Lara entame un stage en psychiatrie d’addictologie, en vue d’ouvrir ensuite une structure d’accueil pour jeunes en situation d’addiction au numérique...
Les Avrils ce sont l'un de mes derniers coups de coeur en matière de maison d'édition, j'avais beaucoup aimé Poupées Roumaines de Marie Khazrai, ici, j'ai eu droit à une lecture sublime de l'autrice Vidya Narine, qui publie chez eux son second roman. Entre Viêtnam et France, c'est le second roman d'une femme issue de la diaspora vietnamienne que je lis, après le roman de Line Papin Les os des filles, j'y retrouve ce pays d'Asie du Sud-Est, qui a fait l'objet lui aussi de la colonisation française, et dont la littérature, chez Duras, et le cinéma, avec Deneuve, n'ont pas manqué de romantiser la relation.
L'autrice est le fruit de cette relation, où la xénophobie et le sentiment suprémaciste blanc n'ont pas manqué de jouer un rôle, c'est pourtant de cette double identité dont il est question, de cet arbre dont les racines ont germé au Viêtnam, mais qui a été greffé, et qui a repris sa gemmation en France. Une femme qui porte ses revendications, celle d'être française, même si les racines là mènent ailleurs, malgré l'intolérance d'une certaine société française qui supporte de moins en moins ses bourgeons extranationaux, alors qu'elle-même est allée chercher à l'étranger ce qui lui manquait sur son propre territoire, de la main d'oeuvre peu chère et corvéable, des comptoirs, du riz, poivre, caoutchouc.
Je suis tombée sous le charme de cette écriture si délicate, si pittoresque et poétique, qui s'aventure sur le champ de la végétalisation pour si justement évoquer ses racines. C'est un plaisir renouvelé de déchiffrer chaque phrase, encore davantage de les lire à voix haute, dans sa tête, et de leur laisser le temps de faire résonnance et sens, de leur laisser le temps d'éclore, de fleurir et à nous d'y cueillir pollen et sève, de se laisser porter par la musicalité de ses phrases, au son de la spiritualité vietnamienne, du bouddhisme et de l'animisme. C'est ce mélange des éléments, bois, feu, terre, eau, ce mélange, ce métissage dont elle est faite, dont elle, remonte le fil consciencieusement, cette arborescence dont elle va déterrer les racines pour étudier chaque branche et chaque rameau de sa filiation.
J'ai fait l'heureuse découverte à la fois d'une écriture qui me plaît beaucoup, d'une histoire personnelle et celle d'un peuple colonisé, par ce récit dont le côté historique ne manque pas non seulement de remettre la France, mais aussi la civilisation chrétienne, à sa place, fermement, mais toujours avec délicatesse. de cette voix soucieuse de lever le voile sur la réalité crue de la colonisation, n'en déplaise à la France, sans jamais être portée par une quelconque sorte de rancune, rancoeur ou haine, et c'est remarquable. C'est peut-être bien une autre occasion de parler de la colonisation, celle de ce territoire d'Asie et de ce territoire constituant, entre autres, l'Indochine, beaucoup moins connu dans ses origines et dans ses exactions, mais tout aussi violente et désastreuse. Nous sommes toujours à louer ces terres, qui nous ont vu naître, divisée entre états, séparés par des frontières, biffée par ses fleuves, qui ne sont définies que selon le bon vouloir des mouvements de populations au fil des siècles, et des guerres impérialistes qui forcent les appropriations. Mais personne ne s'est encore adjugé un morceau de ciel, si ce n'est les armées de l'air de nos pays respectifs, ce que nous rappelle cette noble comparaison, qui abolie toute forme de frontière pour révéler son identification au monde.
Vidya Narine refait les voeux de cette union mixte qui a scellé le mariage du Viêtnam et de la France, une union aux forceps qui a laissé des béances, stigmates et cicatrices, avec et contre lesquelles les aïeules ont bien dû vivre, déplantées d'Asie puis transplanter en Europe. Et l'on écoute attentivement cette voix narrative, pour rendre histoire et justice à son Viêtnam originel, dépouillé par les colons français, pour que les jeunes pousses profitent de cette vigueur nouvelle pourvue par cet terreau français. Une voix littéraire à lire et un récit à savourer.
Un roman autobiographique original par sa force et en même temps, par la poésie de son écriture.
L’autrice raconte avec beaucoup de sensibilité l’émigration vietnamienne, l’histoire de sa grand-mère émigrée en France dans les années 1955 ou 1956, et celle de sa mère. Elle rend un vibrant et émouvant hommage aux anciens, explique l’importance des ascendants : il faut apaiser les fantômes, leur apporter la paix dans une France qui les stigmatise et les ignore. « Les familles savent qu’il ne suffit pas de s’occuper de ses propres ancêtres pour vivre en bonne intelligence avec les morts. Elles adoptent ainsi des fantômes orphelins. Elles créent des relations avec eux, apprennent à les connaître, ils peuvent alors devenir des protecteurs bienveillants. »
Une population à part, « exotique », silencieuse et soucieuse de s’intégrer. « Aux noirs et aux arabes : le doute, l’illégitimité. A tous les autres, dont ma part française née en Indochine, le néant. Nous n’existons pas. »
Elle reprend aussi avec beaucoup de clarté les événements historiques, l’histoire de la colonisation française. Et dénonce l'emprise de l’occupant, le mépris pour la population et le nombre de morts. Quantité négligeable ou dommages collatéraux inévitables....
