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«Et maintenant, il est trop tard, répond Ari, pétri de remords. Anna esquisse un sourire, elle lui caresse à nouveau la main et lui dit, quelle sottise, il n'est jamais trop tard tant qu'on est en vie. Aussi longtemps que quelqu'un est vivant».
À la mesure de l'univers est la suite du roman D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds. Ari rentre en Islande après avoir reçu une lettre de son père lui annonçant son décès imminent. Le jour se lève sur Keflavík, l'endroit le plus noir de l'île, à l'extrémité d'une lande à la végétation éparse et battue par les vents. Ici, la neige recouvre tout mais, partout, les souvenirs affleurent. Ari retrouve des connaissances qu'il n'a pas vues depuis des années. Ses conversations et ses rencontres le conduisent à s'interroger et finalement à accepter son passé : les deuils, les lâchetés, les trahisons, afin de retrouver celui qu'il était, et qui s'était perdu «au milieu du chemin de la vie».
Comme dans la première partie de son diptyque, Jón Kalman Stefánsson entremêle les époques, les histoires individuelles et les lieux : le Norðfjörður, dans les fjords de l'Est, où évoluent Margrét et Oddur, les amants magnifiques, et Keflavík, ce village de pêcheurs interdits d'océan, très marqué par la présence de la base militaire américaine. Dans une langue à la fois simple et lyrique, nourrie de poésie et de chansons de variétés, agissant comme autant de madeleines de Proust, l'auteur nous parle de mort, d'amour, de lâcheté et de courage. Mais ce récit délivre aussi un message d'espoir : même si le temps affadit les plus beaux moments, ces derniers restent vivants au coeur de l'homme, car le langage a le pouvoir de les rendre éternels. L'amour est le ciment et la douleur du monde.
Avez-vous déjà eu les larmes aux yeux en lisant un livre, non pas par ce qu’il est triste ou émouvant, mais uniquement parce que l’écriture est sublime ? Jón Kalman Stefánsson écrit directement à mon coeur et à mon âme. C’est une écriture qui se savoure, lentement, en prenant le temps de lire encore et encore chaque phrase pour s’imprégner de leur beauté.
Ce diptyque raconte l’histoire de Ari, qui revient en Islande après quelques années d’absence et une rupture familiale qui n’a laissé que des remords. Les souvenirs surgissent, et c’est l’histoire de trois générations qui vont s’entremêler à travers ces romans.
La construction de la narration est unique, sans temporalité ou logique linéaire, dans une éternité permettant de ressusciter les morts. Jón Kalman Stefánsson mélange les époques et les lieux, et j’ai navigué avec lui dans les méandres de ce puzzle romanesque, comme sur un bateau au large des côtes de l’Islande, voguant dans un monde poétique souvent sombre, parfois lumineux, toujours enthousiasmant. Son cœur est en Islande, mais il décrit des sentiments humains universels avec simplicité et pudeur. J’admire son traducteur français, Eric Boury, qui réussit magnifiquement à traduire toutes les subtilités de sa pensée poétique.
Avec la lecture de D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds, le lecteur avait suivi Ari de retour en Islande, à la suite du courrier reçu de sa belle-mère et du colis envoyé par son père Jakob, lui annonçant que c’était la fin pour ce dernier.
Une longue pérégrination dans l’histoire de cette famille et ceci sur trois générations, vie riche battue par les vents furieux de l’Arctique, sous la colonisation danoise, la présence américaine, séquelle de la deuxième guerre mondiale. L’omniprésence voire l’omnipotence de Oddur le grand-père d’Ari, homme courageux certes mais inflexible quand il s’agit d’embarquer un de ses fils, même si celui-ci doit périr.
Et Ari à travers ses souvenirs de retour au pays, nous raconte les destinées individuelles, viols, alcool, ruptures, amours folles, et la mort encore et toujours, inéluctable.
Son destin à lui est d’être séparé de sa femme et de ses trois enfants qu’il a peu vu depuis la séparation. Les causes en sont vagues mais l’on peut supposer qu’il porte en lui un mal-être qui l’a conduit à partir loin.
Le retour est un véritable tsunami pour lui et durant la lecture de ce premier volume la rencontre avec le père ne s’est pas fait.
« Ari monte la pente légère et aperçoit au loin l’immeuble où vit son père, chaque pas le rapproche de cette résidence pour personnes âgées, le rapproche de Jakob, le père et le fils ont vécu ensemble pendant vingt-deux ans, ensemble, ils ont affronté une mort et des temps difficiles. Ensemble, mais pourtant si loin l’un de l’autre. »
Ari est totalement habité par les spectres de sa famille et comme eux il erre dans leur histoire.
Dans ce volume les individualités se font la part belle, et Ari est en empathie avec chacune d’elle, il comprend qu’il s’est construit avec eux plus ou moins consciemment, car lorsque l’on est jeune, la perception des choses est plus floue.
