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Braconnages

Couverture du livre « Braconnages » de Reinhard Kaiser-Muhlecker aux éditions Gallimard
  • Date de parution :
  • Editeur : Gallimard
  • EAN : 9782072998584
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

Jakob est un jeune agriculteur qui exploite la ferme familiale en Haute-Autriche. Dépassant ses premières réticences, il accueille Katja, une artiste qui se découvre une passion pour son métier ; peu à peu, ils vont s'apprivoiser et fonder une famille. Mais cette union et cette apparente... Voir plus

Jakob est un jeune agriculteur qui exploite la ferme familiale en Haute-Autriche. Dépassant ses premières réticences, il accueille Katja, une artiste qui se découvre une passion pour son métier ; peu à peu, ils vont s'apprivoiser et fonder une famille. Mais cette union et cette apparente stabilité ne résolvent pas les sombres questions qui traversent Jakob de longue date : celle de la difficulté quotidienne de la vie rurale, celle du pesant héritage de l'histoire de son pays, celle du silence et de l'incommunicabilité. La violence enfouie en Jakob menace sans cesse de ressurgir en s'abattant sur ses terres, sur les autres, et sur lui-même. Découvert en France avec les somptueux Lilas rouge et Lilas noir, Reinhard Kaiser-Mühlecker nous offre ici un puissant roman sur la condition agricole aujourd'hui et l'inconvénient d'être né. Porté par une langue limpide, Braconnages nous invite à parcourir les plaines de l'Autriche comme celles de l'âme déchirée de ses personnages.

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Avis (2)

  • Le rythme de vie de Jakob et lent et laborieux, comme la nature avec laquelle il vit. Il est agriculteur et éleveur. Il vit dans l'exploitation avec ses parents, et sa grand-mère à qui tout appartient. Ses journées sont rythmées par les différentes taches qu'il accomplit jour après jour. S'il...
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    Le rythme de vie de Jakob et lent et laborieux, comme la nature avec laquelle il vit. Il est agriculteur et éleveur. Il vit dans l'exploitation avec ses parents, et sa grand-mère à qui tout appartient. Ses journées sont rythmées par les différentes taches qu'il accomplit jour après jour. S'il n'y avait ses parents, il vivrait solitaire avec seulement sa chienne. Alors pour meubler sa solitude, il va sur Tinder, discuter avec des femmes… qui au fond pour la plupart ne l'intéressent pas. C'est un homme pragmatique, qui va à l'essentiel, pour qui un chien est juste un chien, où peut-être un accessoire indispensable à la ferme. de prime abord il semble être un homme torturé car taciturne avec une attirance redoutable pour la roulette russe.

    On sent un homme humilié, sans qu'on sache précisément par quoi, à part son sentiment obsédant d'être un raté. Il semble enfermé à l'intérieur de lui-même, seul avec sa méfiance, trouvant systématiquement les marques de sympathie suspectes. Pourtant l'auteur nous dit que dans le monde paysan, la règle c'est le "Nous" car les biens appartiennent à tous les membres de la famille. Mais Jakob est un homme étrange, sans doute que son pire ennemi c'est lui-même. Il semble très défaitiste au point que lorsqu'il rencontre Katja, son raisonnement n'est autre que "[...] ils vivaient dans des mondes différents, sans qu'il fût possible de bâtir une passerelle de l'un à l'autre." C'est comme s'il fermait toute porte qui pourrait lui apporter un peu de lumière. Quant à ses parents, son père et sa mère, ils ont peut-être une part dans son mal-être. le père a l'air d'un doux dingue et la mère est froide est peu loquace. Et puis la grand-mère, cette invisible, vieillissant à n'en plus finir, détentrice de tout, confinée dans sa chambre. Tous ses biens auraient une origine honteuse, une exhalaison de génocide. Car là, force est de constater que la Shoah, vue de l'Autriche, c'est un tout autre point de vue que le nôtre, teintée de la honte de la spoliation.

    À mesure que l'on avance dans le roman on découvre de plus en plus la personnalité fascinante de Jakob. Il est déchiré entre ce qu'il est et qu'il n'aime pas, et ce qu'il voudrait être et qu'il s'efforce de devenir. Et toujours avec un sentiment d'imposture, et toujours la pensée que les gens le voient tel qu'il n'est pas mais tel qu'il se montre, et donc ne le connaissent pas, et l'apprécient ou le détestent pour de mauvaises raisons. Il est tellement ambivalent et insaisissable !

