Stanislas Rigot, membre du Jury du Prix Orange du Livre 2019, vous présente ses coups de cœur littéraires
Stanislas Rigot, membre du Jury du Prix Orange du Livre 2019, vous présente ses coups de cœur littéraires
Le bandeau sur la couverture de ce livre annonce : « Morgan Audic, le nouveau prodige du thriller français »
Tout à fait mérité ! J’ai été happée dès les premières pages !
Par le récit de deux enquêtes pour démasquer un tueur particulièrement sanguinaire, une enquête officielle menée par un policier, l’autre moins officielle menée par un ancien soldat, l’auteur nous emmène dans cette énorme épave radioactive qu’est Tchernobyl. Et oui, encore aujourd’hui, nous avons trop tendance à l’oublier ! Les personnages évoluent dans la « zone » autour de l’ancienne centrale, trente ans après l’explosion de 1986. Tout est encore irradié, l’air, la terre, l’eau…quoique les autorités démentent. L’évocation des combats passés en Tchétchénie nous ramène à une actualité brûlante.
Corruption, pots de vin, alcoolisme, pauvreté sont le quotidien. Russes et Ukrainiens cohabitent ou s’affrontent (ce livre a été ecrit en 2019). Quelques organisations écologiques essaient de se battre.
Le suspense est parfait, jusqu’à la dernière page, l’émotion est grande car les deux personnages principaux sont attachants. Quant au style, il est précis, ciselé, enlevé, un régal !
La région de Tchernobyl, trente ans après l'effroyable catastrophe du 26 avril 1986, est devenue une attraction pittoresque.
À Pripiat - ville à jamais désertée, toute proche du fatal réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire - sous le regard épouvanté de tout un bus bondé de touristes baltes et occidentaux, l'inspecteur Joseph Melnyk et sa partenaire, Galina Novak, fraiche émoulue de l'école de police, décrochent le corps d'un homme suspendu à la façade d'immeuble. Dans le bâtiment, Melnyk découvre de nombreux oiseaux récemment empaillés. La victime, Léonid Sokolov, est le fils d'un ancien ministre ukrainien des années 1980. Ce dernier, richissime et exilé en Russie, a une confiance limitée dans la police de Kiev. Aussi, il s'approprie, à grand renfort de dollars, les services l'inspecteur de police moscovite, Alexandre Rybalko, afin qu'il trouve l'assassin de son fils. C'est donc parallèlement que les deux policiers vont enquêter sur cette terre dévastée et d'exclusion de Tchernobyl sur laquelle tout est interdit et « permis », en même temps : pillages, trafics ou violences en tout genre.
Ce polar est absolument génial. D'abord, deux hommes très différents, aussi bien par leur histoire que par leurs motivations, mais également fascinants, attachants et intenses. Mais surtout parce que cette « chasse » en terrain défendu est fascinante et saisissante de réalisme, je vous jure que c'est la pure réalité : la zone d'exclusion et ses habitants clandestins, l'affolement perpétuel des compteurs Geiger, le pillage des habitations abandonnées, le trafic du matériel irradié, des poupées d'enfant désarticulées que l'on trouve encore sur le bitume, des chiens errants, dont on se demande ce qui leur reste de domestique et si l'on ajoute à tout ça un tueur cinglé et empailleur, l'on obtient « de bonnes raisons de mourir » de Morgan Audic (Albin Michel,2019).
Bonne lecture.
Michel.
Une hirondelle ne fait pas le printemps !
« « C’est vraiment le pire endroit ou mourir » déclara l’officier Galina Novak. »
Pripiat « ville fantôme abandonnée depuis 1986 à cause de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl. » Zone maudite où le dosimètre s’affole, Meylik et Novak (une jeune recrue) vont enquêter sur un possible crime « un cadavre pendait entre deux fenêtres les bras en croix », suspendu par des câbles. Il s’agit de Leonid Sokolov dont la mère a été assassinée dans cette même vile… le 26 avril 1986, date de l’explosion de la centrale de Tchernobyl. Le cadavre est découvert par un groupe de touristes, oui, c’est un voyage très prisé.
D’un autre côté, Alexandre Rybalko, policier russe, à peine sorti d’une cellule de dégrisement, est mandé par Viktor Sokolov, russe, fondateur de la société PetroRus. « Lors de la privatisation sauvage des bien de l’État russe, au milieu des années 1990, Sokolov avait su user de sa position au sein du ministère de l’Énergie pour s’emparer d’une partie des vastes ressources en or noir de la Sibérie. » Il lui demande d’enquêter sur la mort de son fils, même si c’est en Ukraine. Il lui donne le nom du soit-disant meurtrier et lui demande de l’abattre ; ce serait lui qui aurait tué sa femme le jour où la centrale a explosée. Rybalko accepte parce qu’il vient d’apprendre qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre, rattrapé par un cancer généralisé. L’argent servira à opérer sa fille sourde de naissance (séquelle de Tchernobyl.
