Cette semaine, suivez Yann Briand, Directeur littéraire des éditions Le Passage et Charlotte Lefevre, responsable éditoriale pour la littérature française et étrangère aux éditions Pocket
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1938. Suzanne Valadon (de son vrai prénom : Marie-Clémentine) est née en 1865, à Bessines-sur-Gartempe. Elle vit avec Gazi (le tatar) un peintre (à ses heures guitariste, pour mettre du beurre dans les épinards …) de trente ans plus jeune qu’elle … Son « Momo » (son fils Maurice Utrillo) est artiste lui aussi. Des vies de peintres où l’alcool était omniprésent. (Maman Madeleine, blanchisseuse, buvait déjà beaucoup quand elle était petite …)
Suzanne Valadon a promis de se livrer totalement, de raconter son enfance, sa jeunesse, sa vie mouvementée à Montmartre, sans mentir, sans rien omettre … Elle sait que Francis Carco – qui est intéressé par l’écriture d’une biographie sur Maurice – est également disposé à se pencher sur sa propre existence … Mais la vieille femme ne sait plus très bien si ses souvenirs sont réels … Ou si elle les a inventés de toutes pièces … Juste pour embellir les détails sordides du passé et le brouillard entourant ses origines … Et à-t-elle vraiment été cette « Olga » (artiste de cirque) avant cette chute providentielle, qui finalement a fait d’elle une formidable artiste-peintre, dans le sillage de Toulouse-Lautrec et de Degas ?…
Le récit de Jean-Paul Delfino (même si nous connaissons tous – plus ou moins – le parcours de Suzanne Valadon) est d’une émotion infinie. C’est un régal, une gourmandise ! L’auteur lui redonne une dimension humaine, nous projette auprès de cette femme d’exception qui voulait vivre « une destinée extraordinaire, ou rien » ! Un gros coup de coeur pour ce voyage à Bessines et sur la Butte !
Magnifique hommage à Suzanne Valadon, cette femme qui voulait être extraordinaire et le fût. Née d’une mère illettrée et de père inconnu, elle est malgré tout parvenue à se faire un nom de son vivant dans un monde de la peinture qui n’imagine même pas qu’une femme puisse tenir un pinceau !
Elle a pourtant vécu mille vies, artiste équestre dans un cirque, puis modèle, longtemps en compagnie de sa mère aux prises avec des démons incurables.
Jean-Paul Delfino lui prête sa plume pour la laisser conduire le récit, avec verve et sans filtre, sans retenue dans les propos.
Les confidences, celles qu’elle livre à Gazi, son compagnon fidèle et que convoite Francis Carco, qui voudrait en faire un livre, nous en sommes aussi les destinataires. Plongés au coeur d’un Montmartre véritable pépinière d’artistes dont certains sauront se faire un nom pour l’avenir, nous nous attablons au Chat noir, alors que des rumeurs d’une guerre proche sont commentées autour du zinc.
Roman hommage pour cette grande artiste tourmentée, écrit avec un talent remarquable qui en rend la lecture passionnante. Et instructive !
256 pages Ystia Cie 22 aout 2024
Cette biographie romancée de Suzanne Valadon (1865-1938) nous fait découvrir la femme derrière la peintre maintenant mondialement connue mais qui eut du mal à s'imposer à son époque. Alors qu'elle a 72 ans et qu'elle sent la mort approcher, elle se raconte à la demande d'un journaliste qui souhaite écrire un livre sur elle. le roman alterne ses derniers instants et les souvenirs d'une vie extraordinaire.
Née Marie-Clémentine, d'une mère lingère illettrée et de père inconnu, elle a vécu mille vies. A 11 ans, sa mère la met au travail pour essayer de survivre, elle sera écuyère mais se blessa grièvement, blanchisseuse, lingère... Remarquée pour sa beauté, elle devient modèle à 15 ans et sera l'égérie et la maîtresse de Puvis de Chavanne, Renoir, Toulouse-Lautrec, Erik Satie. Degas, qui voit en ses dessins un grand talent, sera son protecteur et son mentor. Elle fut aussi mère absente de Maurice Utrillo qui deviendra un peintre dont la renommée dépassera celle de sa mère.
