Un choix de livres éclectique, pour des vacances sur mesure
Alabama, 1880. Dans une plantation du sud des États-Unis, la naissance d'Helen console sa mère d'un mariage bancal. Un monde s'ouvre entre Kate et sa fille, et puis tout bascule : les fièvres féroces ravagent l'enfant adorée.
Cette fillette à la destinée extraordinaire, beaucoup la connaissent. La renommée d'Helen Keller, aveugle, sourde et muette, enfant farouche tenue pour folle et puis surdouée, a franchi frontières et années.
Kate Keller, que La Belle Lumière éclaire aujourd'hui, semblait en revanche repoussée dans l'ombre à jamais. Sans elle, pourtant, sa fille aurait-elle pu accéder au miracle de la connaissance ?
Comme glissée au coeur de son héroïne, tant vibre dans ces pages le corps déchiré de Kate, Angélique Villeneuve restitue, de son écriture sensuelle et précise, la complexité d'une femme blessée et dévorée par l'amour. Dans ce Sud encore marqué par la guerre de Sécession et les tensions raciales, le lecteur traverse avec elle une décennie de sauvagerie, de culpabilité et de nuit. Mais découvre aussi, et c'est là la force du livre, un temps de clarté et de grâce.
Un choix de livres éclectique, pour des vacances sur mesure
Angélique Villeneuve est une autrice que j’ai découverte il y a quelques années avec « Nuit de Septembre », puis « Maria », deux livres que j’avais beaucoup aimés. Quant à Helen Keller, c’était l’héroïne d’un de mes livres jeunesse préférés, « L’Histoire d’Helen Keller », de Lorena Hickok chez Folio Junior. Je ne pouvais donc pas passer à côté de « La Belle Lumière ».
L’histoire d’Helen Keller est très connue, que ce soit via les livres qui lui ont été consacrés, son autobiographie, ou encore le film « Miracle en Alabama ». En 1882, âgée de dix-neuf mois, Helen Keller souffre de fortes fièvres : après une dizaine de jours, la fièvre finit par tomber et ses parents la pensent tirée d’affaire, mais ils s’aperçoivent bientôt que la petite fille est devenue sourde et aveugle. Ses parents tentent sans succès de trouver un remède pour qu’elle recouvre les sens perdus. Désemparés, ils voient leur fille, dans l’incapacité de communiquer, de s’exprimer, devenir brutale, sauvage. En 1886, ils entendent parler d’une méthode d’éducation pour les enfants sourds et aveugles et font appel à une éducatrice, Ann Sullivan, pour qu’elle vienne en Alabama s’occuper d’Helen…
« La Belle Lumière » nous raconte cette histoire, mais du point de vue de la mère, Kate. La jeune femme a quitté sa famille et Memphis pour vivre avec son mari Arthur – un veuf de vingt ans son aîné qui a déjà deux fils – dans l’Alabama, où elle ne connait personne. Ses seules vraies interactions se font avec le personnel de maison, mais la différence de classe sociale, le rapport maître-employé, et la ségrégation raciale n’incitent pas au véritable échange. Kate connait le désespoir de tenir sa fille mourante dans ses bras pendant dix jours, le court bonheur de la penser sauvée, puis l’injustice et l’accablement de voir son enfant enfermée en elle-même, faisant des crises, se roulant par terre, frappant les gens à sa portée… mais aussi traitée comme une pestiférée, comme une honte, comme une demeurée par les membres de sa famille, qui n’envisagent pas d’autre issue pour elle que le placement dans un asile.
Angélique Villeneuve transcrit dans une très belle langue la douleur d’une mère, son angoisse pour le futur de son enfant, mais aussi sa détermination : elle croit en les capacités intellectuelles de sa fille, et ne perdra jamais espoir. Mais si le succès de l’apprentissage est indéniable et extraordinaire, elle subira le déchirement d’accepter, pour le bien de son enfant, que celle-ci s’éloigne d’elle, d’abord éduquée par Ann Sullivan (une « yankee » avec qui Kate n’a pas d’atomes crochus) dans une maison en-dehors du foyer familial, puis dans le cadre d’un institut.
« La Belle Lumière » d’Angélique Villeneuve est un magnifique portrait de femme, tout en pudeur, subtilité et introspection : c’est un coup de cœur, qui peut être complété par un livre sur l’apprentissage et la vie d’Helen Keller afin d’en savoir plus sur cette incroyable destinée.
Deux mains, deux cœurs, un lien.
Alabama 1878, Kate vingt-deux ans épouse Arthur, un veuf qui a vingt ans de plus qu’elle et deux adolescents. Ils vivent dans la famille d’Arthur. 1880 née Helen, mais moins de deux ans plus tard, l’enfant en proie à de terribles fièvres survivra par miracle mais sortira de cette maladie, aveugle, sourde et muette. Le livre ne raconte pas pour la énième fois la vie d’Helen Keller, il nous parle de cette jeune maman, terrassée par cette épreuve mais aussi combattante, envers et contre tous.
