Entretien avec Dominique Bourgois, directrice des éditions Christian Bourgois
Entretien avec Dominique Bourgois, directrice des éditions Christian Bourgois
Je découvre cet auteur : Ce vagabond est surprenant mais épié..
Comme un grand parfum qui ne révèle que tardivement sa note de fond, RETOUR EN TERRE ne m’est apparu dans toute sa richesse que plusieurs jours après en avoir terminé la lecture .
Progressivement, certains passages me reviennent en mémoire ; et résonne en moi en particulier tout ce qui a trait à la mort .
Heureux Donald pour qui la mort n’est pas une disparition, une fin, mais un retour à la terre, une fusion avec la nature, qu’on accompagne avec douceur et humanité dans ce qui n’est qu’un passage !
La lecture de la première partie du roman m’a toutefois déroutée .
D’abord, en raison de la densité des données apportées par Donald : informations portant sur trois générations de personnages, souvenirs qui naissent spontanément , qui s’entrecroisent sans souci de chronologie .
Ensuite par les parenthèses de Cynthia – au demeurant utiles pour le contrepoint qu’elles offrent aux réflexions de Donald – dont l’écriture ne se différencie pas de celle des propos tenus par Donald .
Un regret : celui que ce roman choral ne soit écrit que d’une seule ( mais belle…) voix . J’aurais aimé que la sensibilité de chacun des quatre personnages soit traduite dans un style qui le différencie des autres .
Jim Harrison écrit la vie avec puissance, d’une écriture charnelle qui dans ce roman met à sa juste place l’humain.
C’est un quatuor qui vous raconte la vie de Donald, 45 ans, condamné par une maladie qui fait de son corps athlétique un carcan de douleurs.
En premier, Donald dicte l’histoire de sa famille à sa femme Cynthia, pour laisser une trace à leurs enfants, car il est urgent de dire les origines.
Puis ce sera K, jeune homme musclé qui a l’âge des enfants de Donald, le seul dont la force physique permet à Donald de faire encore quelque chose de ses dernières forces, pour revoir les lieux qui ont comptés dans sa vie. Donald, reconnait en ce jeune homme la force sauvage, l’esprit de révolte de leurs ancêtres. Jeune homme incompatible avec la vie contemporaine mais totalement dans son élément dans la vaste nature qui les entoure.
Puis David, le frère de Cynthia s’exprime et pour lui la mort programmée de Donald est aussi le moment de faire le point sur sa vie, qu’il a laissé filée, par colère contre son père, par facilité, par quoi exactement ? Il est plutôt désorienté.
Et c’est la voix de Cynthia qui clôt ce quatuor.
Donald va mourir et il doit se réconcilier avec sa vie, pèlerinage dans le temps, car dans les derniers instants, la mémoire oscille entre ce qu’il est important de transmettre et ce que l’on choisit de partager.
L’important consiste dans l’histoire de plusieurs générations, dont le couple originel est fondé par Clarence, migrant finnois et qui épouse sur le tard une Indienne. Ce métissage est très important, la force de la nature et des esprits est omniprésente.
Il y a aussi le rapport de forces entre dominants et dominés.
« Cynthia m’a aidé à me calmer un peu en me faisant lire deux livres qui montraient que la même chose était arrivée dans d’autres pays. L’un avait pour cadre A.J.Cronin ; l’autre se situait en France et s’intitulait Les Misérables, sans doute par euphémisme. »
Jim Harrison a cette écriture poétique et lyrique pour dire les blessures de l’Amérique entre tueries et ravages écologiques.
Donald est l’épicentre de cette famille qu’elle soit en lien direct ou pièce rapportée.
« Donald était « entièrement » ce qu’il était. »
L’auteur insuffle à son personnage la dignité malgré tout et jusqu’au bout. Ce sont des passages d’une force inouïe.
Toute la prose de Jim Harrison dans ce roman est empreinte de mélancolie, d’une sensualité qui englobe êtres et dame nature.
Ce n’est pas seulement un livre sur le deuil, les étapes et les particularités de chacun à accueillir la mort y sont particulièrement justes, c’est surtout la vie qui pulse dans les liens tissés entre les personnages, l’espoir que ces moments font avancer chacun à sa manière, la communion avec la nature est omniprésente et d’une magnificence qui fait la marque de Jim Harrison.
Ce sont aussi les pleurs d’un homme lucide, l’auteur, sur le monde perdu, sur les liens qu’il faut sans cesse renouer.
Ne pas baisser la garde pour conserver la beauté de la nature, la respecter, faire ressurgir les liens occultes entre celle-ci et les hommes.
Un testament de vie car Seule la Terre est éternelle.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/04/11/retour-en-terre-jim-harrison/
Au seuil de la soixantaine un homme se voit contraint de recommencer sa vie et entame un voyage initiatique à travers les Etats-Unis.
Ex professeur de littérature devenu fermier, Cliff est plaqué par Vivian après 38 ans de mariage, sa ferme est vendue contre son gré, et il vient de perdre sa fidèle chienne Lola. Désemparé, il se voit contraint de tout recommencer mais ne sait pas comment s’y prendre. Le déclic lui vient lorsqu’il retrouve dans son grenier un puzzle des Etats-Unis : il décide alors d’entamer un road trip à travers l’Amérique à bord de son break Taurus, en compagnie de Marybelle, une ancienne étudiante frivole. A chaque état traversé, il se débarrasse d’une pièce du puzzle et chemine ainsi vers sa reconstruction psychologique.
Ce rêve d’enfance, traverser les Etats-Unis, devient pour ce sexagénaire une quête spirituelle: il lui faut réapprendre à vivre seul, trouver de nouveaux repères, expérimenter de nouvelles sensations, le tout à la lumière des ouvrages lus au cours de son existence tels que H.D. Thoreau ou Henry Miller. A travers ce roman en partie autobiographique l’auteur porte un regard aiguisé sur la société américaine et propose avec beaucoup d’humour une critique acerbe de la modernité. Le style, parfois poétique, fonctionne par association d’idées et remonte le fil des souvenirs de cet anti-héros. Jim Harrisson nous a offert une belle réflexion sur la vie et le temps qui passe. Le rapport à la nature transcende sa plume et c’est, avec le côté humoristique, ce qui m’a le plus plu dans ce roman. De nombreux passages semblent toutefois redondants et le point de vue sur les femmes est assez misogyne (on dirait un roman écrit par un homme pour les hommes).
Il s’agit de ma deuxième lecture de ce grand auteur américain décédé en 2016, la première étant Grand Maître qui ne m’avait pas passionnée. Si mon avis est de nouveau assez mitigé pour celui-ci, je persisterai à découvrir son œuvre en lisant prochainement Légendes d’automne.
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