Pripiat, Sokolov connaît bien puisque c’est là qu’il vivait avec toute sa famille ; son père travaillait dans la centrale et faisant partie des « liquidateurs », il y est mort.
Les deux policiers ukrainiens découvrent une hirondelle empaillée dans la pièce d’où le corps a été crucifié. Le duo Melnyk-Novak fait face à d’autres meurtres tout aussi violents et mis en scène suivant le même protocole que le premier, signature, une hirondelle empaillée.
La guerre du Donbass fait rage, le fils de Melnyk y combat côté ukrainien, sans armes fiables ni protections (gilet par-balle) et son père n’a pas les moyens de lui en acheter un.
Dans ce livre, j’en apprends de belles sur le trafic des métaux sortis, illégalement, de la centrale et des environs. Métaux qui partent en Chine (entre autres) pour la fabrication de vélos vendus dans le monde entier ! Autre variante, le bois « Une fois sorti de la zone, le bois de Tchernobyl était revendu sans indication de provenance. On l’utilisait ensuite pour fabriquer des tables ou des chaises qui pouvaient se retrouver en vente aussi bien à Kiev que dans un magasin de meubles suédois en France. » Cela fait froid dans le dos.
J’ai dévoré ce polar, roman noir haletant, pas de temps de repos. Tchernobyl et ses déviances mafieuses font froid dans le dos. Une immersion dans une ville fantôme avec un premier meurtre qui ramène eux deux commis en 1986
Un roman noir édifiant d’une totale maîtrise avec, pour fond, la guerre russo ukrainienne dans le Donbass (2014) prémices de l’invasion actuelle. «La guerre ici, c’est le frère qui tire sur le frère, ou au mieux sur le cousin… Et même quand on vise un Russe, on n’est pas à l’abri de toucher un parent éloigné. Foutue guerre de merde. »
Morgan Audic décrit avec précision (toute visuelle ou télévisuelle) les immeubles abandonnés, le tourisme voyeur, les chiens redevenus sauvages, les vieux retournés dans leurs maisons... la menace pèse sur chaque page avec, de temps à autre, le grésillement du dosimètre, des détonations.
Est-ouest, Ouest-est… La volonté de l’Ukraine de sortir du gant de fer russe, de déclarer la langue ukrainienne comme langue nationale, tout cela met le feu aux poudres, comme la volonté de Poutine de réunifier la Grande Russie et voilà ce que cela donne.
« Les gens de là-bas (les russes) n’acceptent pas qu’on piétine leur histoire et leur culture »
« ça fait des années, non, des décennies que l’Ouest méprise l’Est. Lui imposer la langue ukrainienne, c’était l’humiliation de trop. »
Une livre très actuel qui offre une très bonne idée, je pense, de la situation ukrainienne. L’ogre ne veut pas que le Petit Poucet aille dans les bras de l’Autre. L’Ukraine est un pays en déliquescence, où misère et corruption règnent.
Un roman noir, très noir comme je les aime fort bien documenté et étayé bien intégré dans l’histoire. Morgan Audic a maîtrise son suspens.
La qualité du livre est une bonne raison de lire et non de mourir.
https://zazymut.over-blog.com/2022/09/morganaudic-de-bonnes-raisons-de-mourir.html
Radioactif !
Premier livre lu en 2020 et c'est un gros coup de coeur ! L'intrigue est bien ficelée mais c'est surtout l'ambiance qui est intéressante... Le lieu tout d'abord : Tchernobyl et ses environs ; le contexte historique : l'explosion du réacteur 4 en 1986 ; et le contexte géopolitique du conflit entre l'Ukraine et la Russie... Tout cela est très bien décrit, très documenté et cela apporte une force au thriller. Les personnages sont également très fouillés. Donc une réussite absolue que je recommande à tous.
A lire absolument.
Pour l'enquête bien sûr, mais surtout pour connaître l'histoire de Tchernobyl et les conséquences actuelles de la catastrophe nucléaire de 1986. Pour les personnages aussi qui, des premiers aux secondaires, habitent le roman.
C'est un polar plein de talent qui nous sort des sentiers battus par une narration ancrée dans la tragédie de l'explosion de la centrale et ses retombées actuelles, nourrie de réflexions pertinentes sur les relations conflictuelles entre la Russie et l'Ukraine.
C'est intelligent, instructif, palpitant à souhait, parfaitement mené.
Un récit dur, puissant, qui marque le lecteur.
