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C'est un faisceau de récits terribles et dérisoires de banalité de nos jours. Ce ne sont que quelques personnes quand on entend chaque jour le compte-rendu de dizaines, de centaines de malheureux noyés, affamés, battus pour avoir espéré mieux pour eux-mêmes ou leurs enfants. La force de ces récits tient aux détails des espérances parfois naïves, et au caractère universels de ces trajectoires humaines.
Essentiel pour cesser de ne voir que des ombres et des effectifs macabres au lieu d'êtres humains.
Là d’où je viens a disparu est un roman choral qui dit la mondialisation et l’exil. Le récit se déroule de 2015 à 2019. L’auteur nous dévoile par petites touches, avec pudeur, l’histoire de ceux qui partent. Luis et Eva s’exilent avec Angéla leur petite fille pour fuir le harcèlement des gangs du Salvador, Litzy souhaite que son enfant naisse aux Etats-Unis, il aura une vie meilleure qu’au Salvador, Sahra, Somalienne, s’invente une vie aux Etats-Unis, Angie pleine de rêves, tente d’entrer en Europe. L’auteur donne aussi la voix à ceux qui restent, en proie à leurs questionnements et à leur imagination. Cette crise migratoire réveille des engagements opposés non exempts de motivations narcissiques. Jérémy, mal dans sa peau, milite dans une association d’extrême droite, agit dans les Alpes contre l’immigration clandestine alors qu’il fait par ailleurs des maraudes pour venir en aide aux sans-abris ; sa mère, Hélène, le coeur à gauche, documentaliste dans l’enseignement catholique, veut sensibiliser sur les disparitions de migrants et partant, retrouver ce fils qui s’est tant éloigné d’elle. Les drames de la séparation revêtent diverses formes dans le roman.
Le livre dit aussi la force de la connexion et de la médiatisation dans le monde globalisé. Les personnages ont des liens entre eux. Litzy, exilée aux Etats-Unis, est très touchée par la mort d’un enfant syrien de 3 ans dont le corps est retrouvé sur la côte turque. A la fin du livre, Marta, déplore l’usage fait de la photo du drame, cela fait naître une émotion abominable et inutile pense-t-elle, alors que ce qui est essentiel ce sont les questions qu’elle se pose sur ce drame, questions auxquelles l’image n’apporte pas de réponse.
Le lecteur à travers ces récits de vie inspirés du réel s’empare de personnages dont l’identité et l’histoire dépassent largement la fugacité de l’image que les médias nous livrent.
Du Salvador à la Somalie, le malheur au malheur ressemble et les rêves de liberté échouent sur des rafiots de fortune ou des camps aux frontières. Rafael et Marta évoquent leur histoire tandis qu'à Somerville, les rêves avortés parviennent à Mogadiscio sous forme de pieux mensonges.
C'est une tout autre ambiance à Lyon, alors que Pascal fait le bilan de vingt et un ans d'une cohabitation avec ce fils qu'il n'a pas vu grandir. Ce fils qui devient autonome, mais dont il sait peu de choses, jusqu'au jour où il reconnait sa voix, captée pour une interview à la radio …
C'est avec beaucoup d'empathie que Guillaume Poix donne la parole à ses personnages, qui rêvent tous d'un autre monde. Malgré les frontières toujours plus hautes, plus controlées plus inaccessibles , l'espoir est là, brisé parfois avant même de comprendre l'imposture.
C'est l'histoire d'un monde qui vit mal son évolution, d'un monde qui continue à penser en légitimité du droit du sol, et ferme les yeux sur la détresse de moins chanceux mais autant humains qu'eux.
Sans jugement péremptoire, l'auteur dresse une galerie de portraits comme un état des lieux de l'époque.
L'humour n'est pas absent de ces lignes, en particulier pour les chapitres consacrés à Pascal, le naïf de service, avec ses principes qui explosent en vol, confronté à une réalité inimaginable pour lui.
Un très beau roman humaniste, qui dresse un état des lieux sans donner de leçon
Roman choral à cœurs et à cris ouverts, « Là d’où je viens à disparu », nous emmène, des Etats-Unis au Salvador en passant par la Lybie, la Somalie et la France, à la rencontre de vies qui s’entrecroisent au fil des chapitres.
Des vies qui ont rêvé, osé, tremblé, fui et surtout toutes espéré qu’un avenir meilleur les attendrait au bout du voyage… pour ceux qui ont eu la chance d’arriver à son terme.
Un roman qui parle des migrants, terme générique pour un sujet ô combien d’actualité qui nous est devenu ces derniers années si « familier ». Un mot vaste pour un sujet qui l’est tout autant…
Oui, mais voilà : dans ce roman justement, ces migrants prennent vie et identité :
ils sont Litzy, Luis, Eva, Giant, Malek, Sahra ou Angela.
Ils sont hommes, femmes, parents, enseignante ou pizzaiolo de formation, ou simplement un enfant et nous emportent avec eux dans un tourbillon d’espoir et de désillusions.
Lire ce livre, c’est embarquer au plus près de certains d’entre eux dans ces radeaux de fortune en route vers un Eldorado d’illusions qu’ils atteindront pour certains, quand les eaux ne les emporteront pas pour d’autres, c’est aussi se résigner à mener la vie sur le qui-vive et clandestine d’une femme de ménage que sa famille imagine enseignante dans une des plus brillantes universités d’Amérique.
Lire ce livre, c’est se plonger et se heurter à une réalité dramatique d’autant plus réaliste que ces histoires de vies sont inspirées de faits réels.
Une lecture qui dérange et qui bouscule, qui ne peut laisser insensible.
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