    Arrivée à la moitié du roman, je me suis demandé s'il y avait de l'amour dans cette histoire. Tous les personnages sont tellement étranges et réservés. Ou peut-être, en guise d'amour n'y a-t-il que de la résignation, ou alors simplement de la raison, comme dans les mariages arrangés… quand on y est, on y reste !?

    C'est un récit très lent, comme le rythme des saisons, bruissant de la présence animale, de l'autoroute aussi qui passe à proximité, mais peu de la parole. C'est toute une ambiance, faite de silences, de regards et de colères contenues, c'est très étrange.
    Alors, si ce livre n'avait pas été dans la sélection pour le prix Bookstagram du roman étranger 2024, je ne l'aurais sûrement jamais lu et ça aurait été dommage, mais j'ignorais jusqu'à l'existence de Reinhard Kaiser-Mühlecker. Pourtant il m'a emportée dans ce monde qui est le sien, que je ne connais pas, fait de labeur, de non-dits et de froideur et j'ai vraiment aimé ça. Cette histoire m'a captivée… jusqu'à la fin, qui m'a glacée. Toile impressionniste du calme avant la tempête.

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  • Le destin se moque des hommes
    J’avais adoré Lilas rouge et Lilas noir et dans Braconnages je retrouve cette plume qui sait de quoi elle parle.

    Jakob est à l’image de la première scène qui a donné le titre à ma chronique.

    En Haute-Autriche Jakob gère la ferme familiale avec un père fantôme...
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    Le destin se moque des hommes
    J’avais adoré Lilas rouge et Lilas noir et dans Braconnages je retrouve cette plume qui sait de quoi elle parle.

    Jakob est à l’image de la première scène qui a donné le titre à ma chronique.

    En Haute-Autriche Jakob gère la ferme familiale avec un père fantôme et une mère absente, une grand-mère paternelle qui ne veut pas lâcher le magot pour moderniser cette exploitation qui en aurait besoin pour faire face à une politique agricole qui se construit en dépit du bon sens.

    Il maintient à flots ce navire avec détermination alors que tout le monde lui renvoie une image négative, faisant des petits boulots à côté pour survivre.

    Au début du livre il y a Landa, une chien fugueuse à la fin il y aura Axel chien prédateur ils sont la métaphore d’un monde qui va mal.

    C’est en rénovant un local municipal pour l’arrivé d’une artiste en résidence dans le voisinage qu’il va voir sa vie bouleversée.

    Les scènes de rencontre avec cette jeune femme montre combien il est décalé, en marge de la vie.

    Katja sera un accélérateur et redorera l’image qu’il a de lui-même car elle connait sa valeur.

    « Car enfin, posant les yeux sur lui, que pouvaient-ils voir d’autre, ces innocents, que ceci : un perdant de plus, un raté de plus, encore un médiocre qui avait échoué à vivre de sa terre, et n’avait dès lors d’autre ressource que d’aller gagner sa croûte ailleurs ? »

    Katja est une artiste mais elle n’est pas déconnectée des contingences terriennes.

    Ils vont faire couple, duo exploitants l’un stimulant l’autre, ils vont fonder une famille.

    Jakob redresse la tête il va croire que la roue tourne et travailler encore plus dur.

    Il a du mérite car la société prône la société de loisirs, le travail n’est plus une valeur essentielle.

    L’auteur dresse un tableau du monde agricole d’une grande lucidité, sans concession avec en parallèle la noblesse du métier et de ceux qui l’exercent.

    Mais il y a une profondeur qui va très au-delà de cette analyse, c’est l’héritage sous-jacent du nazisme, un poison lent et sournois qui assombrit l’atmosphère même et surtout aux heures heureuses. Comme si l’impossibilité de se laver de ça faisait que cette violence coule dans les veines de chacun.

    Jakob est un personnage fort car il est multiple, touchant, déroutant, rebutant et cette violence reste un mystère qui courre de la première à la dernière scène.

    La force de cette écriture c’est qu’elle donne à voir, elle conduit les lecteurs à ouvrir les yeux sur me monde, à dire que l’Histoire passée ne sert pas de leçon aux générations à venir.

    C’est sombre et percutant.

    Un livre qui interroge dans un monde qui occulte le passé pour ne pas faire de remous, un monde qui se censure et bâillonne toute tentative d’éclairer les jeunes générations de peur des représailles. Chaque jour se réveille sur une chappe de plomb. Où sont les hommes de bonne volonté ?

    J’ai beaucoup aimé le clin d’œil à Ferdinand Golberger.

    C’est un très grand livre par le fond et la forme, la plume est vraiment belle.

    ©Chantal Lafon

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