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À l'époque des shôguns Tokugawa, dans le comté d'Awa, riche de son monopole sur la production d'indigo. Le maître teinturier Yamatoya Moémon, qui en détient le secret, vient de sauver la vie d'un tanuki. Aussi, lorsque l'infâme intendant du gouverneur le menace d'enlever sa fille Omiyo, le redevable tanuki accourt pour lui porter secours - et se transforme en son jeune employé, sous le nom de Chôkichi. Omiyo tombe raide amoureuse de Chôkichi, qui partage sa flamme. Mais le « jeune homme » bien sous tous rapports garde ses distances ; et pour cause : un tanuki ne peut s'unir avec une humaine, sous peine de causer sa mort. Une seule issue pour Chôkichi : s'inscrire à l'université Tanuki pour y décrocher le grade le plus élevé de son espèce, qui l'autorisera à se transformer en humain. Entre joute de mystifications, concours de mégapatalouffes et match de pelball contre les renards, bien des épreuves l'attendent...
C'est sans doute le roman le plus dépaysant que j'ai lu ces derniers temps ! Direction le Japon, en la huitième année de l'ère Tempo (1838), dans le comté d'Awa spécialisé dans la culture de l'indigo. Yamatoya Moémon y est teinturier. Sa fille Omiyo est terriblement belle, au point d'être convoité par messire Hamashima Shôbei, intendant général du fief, proche collaborateur du puissant seigneur local qui veut en faire sa concubine en échange d'un exemption de taxes. Le père refuse et se voit menacé. Et c'est là qu'interviennent les Tanukis.
Si vous avez vu le film d'animation Pompoko d'Isao Takahata, vous connaissez les Tanukis. Ce sont des petits mammifères aux faux airs de ratons laveurs, des chiens viverrins qui raffole de tofu frit et de riz aux haricots rouges. Et ce sont surtout des créatures surnaturelles qui s'apparentent aux Yōkai du folklore japonais. Le récit est centré sur une histoire d'amour entre un Tanuki et une humaine ainsi que sur toutes les épreuves que les amoureux auront à surmonter pour pouvoir la vivre pleinement, entre le grand méchant Hamashima qui est prêt à toutes les roueries pour se débarrasser d'eux et les ennemis naturels des Tanukis que sont les renards, eux aussi dotés de pouvoirs de transformation et mystification.
Chaque chapitre est conçu comme une histoire quasi indépendante, avec sa dramaturgie interne et sa chute, mais toujours relié au chapitre suivant afin de faire avancer une intrigue qui s'apparente à un roman d'aventures extravagant porté par une tornade de péripéties. Le pouvoir magique de transformation offre un potentiel infini de sketchs car les Tanukis aiment jouer des farces aux humains en se transformant en pont, en bouilloire et même en humains !
« Ils commençaient donc par saisir à deux mains leur scrotum de huit tatamis, le faisaient claquer bien fort comme voile qui a pris le vent, y envoyaient un souffle énergique avant de le faire passer d'un mouvement preste entre leurs pattes arrière comme ils l'auraient fait d'un pagne, et de le porter jusqu'aux épaules puis de s'en revêtir la tête. Et la transformation était achevée. En enveloppant ainsi leur queue au moyen de la peau des bourses, ils réduisaient beaucoup le risque d'être démasqués. Bien sûr, il arrivait souvent que certains, déguisés en jeune humaine ou en bouilloire, laissent entrevoir leur attribut caudal sans s'émouvoir, mais une enquête a mis en évidence qu'il s'agissait de têtes de linotte qui avaient oublié de dissimuler leur queue sous cette peau, ou alors de femelles, qui n'en sont pas dotées par la nature. »
Le récit est parfois un peu long quand certaines références culturelles nous échappe, mais on se marre toujours des facéties des Tanukis. Surtout quand le récit se fait égrillard et rappelle nos contes médiévaux quelque peu lestes. Il est très souvent question de leur morphologie particulière, leur paire de testicules géants dont le scrotum élastique permet d'en faire un couteau suisse loufoque dont ils n'hésitent pas à se servir en toute situation. Le tour de force est de faire rire avec des histoires de testicules, de rots et de flatulences avec une légèreté qui évite miraculeusement toute vulgarité. La scène du tournoi de pelball ( une sorte de baseball joué avec une balle constituée de poils pelotés grâce à de la crasse faisant office de colle ) est ainsi virevoltant à souhait !