Le titre fabuleux « La belle lumière » a évoqué pour moi deux mains celle de l’adulte et de l’enfant unies mais qui peu à peu se détache dans un rai de lumière, le devoir accompli, celui de laisser partir l’enfant et ce lien indéfectible qui fait que mère et enfant restent liées à jamais.
« Les coups portés contre l’arbre ont cessé, et dans le silence, à mi-chemin, l’enfant finit par se figer puis vacille, écarte les jambes pour se stabiliser. Le haut de son corps bascule. Son visage offert au ciel se plisse, sa gorge gronde et ses paumes se tendent vers les arbres. Par intermittence, de la main droite elle frotte sa joue. Kate connait ce geste. Elle l’attendait. C’est pour la mère qu’il est né dans la main de la fille. La joue frottée. C’est par ce geste que la petite est à elle et qu’elle est à Helen. »
Il faut beaucoup d’amour pour affronter le handicap, le regard des autres, les chuchotements qui disent de l’enfant qu’elle est folle et qu’il aurait été préférable qu’elle meure.
Combien dans son entourage disent qu’il faut mettre l’enfant à l’asile. Cacher la différence, enterrer vivants ceux qui sortent de la norme.
Kate malgré son jeune âge va chercher comment faire pour que sa fille communique et devienne autonome.
On doit reconnaître qu’Arthur la suivra dans ses démarches, il sera présent.
Car cette petite fille pleine d’énergie, est un animal sauvage, elle sent que le monde ne lui est pas accessible, alors elle est emplie d’une colère, qui fait penser aux orages violents.
La tempête est toujours à fleur de peau chez Helen.
L’écriture de l’auteur a une grâce unique, elle nous prend par le cœur ne nous lâche pas. Elle tisse des phrases sublimes, et l’incipit nous plonge dans le réel de cet enfant et de sa mère.
La souffrance de l’une est la souffrance de l’autre, chaque pas est un pas vers l’autre, le monde s’ouvre.
La lectrice que je suis à aimer lire avec tous les sens en éveil, chaque phrase nous fait éprouver ces mots qui coulent avec limpidité.
Il faut beaucoup de courage à une mère pour affronter les réalités mais encore plus pour lâcher la main de l’enfant et la laisser vivre sa vie.
C’est une véritable performance de se glisser dans la peau de son personnage mais un véritable tour de magie de faire que le lecteur s’y glisse aussi.
J’ai beaucoup pensé à toutes les familles qui se battent pour la reconnaissance de la différence et le droit à la vie, tout simplement.
Comme l’écrivait Victor Hugo :
« Deux mains jointes font plus d'ouvrage, sur la terre, Que tout le roulement des machines de guerre. »
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2023/09/03/la-belle-lumiere/
Tout le monde connaît l’histoire édifiante d’Helen Keller née en Alabama en 1880, devenue aveugle, sourde et muette à l’âge de deux ans , notamment par l’autobiographie qu’elle a rédigée elle –même après avoir appris la langue des signes. Je me souviens, enfant, avoir été frappée par ce destin exceptionnel .
Angélique Villeneuve, elle, s’intéresse plus particulièrement à Kate Adams Keller, la mère de la fillette, totalement démunie face à cette enfant que personne ne comprend.
Grâce à son écriture très sensorielle, au plus près du réel et de la nature, elle nous confie une histoire d’une rare humanité. Un gros coup de coeur !
Parmi les livres qui ont profondément marqué ma vie de jeune lectrice, «L'histoire d'HelenKeller » de Loren A. Hickok (dans l'édition Folio Junior) occupe une place particulière. J'ai lu et relu des dizaines de fois le récit incroyable mais vrai de cette enfant de l'Alabama, devenue aveugle, sourde et muette dans sa petite enfance, qui sort de son isolement grâce à une jeune éducatrice, Ann Sullivan, qui lui apprend à signer dans la main.
#AngeliqueVilleneuve reprend cette histoire dans son roman mais contrairement à #LorenAHickok, elle choisit de raconter l'enfance d'Helen du point de vue de sa mère, Kate.
On découvre dans les mots sensuels et poétiques de l'autrice, l'amour fusionnel que partagent d'abord cette mère et son enfant, la détermination de Kate ensuite à ne pas laisser son entourage considérer sa fille comme folle, sa conviction aussi qu'Helen pourrait mener une meilleure vie, qu'elle n'est pas condamnée à la nuit.
