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2020, une sale année avec cette crise sanitaire mondiale. Après 2 mois ½ de confinement on nous rabâche qu’il faut faire vivre le commerce local, acheter des livres chez les libraires indépendantS. Sugar Run sera mon premier achat de livre en sortie du confinement sur les conseils du libraire Pages d’encre à Amiens. Après avoir discuté avec ce Monsieur, je m’en suis totalement remis à ce qu’il me proposait.
Je n’ai pas adhéré et je n’ai pas su lire ce livre. Le style d’écriture ne m’a pas plu et m’a paru trop confus. Bref j’ai abandonné.
« Peut-être, pensa Jodi, que la liberté, c'était comme plonger dans l'océan, ou remonter à la surface, plutôt. Elle avait entendu dire qu'on pouvait en mourir, de remonter trop vite. Quelque chose continuait votre sang. »
Dès les premières lignes, le récit s'inscrit dans la lignée du roman noir. Jodi est libérée de prison après 18 ans purgés pour meurtre, plus de la moitié de sa vie. Une vie à reconstruire sur les terres familiale, en Virginie-Occidentale, une promesse à tenir, une société à réintégrer.
Tout l'enjeu du roman est de savoir si, une fois passé le choc de la liberté, Jodi va pouvoir accéder à la résilience et construire la vie de paix et d'amour qu'elle appelle de ses voeux. Challenge d'autant plus difficile que les personnes qui l'entourent sont toutes comme elle border-line : Rickie, le frère de sa petite-amie décédée avant son incarcération, personnage troublé et troublant qu'elle entend « sauver », et Miranda, mère de famille en fuite, complètement paumée, impulsive et charmeuse, avec laquelle Jodi entame une relation amoureuse pas si simple. Tout peut basculer, on sent la tension derrière chaque décision de Jodi, on sent la violence sourde qui peut exploser à tout moment.
Si la construction aurait pu gagner en clarté, le talent de l'auteure est évident au fil de cette lecture. Elle impose un univers très sensible au genre du roman noir américain souvent enseveli sous une avalanche de testostérone. Là, au contraire, on a un vrai point de vue féminin, construit et intelligent, plongé dans une Amérique des marges parfaitement décrite. La société des Appalaches, rongée par la misère, les trafics de drogue et l'homophobie, en proie à l'avidité des compagnies de gaz de schiste, propose un cadre réaliste et dramatique très intéressant à la reconstruction possible de Jodi.
Les meilleurs moments de Sugar run se déploient lorsque l'auteure décrit ce monde qui va mal à travers les yeux de Jodi et son ressenti profond. J'ai senti chacune de ses gouttes de sueur, de ses espoirs, de ses effrois, chaque rayon de soleil que reçoit sa peau. L'écriture de Mesha Maren est d'une grande sensualité et offre au lecteur de superbes pages évoquant avec un lyrisme sobre et juste la nature à laquelle Jodi aspire. Certaines passages sont presque inattendus de tendresse, comme entendre des oiseaux chantés juste après une fusillade.
Un premier roman singulier et sensible comme je les aime.
J’ai respiré une bouffée d'oxygène dans les montagnes boisées de la Virginie occidentale.
A forte dose d'azote tout de même !
Jodi et Miranda sont Thelma et Louise du film de Ridley Scott, deux femmes en quête de liberté et de rédemption.
C’est une cavale au cœur des Appalaches, une course-poursuite contre le temps, l'absence et la mort, où la cabane d’Effie, la grand-mère de Jodi, est le dernier refuge.
J'ai particulièrement aimé le personnage d'Effie qui n'existe cependant que dans la mémoire de Jodi. Une présence constante et aimante grâce à des allers retours entre l’avant et l’après 2007, l’année de sortie de prison pour Jodi.