Plus le récit avance, plus ça s'amuse, mais sur la fin, le rire se fait plus grave, ou du moins se pare de satire politique pour évoquer la lutte ancestrale des opprimés contre les puissants, ainsi que la prédation des hommes à exploiter la nature, les Tanukis étant le symbole d'une nature sage devant faire avec les hommes pour lesquels ils éprouvent de la tendresse et savent faire preuve de patience face à leurs nombreux défauts dont les péchés de suffisance et d'égoïsme ne sont pas les moindres.
Comme l'explique ce Tanuki qui a étudié les hommes et constatent que leur manque d'instinct a été compensé par l'acquisition de la culture ... « ce faisant plus ils privilégient l'individu et moins ils ont le souci de l'espèce. Le privilégier implique que les aspects altruiste, coopératif finissent par être considérés comme de simples obstacles. Si ça se trouve, peut-être que l'espèce humaine qui est allée trop loin dans ce sens est bien à plaindre. On constate qu'à force de s'accrocher à l'individu, la disparition de l'espèce les laisse de plus en plus indifférents. »
Un excellent moment de lecture qui fait partir très loin dans l'imaginaire.
Un roman surprenant d’Inoue Hisashi (écrivain japonais - 1934 – 2010 ) qui permet de mieux appréhender le folklore japonais, et en l’occurrence, l’univers des tanukis
Un tanuki, c’est un esprit de la forêt qui peut tout faire. Il aime surtout se déguiser en n’importe quoi. En bouilloire ou en humain si les circonstances l’exigent…. Il est farceur mais bienveillant. Il ressemble à un raton laveur avec une tête amusante et un ventre rebondi, une vraie bedondaine. Mais c’est bien un canidé plus proche du renard et du loup.
L’histoire :
Début du 19ème siècle – dans la province d’Awa au sud du Japon –
Le teinturier Yamatoya Moémon sauve la vie d'un tanuki.
Quand sa fille, Omiyo est menacée par l’intendant du gouverneur qui la veut dans sa couche, le tanuki aide Moémon en prenant l’apparence d’un jeune homme, Chôkichi, dont Omiyo tombe éperdument amoureuse...
Mais si Chôkichi épouse la belle Omiyo, il provoquera sa mort.
« Je suis un tanuki. Une fille d’humains qui noue un lien charnel avec quelqu’un de ma race est vouée à mourir au vingt et unième jour. Je ne puis donc pas. »
Dans ce récit, il faut oublier ses repères habituels pour accepter de plonger dans la littérature japonaise, celle des fables et des personnages mythiques du Japon, se laisser balader dans l’extravagance et l’humour.
Mais c’est aussi une fable et une réflexion passionnante sur l’évolution de l’homme, sur son rapport à la nature, incarnée par les tanukis.
« Plus ils privilégient l’individu et moins, ils ont le souci de l’espèce. Le privilégier implique que les aspects altruistes, coopératifs finissent par être considérés comme de simples obstacles. (…) Les hommes ont tant bien que mal compensé leur manque d’instinct par la culture, rien de plus. Et je voulais aussi dire de cette culture que c’étaient les tanukis passés dans leur monde qui les en avaient gratifiés, et cela en totalité. »
Comme le long métrage, Pompoko (1994), les tanukis incarnent la fragilité de l’environnement face à l’emprise humaine.
Réfléchir en souriant, c’est bien agréable !
Merci aux Éditions Zulma pour cette belle découverte.
https://commelaplume.blogspot.com/
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