Cette biographie est passionnante car elle nous fait découvrir la femme et la mère derrière le peintre ce qui jette une lumière nouvelle sur son oeuvre. Totalement autodidacte, elle n'a été influencée par aucune école, aucun mouvement; elle ne reconnaît qu'une seule influence,Gauguin, qu'elle n'a jamais rencontré. Suzanne Valadon se moque des convenances; elle n'est guidée que par son art et sa liberté. Elle fait montre d'une force de caractère incroyable, d'une farouche indépendance, ne se soumettant pas à l'image attendue des femmes peintres. Elle ne peint pas le beau mais le vrai, son milieu avec sa laideur, sa misère, son ivrognerie. Elle ne commencera à être reconnue comme peintre et non comme la mère de Maurice Utrillo, que dans les années 20.
Ce roman met parfaitement en lumière le combat épuisant qu'ont du mener les femmes peintres à cette époque, la ténacité, le courage, la volonté dont elles devaient faire preuve surtout lorsqu'elles venaient de la rue.
La plume évocatrice de Jean-Paul Delfino nous entraîne dans le Montmartre de la fin du 19ème, début du 20ème siècle, bouillonnant, excessif, créatif mais aussi pauvre, violent. Il retranscrit tellement bien la gouaille parisienne qu'on se croirait siroter un verre d'absinthe dans les gargotes enfumées.
Une lecture passionnante de bout en bout qui me donne envie de me replonger dans les œuvres de Suzanne Valadon, sûre d'encore mieux les apprécier après cet éclairage.
Une question se pose, "L’affranchie de Montmartre", nouvel ouvrage de Jean-Paul Delfino, est-il un roman biographique ou une biographie romancée ? Peu importe, me direz-vous ! L’essentiel se trouve dans le plaisir de la lecture et c’en fut un. Sacrée bonne femme cette affranchie de Montmartre !
L’auteur nous raconte, en effet, l’histoire de Suzanne Valadon, née Marie-Clémentine – elle prendra d’ailleurs plusieurs prénoms au fil de sa vie – ou plutôt lui donne la parole. Elle a menti toute sa vie, mais là, apparemment, elle a décidé de dire la vérité. Sacrée bonne femme, donc, dont nous allons apprendre beaucoup de choses passant allègrement du présent au passé et du passé au présent. Ainsi, elle est arrivée à Paris, un an après sa naissance, dans les bras de sa maman Madeleine. Pour elle, Montmartre, "…la Butte était synonyme de Paradis." Et puis elle était entrée au cirque de Monsieur Fernando, et on l’avait appelée Olga. Et puis, et puis…
Je vous laisse le plaisir de découvrir la suite, de fréquenter aux côtés de Suzanne, tous les grands noms d’artistes qu’elle a côtoyés. Je vous laisse noter le mystère qui règne autour du père de son fils Maurice. Je vous laisse vous régaler de sa gouaille, de son talent qui petit à petit se fait jour. Je vous laisse rencontrer Renoir, Degas, Eric Sati et Gazi-Igna Ghirei, dit Gazi le Tatar de trente-cinq ans plus jeune qu’elle et qui fut apparemment son dernier amour.
Ce roman est véritablement réjouissant, magnifiquement écrit. Il emprunte une belle langue imagée pour décrire ce merveilleux quartier de Montmartre aussi bien dans sa beauté que dans sa saleté. Il sait aussi parfaitement l’utiliser pour restituer les petites particularités de son héroïne "D’un trait, elle avala le liquide transparent. L’alcool, à la façon d’une poignée d’épines de pin sèches jetées sur un lit de braises, flamba dans son corps de vieille carne têtue, de mille étincelles orangées."
J’ai aimé ce dernier ouvrage de Jean-Paul Delfino qui fait brillamment revivre un quartier de Paris que j’apprécie beaucoup, et une artiste haute en couleurs.
https://memo-emoi.fr
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