cinq romans finalistes, revenons sur les 30 titres sélectionnés pour le Prix Orange du Livre 2015.
Ils avaient été repérés par les libraires ou par nos explorateurs, ils sont reçu des prix à l'automne 2015
Il est rare de me voir fermer un livre avant la fin quand bien même ce dernier ne présente pas grand intérêt...
Malheureusement la fleur du capital aura eu raison de ma bonne humeur. Après 300 pages d'un lieu et d'un sujet que je juge inintéressant, je jette l'éponge.
La description du lieu à travers les différents protagonistes restent identiques calquer sur un seul aspect de ce pays. Des répétitions à chaque page, la même énergie à essayer de convaincre, de tenter l'attachement pour l'un ou l'autre de ces humains. Sincèrement, c'est amer que je lâche ce bouquin, du temps perdu tout au plus...
« La Fleur du Capital » de Jean-Noël Orengo est-il un roman ? Une pièce de théâtre classique ? Un opéra ? Tout en un peut-être, comme certains produits vaisselle et cela pose donc également la question de savoir si cet opus est un produit. Il en a l’aspect. 800 pages, parcellisées en cinq Actes, eux même composés de Scènes, d’Entractes, d’Intermèdes et de Rideaux. Gadget ? Concept ?
Si on y regarde de plus près et assez récemment, la littérature a pour habitude de nous proposer ce type d’Ovni. Mathias Enard et son « ZONE » en 2009, roman codé, sans ponctuation où chaque page représentait un nombre de kilomètres parcourus par le narrateur dans un train durant 516 pages. Encore plus récemment Yann Moix et sa « Naissance », pavé hystérique et introspectif en diable.
« La Fleur du Capital » semble donc bien faire partie de cette famille de romans. Et il a toutes les qualités de ce qui fait un roman dans son contenu, notamment des personnages forts, attachants, souvent imprévisibles.
Pas de doute donc, nous sommes bien dans le « romanesque ». Mais sur quel registre ? Pattaya.
Pattaya est une voie sans issue. Un cul de sac. Celui de la perte. D’une identité, d’une sexualité, d’une âme. Orengo convoque avec beaucoup de finesse Conrad, Lowry, Coppola mais aussi d’autres fantômes qui ne font qu’effleurer le récit, comme un parfum qui nous réconforte, Pasolini, Fassbinder, Herzog. Que du beau monde.
« L’horreur…l’horreur… » C’est le leitmotiv commun au « Cœur des Ténèbres », « Apocalypse Now » et au mercenaire qui est venu mourir à Pattaya qui n’a pas cherché plus loin son nom de scène, « Kurtz » (Acte II). Pas moins. Confer Marlon Brando qui entre et sort de la lumière et qui déclame « Horror …Horror ». L’image étalon de la lucidité qui se transforme en folie. En Afrique, au Vietnam, à Pattaya. Cette dernière, patrie des « décrochés », futurs « évaporés », avides de ce Las Vegas sexuel, des Ladybars et des Ladyboys par centaines comme dans un rêve (mauvais ?) ou tout au moins une déambulation crépusculaire. La ligne d’arrivée d’une vie qui n’a pas trouvé sa logique et son équilibre en occident mais seulement des désillusions et des déceptions. Pattaya où peut-être tout pourrait devenir possible, devenir l’architecte « fuoriclasse » comme le pense Haroun (Acte III) sans y parvenir, ou l’écrivain qui va savoir retranscrire l’âme du Siam sur papier comme le pense Scribe (Acte IV) mas qui déchire chaque soir les pages écrites dans la journée. Pourtant, pendant que le Kurtz d’Orengo découpera ses voisins à la machette avant de les placer au congélateur dans un dernier geste paranoïaque en hommage à l’horreur qu’il vénère, une très belle histoire d’amour s’écrit sous nos yeux. Entre Marly (Acte I) qui multiplie les allers-retours en essayant d’oublier les questions qu’il se pose et Porn (Acte V) mythique Ladyboy, transsexuel sublime qui n’a plus besoin de l’argent des autres et qui a assumé sa réalité jusqu’à l’opération qui en a presque fait physiologiquement une femme. Leur rapport chaotique dans cette Mecque du sexe, de la prostitution débridée et de sa consommation totalement décomplexée est une relation comme on n’en a pas vu depuis longtemps dans la littérature française. Ces amants sont beaux, meurtris dans leur chair et leur mental, mais persuadés de réussir finalement ce que des centaines d’errants et de retardataires viennent tenter à Pattaya. Un couple.
Pour nous faire entrevoir cela, Orengo nous fait à nouveau remonter ce fleuve virtuel, cette jungle mentale, comme ses aînés en leur temps. Le souffle d’Aguirre. Les ombres de Kurtz. La démarche chancelante d’alcool du Consul sous le volcan. Somptueux.
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