Chronique des Explorateurs de la rentrée littéraire sur "Où bat le cœur du monde" de Philippe Hayat
Chronique des Explorateurs de la rentrée littéraire sur "Où bat le cœur du monde" de Philippe Hayat
Roman historique de Philippe Hayat, un texte à la fois féministe, un hommage aux infirmières, une réflexion sur la société, l'horreur et les traumatismes de la première guerre mondiale, une héroïne forte et attachante. prête à tout pour affirmer ses opinions.
La plume de Philippe Hayat et juste, une confrontation entre idéalisme et politique.
"Jeanne lisait ses Cahiers, et sous sa plume, les phrases chantaient. Lorsqu'une injustice l'obsédait, il la frottait aux mots jusqu'à l'usure, alors pointaitt une lueur qui rendait le monde intelligible. Une balle en plein front, précise le capitaine, mais celle-là a frappé un poète. Elle a brûlé bibliothèque, des milliers de strophes à venir. Jeanne admirait Péguy pour son entreprise sublime de libérer l'individu, de l'augmenter. Elle l'aimait parce qu'il s'épuisait à tracer les contours d'une cité harmonieuse et parlait à son cœur."
Rentrée Littéraire 2022
Un frère et une soeur, Charles et Jeanne. Nés dans la petite bourgeoisie grâce au travail acharné de leur père qui, parti de rien, a construit une usine de châssis d’automobiles, les prospères Ets Fulbert Rougier.
Charles, le baccalauréat en poche, ne rêve que de devenir journaliste et de parcourir le monde grâce à ses reportages.
Jeanne poursuit des études brillantes à Paris malgré les réticences de son père. La jeune femme a du caractère et n’hésite pas à s’opposer à lui contrairement à Charles qui abandonne ses rêves pour obéir à la volonté paternelle de le voir reprendre l’usine plus tard.
Jeanne, à Paris, fréquente les milieux artistiques et adhère aux idées socialistes portées par Jean Jaurès.
En Juillet 1914, à quelques semaines de la déclaration de la Première Guerre Mondiale, Jeanne constate que son frère, contraint à une vie pour laquelle il n’est pas fait, est en train de sombrer dans une forme de dépression. La confrontation avec ses parents la pousse à abandonner tout contact avec eux.
Quand elle apprend que Charles a été mobilisé et qu’il a été envoyé sur le front, Jeanne décide de le retrouver coûte que coûte pour être auprès de lui.
C’est une peinture à différents niveaux que Philippe Hayat brosse avec grand talent :
celle d’une famille aisée et des relations entre ses membres
l’engagement politique de Jeanne et de l’assassinat de Jean Jaurès
l’incrédulité de certains face à la menace de guerre ( » Comment l’homme épris d’art et de sciences, plus progressiste que jamais, pourrait-il causer sa perte ? »
L’absurdité et les horreurs de cette guerre
Le tout donne un tableau complet de cette époque et un formidable roman que j’ai quasiment lu d’une traite.
Je suis mitigée sur ce livre.
L’histoire est intéressante. On est emporté par elle et se déroule sur très peu de jours avant et au tout début de la première guerre mondiale.
On suit avec plaisir la vie de Jeanne, jeune fille indépendante.
L’écriture est fluide et prenante.
Le problème est que l’on connaît la fin dès le départ et qu’après j’avais un peu moins d’intérêt à poursuivre ma lecture.
Si cette construction marche bien pour certains livres (je pense notamment au fameux « chanson douce »), là cela m’a embêté.
Mais bon livre quand même.
Paris 1914. Jeanne est en conflit avec son père. Pour ce directeur d’une usine de productions de pièces automobiles, aucune question ne se pose, son fils prendre la suite et Jeanne se mariera. Peu lui chaut les excellents résultats scolaires et les ambitions de la jeune fille, on ne déroge pas à ce qui est évident. C’est donc la rupture, premier élément d’une suite de catastrophes. L’assassinat de Jean Jaurès, que Jeanne côtoie dans les locaux de l’Humanité, puis la mobilisation et la guerre. Les destinées volent en éclat : le frère aimé de Jeanne est envoyé sur le front. Pour le retrouver, elle s’engage comme infirmière…
Philippe Hayat rend très bien compte de cette ambiance si tendue de cette année 1914, entre les revendications du peuple et la menace d’un conflit en Europe. Jaurès était partisan de la paix. La France n’est pas armée pour se lancer dans la guerre. Malgré cela, Poincarré engage le pays dans ce qui sera la Grande Boucherie.
On revit la guerre à hauteur de tranchée, les blessures atroces, les morts innombrables, les absurdités du fonctionnement militaire….
Le roman dresse ainsi le portrait d’une jeune femme aux convictions fermes, insensible au socialement correct, et prête à tout pour défendre ses opinions.
Roman féministe, planté dans un décor où cette notion n’avait pas de sens, porté par une écriture sans compromis.
Un bémol cependant, pourquoi avoir immolé le frère de Jeanne en l’affligeant d’une blessure en tout point similaire au personnage d’Au-revoir là-haut ?
367 pages Aout 2022 Calmann Lévy
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