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Un mémorial !
Sociétal, finement politique, « Bonjour, suivi de Hotdog » est un témoignage vibrant.
La mission même d’une littérature vivante, cruciale, qui nous touche en plein cœur.
Le triomphe de la parole.
L’évidence de la vérité.
Elles sont ici. Femmes invisibles, effacées du tableau des jours de gloire.
Éblouissantes de ténacité, résistantes et silencieuses.
Abandonnées dans les écueils, les pertes d’estime et le dos courbé par un trop plein d’heures acharnées d’un travail exigeant, nécessaire, et pourtant si décrié par les a priori.
« Agent d’entretien / Un genou à terre / Je dois me taire. »
Femmes de ménage, l’opératif dans la nuit sombre, l’effacement de la dignité, avant que le jour ne se lève pour les autres, ceux et celles bercés par un matin enchanté.
Le tissage d’un rituel de labeur. La déportation de la joie, ailleurs ou jamais.
Elles sont héroïnes dans le miroir du matin. Abattues dans le crépuscule du néant.
Archivées dans nos consciences, détournées de la gloire. Et pourtant, elles sont le fronton de la méticulosité, l’exemplarité. « Le bruit de la fatigue n’existe pas. » « Amina, elle a bac + 4. Mais comme elle a pas bien la langue, elle fait femme de ménage. »
Séquestrées d’espérance, étrange (ère), la langue Babel, soumises, « on est sur le passage / On encombre. » « Aux mains, on voit qu’on fait le ménage. »
Ce texte est l’écho de nos faillites. Le vivre-ensemble dans le néant des infinies inégalités. Nécessaire, il remet d’équerre nos errances affectives et nos indifférences.
L’intimité d’elle, (elles), ailes, au plus profond « CON -SI – DÉ – RA - TION », « c’est tout / c’est clair / c’est ça. »
« Hotdog » sonne le glas de l'équité. D’un habitacle, d’un Alcazar, S.D.F, sans abri, soumis aux diktats des grands vents. D’une vulnérabilité qui se sait condamnée. Texte de collecte et devoir de parole. La prononciation des souffrances cinglées de froid et de misère humaine.
« Il faudrait faire la lessive / dans le corps partout / Qui sait faire ça ?. »
Natyot rassemble les disparités, cueille les mots comme des murmures des langues endormies. Éveille nos sens et prend part aux destinées loyales.
Elle somme les voix et encense ces femmes inoubliables et battantes. Donne la parole, comme un regain en devenir, piédestal d’une fraternité, pour que tout change enfin.
« Est-ce que je sais être gentille ? / est-ce qu’on m’a appris à être gentille ? /je mets mon nez à la vitre des voitures / tous eux. / Ils regardent leur volant / des fois ils soufflent / Tous eux / Ils sont e-xas-pé-rés / de moi / Tous eux / Ils font semblant / de pas-voir-savoir/ Tous eux / ils connaissent leur direction…. / C’est pas la joie. »
Nos semblables en humanité sont ici. Dans ce fronton des républiques en décadence. Lire ce documentaire est une urgence absolue. Un combat pour eux et elles. L’offrir par milliers, et acter le grand bouleversement. D’une utilité publique, il est un livre blanc à bâtir. La littérature comme outil. Natyot est une belle personne. Prendre soin du Journal de Résidence dans les premières pages. « Ça ne va pas aujourd’hui. » « Elles ont des sourires . » « Elles parlent arabe. » « On va raconter. On l’a voulu. On y est. »
Un documentaire inestimable à déposer dans les antres où tout est consigné et respecté.
Pour que tout change, enfin. À noter une magnifique couverture réalisée par Renaud Buénerd : " et qui semble bien interpréter les propos de l'auteur ."
Publié par les majeures Éditions La Contre Allée.
« Le bercail », ce pourrait être un refuge, un nid douillet comble de brindilles. Un toit de tuiles brûlantes de par un soleil estival. Il n’en est rien.
Le récit n’est pas ici, mais dans la tragédie des impossibilités.
L’éminente littérature qui œuvre, méritante et splendide.