C’est aussi un roman charnel avec de belles histoires d’amour, l’auteur sait écrire de très beaux portraits de femmes, qui sont fortes et n’abdiquent pas devant la vie des hommes plus sombres, qui souvent sont enveloppées des vapeur de l’alcool qui coule à flots.
Cet opus est un tourbillon de vie qui fait que chaque chose mérite d’être vécue, ne serait-il pas lâche de ne pas aller au bout de ses songes, de ne pas surmonter les obstacles pour y arriver ?
Chez Jón Kalman Stefánsson il semble que c’est la seule question qui mérite d’être posée.
Cette construction diffractée dans laquelle le lecteur est plongé apporte une force exceptionnelle, et au fur et à mesure le noir s’efface pour nous faire voir un ciel étoilé que seul celui qui reste debout peut voir.
C’est une lecture d’un bonheur absolu, nimbée de poésie, sous-tendue d’une philosophie de la vie qui doit nous habituer pour vivre et non survivre.
« Le matin se lève sur le monde. Il se lève toujours, quelque part, la lumière ne meurt jamais, mais certains restent dans les ténèbres, ils y disparaissent, et plus rien ne rappelle leur souvenir quand la clarté du jour arrive, si ce n’est la douleur de leur absence. »
C’est unique, je ne connais pas d’autres écrivains qui font faire de tels voyages, une beauté absolue comme celle des aurores boréales.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/01/18/a-la-mesure-de-lunivers-jon-kalman-stefansson/
Le roman se présente comme le 2d volet d'un diptyque commencé en 2015 avec D'AILLEURS LES POISSONS N'ONT PAS DE PIEDS. On en retrouve d'ailleurs certains épisodes, perçus sous un angle différents.
Le point de départ est le même. Ari poète , éditeur « chevalier servant de la culture » revient au pays à la demande de son père qui se sent proche de la mort. Le retour sur les lieux de sa jeunesse entraîne celui des souvenirs familiaux .
Le pôle géographique est le même: Keflavik, un port islandais, qui a tout perdu depuis que s'y est installée une base américaine .
Le principe narratif est la même: un éclatement géographique entre différents ports d'Islande, un éclatement chronologique sur 3 générations de personnages . Passé et présent y alternent , parfois aussi se superposent et se confondent .
Il m'est arrivé de râler intérieurement, désorientée et étourdie par ces incessants allers et retours, sans pouvoir me raccrocher facilement aux patronymes et toponymes islandais peu faciles à mémoriser. Difficile parfois de reconstituer ce qui apparaît comme un puzzle, mais les personnages qui peuplent cette chronique familiale sont tellement attachants et dégagent une telle puissance d'émotion que je n'ai eu de cesse, après avoir dû les quitter sur plusieurs dizaines de pages, de les retrouver ensuite . Difficile d'abandonner en route « les petites jambes de 5 ans » d'Ari, Jakob, Margret et les autres,eux dont le souvenir court encore en moi une fois le roman terminé .
Si l'évocation du passé occupe une place majeure dans le roman, par la relation des deuils, des crises, des tourments, des turbulences de la vie des pêcheurs, celle du présent témoigne d'un regard désabusé . Keflavik, américanisé, a perdu son âme. Il n'est plus que chômage, stress et obésité. Si l'amour est au début jaillissement de délices, il se confond au fil des ans avec l'habitude et apporte plus de sécurité que de bonheur . Une couleur grise, une tonalité mélancolique colorent le récit de ce voyage mémoriel .
Certes, le roman a pour principe narratif l'éparpillement dans le temps et l'espace, mais son unité est donnée notamment par un point commun entre de nombreux personnages : leur goût pour la lecture, l'écriture ou la poésie, eux qui ont toujours réussi à isoler dans le journée de dur labeur quelques moments pour s'adonner à ce plaisir . C'est alors que l'auteur trouve l'occasion d'analyser le pouvoir de la littérature, en des phrases qui résonnent comme des aphorismes. Ceux qui connaissent les quatre précédents romans de Stefansson y retrouveront ce qui caractérise son talent : sa prose poétique, ce qui fait sa petite musique et qui me plaît tant .
Les allusions à la musique ponctuent le récit : celle du violoncelle de Pabo Casals, celle aussi des musiques des années 60 et 70 qui ont bercé l'adolescence d'Ari et de ses copains, des chansons d'Elvis Presley, celle de Dire Straits, dont certaines phrases reviennent en mémoire du narrateur, ponts entre passé et présent, porteuses d'une forme de nostalgie et dont les paroles resurgissent pour s'adapter à une situation du présent .
Un grand plaisir de lecture ,un de ces romans « qui semblent agrandir la vie, qui contiennent des phrases qui se changent en galaxies »
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