Lorsqu'elle finit par convaincre son mari d'engager la jeune Ann, on partage l'ambiguïté de ses sentiments, entre la joie de voir son enfant s'ouvrir au monde et la triste certitude qu'il lui faudra bientôt la laisser prendre son envol.
L'écriture dit la violence de la situation d'Helen, et sait décrire avec une délicatesse folle la nature, les odeurs, les sons, ou la brutalité des gestes de l'enfant, les métamorphoses de ce petit être sauvage en enfant épanouie, et la révélation surtout, celle qui la fait entrer dans la lumière : « C'est comme si [...] le monde venait d'entrer dans cette enfant. » En effet, on ne peut qu'être bouleversée à la lecture du moment où passant sa petite main sous l'eau, Ann parvient à faire comprendre à Helen le nom de ce qui coule entre ses doigts en le signant dans sa paume.
Avec en arrière-plan l'Alabama de la fin de la Guerre de Sécession, A.Villeneuve décrit avec un talent l'histoire hors du commun d'Helen et nous émeut face au combat de cette mère d'une enfant différente. A découvrir !
Ecriture fluide qui décrit avec sensibilité l'amour de Kate pour sa fille , la persévérance de Ann ( la maîtresse ) pour l'emmener vers la lumière du langage par les signes .
Bravo d'avoir écrit ce livre du point de vue de la mère ds ce contexte qui plus est d'esclavage en Alabama .
Touchant , prenant .
A lire absolument .
La belle lumière, l’hymne à la persévérance.
Magistral, étonnamment lucide, mature, « La belle lumière » est un chef-d’œuvre. Avant tout sachez que l’écriture d’Angélique Villeneuve est à elle seule déjà, un palais d’honneur.
« Elle se le promet. Elle aura vingt-deux ans dans dix jours. Loin du passé, apprendre à vivre dans l’Alabama. »
Kate et déjà si déterminée à contrer les angoisses les plus tenaces. Elle, dans cette plantation du Sud des États- Unis, éloignée des siens pour vivre avec Arthur. Kate puise entre landes et forêts, les paraboles à réinventer. Chercher au plus profond des clairières les conjugaisons qui feront d’elle la future mère d’Helen. Siamoises avant l’heure du bercement des jours, diapason et la maternité salvatrice.
« Quand les deux ne seront plus qu’un, quand le dedans sera le dehors et le dessus le dessous, alors tu entreras dans le royaume. »
Le récit n’est plus. Nous sommes dans l’histoire, celle retranscrite avec le chant des intériorités. La conviction d’un langage source, entrelac, et dévoré par un poignant qu’on n’oubliera jamais. Helen dix-neuf mois, malade, recroquevillée dans son petit lit. L’ombre étale ses craintes et attise l’inquiétude de la perte, celle de la mort. Bataille encerclée par les méandres des impuissances. La mère est devenue l’emblème des risques du monde et de l’irrévocable.
« Il existe huit sortes de fièvres. Celle d’hiver et celle des pluies, la grande, la petite, la jaune, celle qui n’en vise qu’un seul et celle qui ravage des familles ou des hameaux entiers, celle qui transforme les visages en charbon et les corps des humains en bêtes. »
Kate dessinant l’espoir au-delà des larmes sur la fragilité des épreuves vacillantes. Helen va survivre. La fièvre aura eu raison de ce petit corps brassé dans tous les sens, devenue aveugle, sourde et muette. Dix-neuf mois de lumière, de sons et d’un langage disparu à jamais. Le néant, l’enfant est l’abîme où Kate plonge les bras en avant. Les cheveux accrochés aux racines de l’impondérable. Le combat va être manichéen, opératif et spéculatif. Apprendre à Helen à vivre dans le sombre de ses nuits. Le toucher pour seule arme, le point d’appui d’une enfance brisée. Kate est tenace. L’amour d’une mère emporte avec lui les rayons d’une lumière résistante et altière. Elle va affronter les épreuves. Chercher de par le monde le vaste de l’espérance. La clef qui lui rendra sa fille. Helen va se métamorphoser en pépite d’or de courage et de ténacité. Grâce à Miss Sullivan, aux garants des possibilités mais et surtout grâce à elle-même. Kate sera l’abnégation. Céder sa place aux vents contraires et croire en sa fille Helen. Ce récit mémoriel est un flambeau.
« Helen est la première femme aveugle, sourde et muette de l’histoire à obtenir un diplôme universitaire. Elle crée en 1915 une fondation pour la prévention de la cécité et la lutte contre la malnutrition. Socialiste, elle milite toute sa vie pour le droit des femmes et la paix… En 1952, à l’occasion du centenaire de Louis Braille, la France la décore de la Légion d’honneur à Paris. »
« La belle lumière » est la conjugaison des renaissances. Il est un modèle. Crucial et incontournable, l’éclatante belle lumière, celle de la foi en l’autre. En lice pour le fabuleux prix Hors Concours des Éditions indépendantes 2021. Publié par les majeures Éditions Le Passage.