« Le bercail », le retour dans la maison-mère, où les non-dits se reflètent sur le glacé des dallages. Dans les moindres recoins et les regards insistants. Les fenêtres floutées de silence lourd et oppressant. « Le bercail » est un berceau renversé. L’enfance échappée, l’adulte revenue dans le passage du gué. Happée par l’immobilité, l’absence pleine, orpheline égarée, entre l’attente et la magistrale espérance d’antan. Avant qu’elle ne parte, dix ans à la clé, le secret qui empêche un retour où tout pourrait reprendre, subrepticement et naturellement. L’écriture est souveraine, ressac poétique, moderne et vive, puissamment attentive aux gestuelles et attitudes. Elle exhausse une trame bouleversante et mélancolique.
« Elle est là sur le pas de la porte. Elle reste là. Un bon moment. Un bon moment de rien. Ce n’était pas prévu. Alors que de l’autre côté de la porte. Dans le bercail. Dans le royaume de l’enfance. Ils attendent. Ils s’impatientent. Ils regardent à la fenêtre. Ils, c’est eux. Les parents à la fenêtre. »
Elle prend assise et cherche un point d’appui. Un miracle qui pourrait redonner forme à la matrice. Ils n’osent pas. Caromère, Vincentpère, pèremère, siamois, apeurés et craintifs, dans une méfiance empruntée à la distance, au temps lourd sans elle, la narratrice meurtrie dans sa chair.
Elle attise le feu de l’entendu, remonte à la source, se heurte aux rochers des malentendus. Lèvres cousues des parents qui ne savent plus par où reprendre l’enfant-adulte, fille-femme devenue.
« Il est bon ton café maman. » « La fille dit à Caromère : - Les gens en colère sont simplement remplis de vent. Si tu regardes quelqu’un en colère et que tu penses qu’il est rempli de vent, tu ne peux que le plaindre. Lui prendre la main. Et essayer de le dégonfler. »
Elle veut s’impliquer. Prendre part aux roulements d’un bercail en déliquescence. Jardiner, brusquer les fureurs et arracher les mauvaises herbes. « Sa pelouse, sa fierté. » Le Père se sent mal. Sa fille piétine son espace, son exutoire, et trouble sa quiétude.
« La fille regrette d’être venue. Tout ce qu’elle s’est dit dans sa tête. Tout ce qu’elle sait fait croire. Les wagons de pensées aidantes. »
Elle se fraie un passage, dans ce foyer où les habitus sont floutés et bousculés. Les paroles sont des bulles qui éclatent avant l’heure belle. Elle est fragile et ne désire que l’aurore vierge. Reprendre le dessin d’un avant avant les ratures secrètes. Le poids lourd des paroles effacées. La pesanteur va être un tsunami. La maison coopère au choc mental d’une narratrice en perdition. Sirène échouée, les psychologies insistantes qui laissent le bercail dans l’ombre. Les rites pavloviens sont des brusques sursauts. La dérive vers la folie, comme seul échappatoire pour ce triptyque. Père, mère, fille et les retrouvailles avortées.
Et pourtant l’essai est digne, mais se heurte au pouvoir des consciences.
« Dans la cuisine les odeurs s’entrechoquent. Vincent a laissé le bouquet sur la table. Caromère et la fille espèrent des mots avec. La certitude du miracle. Le triomphe de la persillade. »
Les attitudes deviennent des soubresauts de malentendus. Complices d’une folie qui guette, parce que seule en capacité de tout changer. La décadence devenue le fleuve des incompréhensions. Le réel prisonnier des errances, la fresque des douleurs infinies.
Muraille projetée sur les cœurs sans concorde possible.
Ce récit est l’apothéose d’un bercail où l’indélébile ne peut s’effacer. L’endurance d’une fille qui quête l’éclaircie, la spontanéité d’une réponse à ses obsessions d’un non-retour.
« Le bercail » est la pleine lune qui ne ment pas. Un livre implacable, vibrant, essentiel qui souffle sur les braises et monte en puissance. Les sentiments sont ici. Mais cachés sous la couverture des langues étrangères à soi-même. La prose est de quête, ardente et dévorante de solitude humaine. Un huis-clos à l’instar d’un séisme mental, désespérément magnifique. « Il n’y a pas de chiffres dans les rêves . »
La couverture illustrée par Renaud Buénerd est révélatrice et douce. C’est le troisième roman de Natyot publié par les majeures Éditions La Contre Allée dans la collection « Sentinelle ». Après « Le Nord du monde » et « Tribu ». Et c’est une grande chance !
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