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L'oeuvre de Algernon Charles Swinburne (1837-1909) abrite une ambivalence fondamentale. Combinant le désir d'ouverture du romantisme et la volonté post-romantique de reterritorialiser le vivre, elle est le théâtre d'enjeux éthiques et esthétiques majeurs. Dans le sillage de W. Blake, W. Wordsworth ou P. B. Shelley, le poète cherche d'abord à y réenchanter le monde, à y révéler quelque Ailleurs salvateur que le réel étrangle. Mais il y atteste aussi, sous l'influence des penseurs évolutionnistes notamment, les mensonges de l'idéalisme pour affirmer avec force la suprématie de l'immanence stricte.
Sur le plan stylistique, l'élan hyperbolique, le souhait - si typique du romantisme - d'atteindre l'au-delà du dire en faisant de la ligne versifiée une ligne de fuite, se délitent peu à peu au profit d'une poétique du repli autoréférentiel et de la recourbure textualiste dont les poètes modernistes sauront prendre toute la mesure.
Réfléchir les enjeux post-romantiques de la création?: telle fut la contribution de ce poète eudémoniste, antithéiste et profanateur pour qui les désirs d'absolu et les ambitions de transcendance devaient être détruits de l'intérieur du langage, là où se forment ses puissances, en deçà des segmentations qui fixent ses forces évocatoires en unités signifiantes. Non plus gouverné par le manque et l'insatisfaction, mais bien plutôt par la perspective d'une jouissance immédiate, le poème swinburnien est semblable aux toiles de J. A. McNeill Whistler?: répétitif, opaque, diffus, monotone, il possède néanmoins le pouvoir d'accroître le sentiment de l'existence.
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