La beauté de ce roman se trouve aussi dans la description de la nature, l’observation des reliefs et les couleurs changeantes des paysages, à l’extrême attention portée aux premières communautés de ces montagnes :
« ces hommes au regard noir qui d’après les histoires d’Effie, allaient à la scierie en portant des rondins de chêne sur leur dos afin de fabriquer des lits pour leurs épouses, des hommes qui sauvaient les nouveau-nés en les plaçant dans les chauffe-plats des fourneaux lors de terribles tempêtes de neige, des hommes qui aimaient ces crêtes bosselées, ce sol calcaire et qui labouraient la nuit, cultivant leur terrain à la lumière d’une lampe frontale après une journée passée dans les mines de charbon ».
Une terre aujourd’hui meurtrie avec les forages de gaz de schiste creusée sans répit par des engins repus à la pâle lumière des stations-services.
Sugar run, est aussi une belle invitation à découvrir l'œuvre du poète anglais Alfred Tennyson que je me suis empressée de lire !
Un premier roman, dense et singulier, qui donne à voir un visage particulier de l’Amérique. Celui du sud des Etats Unis où la grande pauvreté et la désespérance sévissent, où les familles sont ruinées par l’alcool, la drogue, le jeu et les grands espaces convoités par la cupidité des hommes qui achètent les terres à bas prix pour exploiter le gaz de schiste.
Le personnage principal, Jodi McCarthy vient de voir sa peine de prison à perpétuité commuée en liberté conditionnelle. À 35 ans, elle a passé la moitié sa vie derrière les barreaux. À trop jouer avec la vie et au poker dans sa jeunesse, Jodi s’est brûlée les ailes. Et lorsqu’elle quitte l’univers carcéral, bien que personne ne l’attende, elle veut encore croire à l’amour, au bonheur.
Elle prend la route, avec ses incertitudes, et son road movie l’emmènera en Géorgie où elle a une promesse à tenir puis en Virginie où les terres de sa grand-mère, dans les montagnes des Appalaches, l’attendent, du moins le croit-elle. En chemin, elle rencontre Miranda, femme d’un chanteur de country, et ses trois enfants. Espérer, retrouver l’amour auprès de Miranda, pouvoir travailler sur ses terres, être libre, ne pas replonger, se racheter aux yeux de la société, voilà tout ce à quoi elle aspire. Mais bien sûr rien n’est jamais simple et mal entourée, mal conseillée, comment faire les bons choix ?
Deux grandes lignes narratives alternent dans le récit. L’une construit l’intrigue, entre sa sortie de prison en 2007 et ce qui va suivre, ses choix, ses doutes, ses difficultés. La seconde constituée de flash-back dans les années 80 déroule les événements troubles qui l’ont conduite en prison.
Le récit adopte le point de vue de Jodi, entrecoupé de celui de Miranda. D’une grande lenteur au départ, il trouve son rythme petit à petit. Autour de Jodi, dans cette Amérique en perdition, gravite toute une galerie de personnages complexes, certains peu reluisants, d’autres paumés, parfois aidant comme Farren, le vieil homme de la montagne.
« Sugar run » c’ est ainsi qu’on nomme un cycle de chance au poker. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la chance n’a pas souvent été du côté de Jodi. Dans cette quête de bonheur et de liberté, y aura-t-il pour elle une rédemption possible ?
Sugar run, c’est aussi une révélation, celle de la magnifique écriture de Mesha Maren. C’est un roman qui aborde de nombreuses thématiques : la difficulté de réinsertion sociale, l’homophobie, la misère, les addictions, la violence, la complexité des sentiments, des relations humaines … et qui montre à quel point il est parfois difficile de faire table rase du passé.
Mesha Maren signe un roman âpre et sombre sur fond de tragédie sociale. Un roman qui s’enracine dans les montagnes sauvages des Appalaches et donne voix à deux héroïnes que rien ni personne n’a épargnées mais bien décidées à vivre leur vie coûte que coûte.
Encore une belle découverte des éditions Gallmeister. Un très bon moment de lecture, je recommande ! Idée de playlist, la belle voix de Marianne Faithfull, une ballade comme dans Thelma et Louise !
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