La carte de l’Indochine qui présente le Tonkin, Laos, Annam, Cambodge, Cochinchine, de 1887 à 1954 est la bienvenue pour mieux comprendre. Ainsi que celle du Vietnam : Tonkin ( au nord – Hanoï ) - Annam ( partie centrale avec Saïgon au sud ) - Cochinchine ( au sud).
On comprend beaucoup mieux après la lecture de ce récit, l’âme vietnamienne, proche des éléments naturels : « Cinq éléments subdivisent tout ce qui nous entoure et nous composent nous-mêmes, on les appelle « mouvements ». Il s’agit du Bois, du Feu, de la Terre, du Métal et de l’Eau. Cinq phases d’un même cycle, cinq potentialités de changement, inhérentes à tout phénomène. Chacun de ces éléments est lié à un organe : Le Bois au foie, le Feu au cœur, la Terre à l’estomac, le Métal aux poumons et l’Eau aux reins. »
Une belle découverte !
Merci à Babélio et aux éditions les Avrils
https://commelaplume.blogspot.com/
Second roman de Vidya Narine, Le ciel est mon drapeau raconte l’émigration vietnamienne, complètement oubliée, qu’elle fait renaître pour que, dit-elle, les fantômes puissent être enfin apaisés.
Une ascendance vietnamienne cachée pour mieux s’intégrer à des kilomètres de distance, dans cette France, multiple et diverse, où on ne compte si peu. Pourtant, Vidya Narine décrit les mêmes procédés de rejet, d’invisibilisation que pour d’autres émigrations en y ajoutant la spécificité de sa culture. Cette nuance ouvre un champ entier, méconnu et lointain, qui rarement fut raconté. Les Annamites comprennent une vingtaine de langues et « quarante-huit millions de visages ».
Reprendre les histoires de ces deux ascendances permet à sa narratrice un je, certainement romancé, qui révise le passé du Viêt Nam ainsi que l’histoire de la colonisation française.
« C’est pourquoi je cherche à ce que les lettres et les phrases se tiennent, forment des fils incassables et tous ensemble une corde, tendue entre passé et présent. »
Le ciel est mon drapeau présente de manière innovante une culture souvent perçue comme « exotique », en explorant à la fois ses fondements et ses enjeux à travers un mélange de documentations, de récits et de réflexions.
Mais aussi, Vydia Narine dénonce l’emprise de l’État français sur cette partie du monde, le déséquilibre des forces et le nombre de morts constatés.
« Poignées de terre après poignées de terre, mot après mot, il faut réparer, inlassablement, même si l’on est en retard pour toujours, d’une humanité au moins. «
Le ciel est mon chapeau est un cri de révolte, une ode aux anciens, un poème d’une contrée oubliée mais qui coule dans les veines, un puissant pamphlet contre le colonialisme, une révolte sourde contre notre monde actuel mais une tendresse émue pour le parcours de ceux qui la constituent.
Bref un texte émouvant souvent poétique, d’une extrême sensibilité :
« Il existe un sixième élément, dont le rôle est de protéger les cinq autres, c’est l’enveloppe du cœur. Je l’ai composé des pages de ce livre, où les souvenirs exhumés reposent désormais. Le corps retrouvé se redresse, caresse les herbes et les cimes à venir, traverse le roman national qu’il amplifiait de son chant. »
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2025/01/16/vydia-narine-le-ciel-est-mon-chapeau/
Pour son second livre, l’autrice nous propose un texte hybride. Elle raconte à la fois l’histoire de sa grand-mère ayant fui en 1955 ou 1956 le Vietnam, tout en mêlant des références historiques tel un essai. Elle prend du recul et elle apporte un regard sociologique et critique sur le colonialisme. L’histoire de sa famille est fortement marquée par l’exil. Le thème de l’identité est au cœur du livre. Qu’est-ce qu’être Français ? Elle fait partie de la troisième génération après l’Indochine. Une belle matière à réflexion avec une écriture poétique.
Au final, une lecture en demi-teinte pour ma part. Il y a à mon goût trop de références historiques, trop de variations dans le texte pour que ma lecture soit fluide. Et puis j’ai encore en tête ma lecture du livre de Nathacha Appanah, « La mémoire délavée », qui m’a davantage marqué que celui-ci.
Et vous, avez-vous été touchés par ce récit engagé de la rentrée littéraire d’hiver ?
Je remercie Netgalley et Les Avrils pour cette lecture
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