L’histoire d’une colonisation et de la dévitalisation d’un peuple...
L’histoire d’une colonisation et de la dévitalisation d’un peuple...
«Tungujuangajuq . Vert. On peut le voir dans l’obscurité, quand il y a des aurores.)
L’automne est ses pavloviennes essences.
« On a tout l’automne » le regain d’un retour au Nunavik. Marcher dans les empreintes d’un temps élogieux, de transmission et d’hospitalité.
La toundra accueille une jeune femme, deux années plus tard. Lorsque les liens persistent au vent, à la rudesse du froid, aux laborieuses traductions. Elle pénètre, jeune femme endurante, l’antre des rappels. Les jours sont passés. Les enfants ont grandi. Cercle à Salluit, soudés dans les épreuves. Les nuits polaires et le spartiate du consumérisme. Elle franchit l’automne et se laisse inonder d’effusions, de regards, de paroles à peine troublées. L’inuktitut est sa bataille, son point d’appui et ses ferveurs amicales.
Tremblante par sa vie-même, la mort de sa mère est prégnante et douloureuse. Elle se jette tête la première dans ce bain juvénile. Les retrouvailles sont des fiançailles. Comme si les distances étaient spéculatives. On ressent le magnétisme des liens. La camaraderie croustillante comme du pain frais. D’aucuns ici portent déjà sur leurs épaules, les affres des difficultés.
« Il y a peut-être des personnes qui vont dire que nos grands-pères faisaient des poèmes quand ils chassaient les caribous. Avant, on avait juste nos paroles et nos gestes pour montrer ce qu’on sait. Mais moi je pense que l’écriture peut nous aider. On doit enseigner tout ce qu’on sait aux plus jeunes »
Elle observe, retient, saisit, se laisse aller dans la toundra au fond d’elle-même. Elle voudrait la résilience, quête le baume, neige glacée, le deuil est le passage risqué. Sombrer ou résister ?
« J’avale l’air froid à grandes bouffées, savourant son odeur de neige à venir. »
« On a tout l’automne » Juliana Léveillé-Trudel donne le je à la trame. Narratrice qui se laisse aller dans les chaleureuses amitiés, les adolescents qui de Maggie, Elisapie (quel beau prénom) , Nathan… Grégoire l’ami intime, les langues Babel, « quelques poèmes choisis parmi les textes des enfants, soigneusement recopiés pour elle, pour lui montrer comme ils sont beaux. »
Ce texte est une valeur universelle. Il étonne par sa douceur, son intrinsèque et la facilité d’amour des enfants quasi innée. Les adolescents, pétris d’humanité.
« Des années d’apprentissage dans ces caractères parfois maladroits, un long chemin que les enfants parcourent avant de mettre des mots sur le papier. Ceux qui les ont bercés, consolés, grondés. »
Et elle. Divinement magnanime, attentive, secrète et pudique dans ses douleurs intimes et tenaces.
« On a tout l’automne » est l’heure des recommencements, pour façonner, étreindre, se relever. Merveilleux récit, toundra enneigée . « L’amour d’une mère est le seul chez-soi. »
« Ses histoires à elle que je n’entendrais pas. »
Ce livre est un hymne à la tendresse, à la traduction dans sa splendeur, à l’apprentissage du mot qui sera le liant.
Exaltant de fraternité, il accroche ses bras autour de votre cou. Un havre polaire où chaque degré est une aurore boréale.
« On a tout l’automne » une déambulation dans le Grand Nord, dans le cœur même de la vie. Laissez-venir à vous ce voyage initiatique pour elle, un peu pour nous aussi. Tant d’effusions, de thé brûlant, d’images et de sentiments. Ici, la simplicité est le vaste de la neige juste tombée. « Un ancien portrait d’écolière, ses yeux trop vieux pour une enfant, traversés par un éclat de tristesse. »
Ce livre est une étoile de neige qui ne fond pas et reste dans votre main pour longtemps encore.
Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
le texte met particulièrement en lumière la condition effarante des femmes et celle des enfants, encore plus révoltante. L'auteure a la formule percutante, son écriture est implacable et sans concessions mais elle est sincère, belle et âpre, puissante. Ce roman offre un témoignage nécessaire et urgent.
« J'ai souvent le goût de brailler, je ne suis pas nécessairement triste, c'est juste que c'est trop ici, trop beau ou trop dur. »
Ces mots de la narratrice pour évoquer son rapport au Nord, vous pouvez l'appliquer à ce livre - « brailler » signifiant « pleurer » en français québécois – c'est beau, c'est dur, c'est trop.
La narratrice raconte Salluit, village du Nunavik, et ses habitants. Elle, la Montréalaise, quitte une fois l'an la grande ville pour venir s'occuper des enfants de la communauté inuit. Cette année, Eva son amie n'est pas là pour l'attendre à l'aéroport. Eva a disparu dans un fjord. Disparue comme d'autres, un détail. Alors elle parle à l'absente. Elle lui dit la beauté des paysages, de cette toundra, de ces grands espaces. Elle lui dit les incompréhensions entre ceux du Sud et ceux du Nord, les blessures du passé, la violence, l'alcool, la drogue, la misère.
Sans complaisance envers elle-même et les blancs en général, sans complaisance avec les autochtones, elle dit cet amour difficile.
Quelles différences entre nos sociétés occidentales et ces sociétés du Grand Nord américain ? Aucune en fait : on ne respecte pas son corps ni celui de l'autre, on consomme pour oublier... et cela malgré la beauté de la nature, cette nature et ses trésors si extraordinaires, époustouflants. Il est certainement temps de regarder autour de nous, retrouver sens et valeur de ces merveilles...
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