Que le roman d’Angélique Villeneuve soit publié aux éditions Le passage a tout d’un symbole, car si sa Belle lumière nous parvient aujourd’hui, c’est pour nous raconter l’histoire d’une petite fille devenue mythe en y accédant après être passée par la plus terrible des ombres, ou, plutôt, celle de sa mère qui mit tout en œuvre pour la sortir du néant qui l’avait engloutie. Car si le récit édifiant d’Helen Keller, gamine américaine devenue aveugle, sourde et muette à la suite d’une mauvaise fièvre au sortir de la guerre de Sécession, puis brillamment rendue au monde de la communication par son institutrice ( et, cela va sans dire, un p’tit coup de pouce du bon Dieu), avait été pédagogiquement martelé aux aspirants communiants de ma génération, il s’en est fallu de beaucoup que l’on nous parle du contexte dans lequel elle avait grandi et d’encore plus que l’on évoque le lien d’amour si farouche et si fort qui avait probablement permis de la hisser jusqu’à la lumière.
C’est ce lien qui traverse de part en part, de sa belle lumière, le roman d’Angélique Villeneuve. Elle offre au personnage discret et meurtri de cette mère, endolorie par la souffrance de sa fille qu’elle pressent dans ses comportements de petite sauvage abandonnée à sa nuit, un éclairage doux mais puissant qui exacerbe les fulgurances lumineuses comme les petits arrangements des coins sombres. Elle imagine et nous fait partager la violence brutale du silence et des ténèbres qui s’abattent entre une enfant chérie et les siens, la force instinctive et maladroite d’une mère pour trouver et imposer un mode de communication sensoriel, au mépris des codes de l’éducation. Elle propose à notre lecture l’interprétation sensible des blancs laissés par l’Histoire, des silences posés sur l’intimité d’une famille démunie face à une situation qui la dépasse, des souvenirs de celle que l’on oublie mais dont la peine et la foi en sa fille furent suffisamment fortes pour soulever des montagnes de doutes et offrir à cette dernière la part de « belle lumière » à laquelle elle avait droit.
Et, portée par la plume gracieuse et poétique de son auteur, l’histoire d’Helen Keller s’arrache du socle pesant des statues pour s’assouplir de bruyants défauts et de maladroits tâtonnements et se réchauffe à la lumière retrouvée des personnages jusque-là restés dans l’ombre pour mieux toucher notre cœur de lecteur. Une belle et lumineuse réussite.
Née en 1880 en Alabama, Helen Keller perd la vue et l’audition à moins de deux ans, suite à une congestion cérébrale. Privée de moyens de communication et couvée par sa mère, Kate, qui lui passe tous ses caprices, l’enfant sans langage grandit comme un petit animal indomptable et passe bientôt pour une folle violente. Désespérée quant à l’avenir de sa fille, Kate fait appel à Anne Sullivan, éducatrice dans une école pour aveugles. En lui enseignant le braille et la langue des signes, la jeune femme transformera Helen qui, par sa brillante carrière d’auteur et de militante politique, sera la première à prouver au monde la capacité des personnes sourdes à communiquer et à trouver leur place dans la société.
Les célèbres Helen Keller et Anna Sullivan ont fait l’objet de maints ouvrages, et même de films. L’auteur a choisi de se glisser dans la peau de Kate, la mère, pour imaginer son ressenti à partir des faits réels connus. Après avoir failli perdre sa fille face à la maladie, voilà que peu à peu cette femme doit faire le deuil de l’avenir de son enfant, à mesure que le handicap s’avère sans recours malgré toutes les tentatives entreprises. Culpabilisée dans son rôle maternel, écorchée par la stigmatisation et le rejet, Kate se retrouve seule et démunie dans un quotidien devenu un enfer, et dans sa recherche désespérée d’un avenir pour sa fille quand tous l’ont déjà condamnée à l’asile psychiatrique. L’on frémit au passage du sort de toutes ces personnes sourdes qui, faute de langage et de moyens de communication, se sont retrouvées bloquées dans leur développement et considérées déficientes mentales.
Angélique Villeneuve recrée à merveille le contexte historique et l’atmosphère de cette demeure du sud des Etats-Unis qui n’a pas encore digéré la victoire des Yankees et l’abolition de l’esclavage. Ce n’est qu’ébranlée par son drame maternel que Kate finit par s’ouvrir au sort des plus faibles et à réaliser l’insupportable intolérance des blancs de son milieu...
Portée par une écriture fluide et sensible, cette fiction construite autour de personnages réels est une formidable leçon d’amour maternel et un lumineux plaidoyer pour l’acceptation de la différence. Coup de coeur.
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