Jamais je n’aurais pensé qu’une plongée dans les ruines irradiées de Tchernobyl me captiverait autant.
Et pourtant… Dans de bonnes raisons de Mourir, Morgan Audric, réunit tous les ingrédients pour servir au lecteur un cocktail explosif (elle était facile) et terriblement addictif.
- une atmosphère sous tension, c’est le moins qu’on le puisse dire…, au plus près du réacteur n°4 de la centrale, qui en explosant dans la nuit du 26 avril 1986, transforma cette ville d’Ukraine en No man’s land, figé à jamais dans le temps.
- un tueur machiavélique et très méthodique, façon taxidermiste, bien décidé à ne pas effacer les fantômes du passé et surtout à se venger. Car il n’y a pas qu’un réacteur qui a explosé cette nuit-là : il y a aussi des vies.
- deux flics lancés en parallèle à ses trousses, dans une traque officielle pour l’un, beaucoup moins pour l’autre mais après tout : il n’a plus rien à perdre et même de bonnes raisons de mourir. Du moins le croyait-il.
Une ambiance glauque : Tchernobyl fait rêver peu de monde… sur fond de désastre écologique et économique doublée d’un conflit tchéchène, rien que ça… et qui m’aura pourtant emportée dès les premières lignes : Quel tour de force de la part de l’auteur ! Ajouté à une intrigue ficelée et ciselée qui ne laisse rien au hasard, le tout donne un polar extrêmement réussi que l’on referme comme délivré d’une tension palpable tout au long du récit.
Je n’ai pas lu les autres romans en course, mais je comprends sans peine que mes amis jurés du Livre de Poche catégorie Polar, l’aient désigné grand gagnant de cette édition 2020.
Après l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en avril 1986, toute cette zone contaminée d’Ukraine a été évacuée. Et un double meurtre commis à Pripiat le jour même de la catastrophe n’a pas été la préoccupation principale de la police. Mais lorsque 30 ans plus tard, le fils d’une des victimes est retrouvé sauvagement assassiné dans la même ville, le père du jeune homme, un patron de l’industrie pétrolière russe, engage un ancien militaire de l’Armée rouge pour retrouver l’assassin de son fils.
L’ex-lieutenant Rybalko, originaire de la zone contaminée, va mener son enquête en parallèle de l’enquête officielle du capitaine Melnyk de la police de Tchernobyl. Le militaire ukrainien et le flic russe vont, chacun de leur côté, converger vers le Tueur à l’hirondelle, un serial killer qui n’a pas fini de semer des cadavres derrière lui.
Cette plongée dans la zone d’exclusion de Tchernobyl est impressionnante et en pénétrant dans le périmètre normalement déserté de la centrale, l’auteur nous révèle une réalité totalement étonnante. Des trafiquants de matériaux en tous genres côtoient des dealers sans scrupules, des groupes armés de chasseurs s’opposent aux activistes de la protection des animaux, et tout ce petit monde croise sans les voir des ribambelles de touristes qui visitent la zone en bus.
L’enquête est pleine de rebondissements et Morgan AUDIC sait tenir ses lecteurs en haleine, mêlant les parcours de ses deux personnages atypiques avec talent, jusqu’à un final inattendu.
Avec en toile de fond les séquelles dramatiques de la contamination nucléaire sur les habitants et leurs descendants, ce roman est à la fois un reportage vibrant de réalisme et un excellent polar.
De bonnes raisons de lire ce polar de Morgan Audic :
Il contient tous les ingrédients qui le distingue d’une fiction de littérature blanche : des meurtres, des enquêteurs (ici deux enquêtes parallèles), un coupable à identifier, avec bien entendu des chausse-trappes et des fausses pistes. L’ensemble est bien ficelé et il faudrait être bien malin pour ne pas se laisser embarquer, comme les fins limiers de cette histoire, dans des hypothèses qui s’éteindront comme des pétards mouillés.
C’est un polar didactique : l’action se déroule en Ukraine, autour de Tchernobyl, et c’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir un certain nombre de contre-vérités et de balivernes qui nous avaient été livrées en pâture pour éviter la panique européenne. Quand le polar contient un savoir à distiller, le risque est de tomber dans le compte-rendu Wikipédia. Mais Morgan audio sait très bien comment intégrer le fruit de ses recherches documentaires au coeur de son intrigue, sans effet copié-collé.
On a affaire à des personnages complexes, au passé trouble, au présent souvent désespérant, et dont on ressent les zones d’ombre. C’est une motivation suffisante pour s’accrocher au récit et pour ne plus le lâcher.
C’est pourquoi De bonnes raisons de mourir fait partie, à l’aune de mes exigences, des très bons polars, qui ne donnent en aucun cas l’impression d’avoir perdu son temps.
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