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Italia Donati était une jeune femme, originaire de Cintolese, devenue institutrice à Porciano, petits villages de Toscane. Grâce à son intelligence et à son travail, elle a échappé à la pauvreté de sa famille paysanne, en essayant de s'émanciper, même si, au XIXe siècle, les femmes étaient toujours moralement et pratiquement dépendantes de l'homme. Arrivée à Porciano en septembre 1883, Italia Donati était pleine d'espoir et d'attentes pour sa première expérience professionnelle. Pourtant, en acceptant l'hospitalité du maire, qui l'avait recrutée comme enseignante, et auprès duquel elle pensait trouver le soutien et la protection dont une femme seule à cette époque avait encore besoin, elle n'avait pas conscience que cette proximité serait à l'origine d'une vague de calomnies infâmes, qu'elle ne parviendrait jamais à faire taire. Peu à peu submergée et complètement isolée, incapable de parvenir à rétablir sa réputation, elle perdit également l'estime de ses collègues et de ses élèves, qui en vinrent même à lui reprocher les turpitudes qu'elle n'avait pas commises.
Alors, un matin de juin 1886, pour prouver son innocence et réhabiliter l'honneur perdu, Italia Donati écrivit une lettre et mit son tablier rouge...
Cet événement fit la une des journaux de l'époque. Un célèbre article du Corriere della Sera eut pour titre « Comment meurent les institutrices ». Italia Donati devint ainsi une figure féminine emblématique de la fin du XIXe siècle et son cas s'est ajouté à la longue liste des cas des femmes dont l'émancipation tentait de s'opposer au système de la domination masculine.
Est-il nécessaire de dire l'urgence de raconter une fois encore la vie d'une femme dont la fin n'est pas heureuse ; est-il utile de dire à quel point cette histoire est actuelle ; est-il indispensable de dire combien il est important de la faire connaître.
Emouvant, ce futur grand classique est œuvre. Retenir des yeux la première de couverture, chaleureuse, incitative. Les larmes du duvet telles des plumes abandonnées.
« Avant le repos » est un récit de vie. Pas n’importe laquelle. L’heure est grave. L’incipit : « Parmi les lieux dans lesquels s’est déroulée et conclue l’existence d’Italia Donati, celle qui m’interpelle le plus fortement et avec le plus d’insistance est Cintolese son village natal. »
Nous sommes en Italie aux prémices du XXème siècle en Toscane au milieu des chapelles endormies. Dans une aube de senteurs, de chaleur, d’extrême pauvreté. Les ruelles se signent. Les regards lourds, insistants chassent les nuages à coup de rancoeurs, de jalousies. Les oliviers murmurent telles des portes qui grincent, sournoises et malhabiles. Les enfants épuisés, alourdis de contraintes cherchent des yeux ce qui pourrait changer dans ce quotidien gorgé de latrines nauséabondes. Ecoutez l’histoire qui advient, elle est véritable, elle se mérite. Elle ne pourra plus vous lâcher.
Dignement, sobrement menée par Elena Gianini Belotti, italienne qui a dirigé de 1960 à 1980 le centre pour l’enfance Montessori. Ce n’est pas un hasard. L’autrice est habitée par ce souffle de l’éducation. Par ses convictions et l’importance du tracé mémoriel qui lézarde les murs de Pistoria de honte. L’autrice est là. Altière, sur la plus haute marche. Ecoutez le chant de Porciano et les refrains rendant hommage à Italia Donati. Nommée institutrice dans ce village. « Sa pensée est assaillie par l’unique paire de chaussures qu’elle possède, plusieurs fois ressemelées, déformées à l’empreinte usée…Elle soupire, humiliée par tant d’indigence. Elle n’est plus une paysanne qui peut s’habiller de loques, elle est une institutrice qui doit faire preuve de bienséance, et le respect des gens, leur considération se fondent aussi sur la correction des vêtements et la dignité de l’apparence extérieure. Elle se sent peu sûre d’elle-même, déplacée, exposée aux jugements d’autrui.
Elle, la pauvre, la belle, l’humble, la sage, la femme vierge, l’institutrice. La littérature rayonne. Chaque mot est une note de musique triste dédiée à Italia Donati. Nous sommes en plongée dans l’idiosyncrasie d’une époque. Ecrasée par l’habitus d’un village où le maire est celui qui a tous les pouvoirs sur le corpus enseignant et ses fragiles brebis. Porciano imprégné de cabales, d’hostilités, de dénonciations calomnieuses. Il y a un adage qui dit « Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. » Italia est prise au piège. L’école, le village sont des proies. Elle, si pure, si intègre. Le mal enfle, sournois. Le manichéen est immense. D’un côté Italia. Marianne abandonnée à son sort, victime de l’emprise des hommes, de ces femmes soumises aux mensonges et aux certitudes trompeuses. Un maire arrogant, vil, patriarche d’un village sous son emprise. Italia est une femme libre. Elle veut vaincre les démons qui insistent et l’encerclent. Elle veut rétablir son honneur au fronton de son école et en elle-même. Et là, les amis on pleure sous la beauté des lignes, sous l’écorce d’un mal qui ronge insidieusement Italia. Elle est le bouc-émissaire d’une époque qui broie les femmes savantes, ces pauvresses des campagnes où le travail se doit d’être labeur et reins courbés en plein champ. Italia reste digne. L’épingle à nourrice, sceau de ce livre est rédemption et abandon. Ce récit qui encense le courage et la vertu est majestueux, touchant, triste comme un ruisseau qui n’en peut plus des pierres jetées à son insu dans le limpide du pur qui s’écoule. « Avant le repos » est d’une beauté immense car véritable. J’entends les pas d’Italia, encore, maintenant. Et je pleure. Traduit à merveille par Christine Lau. Les majeures Editions DO viennent de mettre au monde un livre culte.
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