Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !
Autant le préciser tout de suite, c’est la première fois que je lis un texte de Grégoire Bouillier et pour tout dire je comprends que l’on puisse adorer ou détester. J’ai eu quant à moi l’impression de passer un moment agréable avec un vieil ami un brin complaisant, un peu radoteur sur les bords, parfois lourdingue, au demeurant sympathique, attachant et souvent très drôle. J’étais contente de le retrouver tous les soirs et de lire ses analyses autour des Nymphéas de Monet et de son fameux syndrome de l’Orangerie, à savoir un grand sentiment de malaise lorsqu’il est allé contempler les Grands Panneaux … Enfin, quand je dis « ses » analyses, ce sont à vrai dire les trouvailles des autres qu’en excellent compilateur il a faites siennes (il ne s’en cache pas vraiment d’ailleurs) mais ce n’est pas grave, on ne lui en voudra pas. Et surtout, on n’aurait certainement pas lu avec autant de plaisir et d’humour les écrits des copains ! Bref, j’ai aimé me laisser embarquer dans les analyses percutantes dont il se fait l’écho. J’ai adoré ses digressions et ses parenthèses à gogo. En cela je crois qu’il bat, et de loin, notre Jaenada, assez doué dans ce domaine. Je pense qu’il va très vite me manquer et j’ai hâte de découvrir ses « Dossiers M » qui m’intriguent beaucoup.
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J’ai aimé cette nouvelle enquête, cette fois-ci sur un chef d’œuvre de la peinture : les Nymphéas de Claude Monet, excusez du peu.
J’ai retrouvé avec plaisir la Bmore & Investigation, même si Penny est moins présente.
J’ai aimé les différentes hypothèses du détective : les Grands Panneaux, ce sont les millions de morts de la Première Guerre Mondiale (p.49) ; ce sont les 9 millions de morts + celle de son fils.
Du temps de Monet, les nymphéas inspiraient méfiance et effroi, fleurs naissant dans la vase et dont l’une des propriété médicale est semblable au bromure.
J’ai adoré que le narrateur s’aide du dernier James Bond (p.153), du professeur Tournesol et de sa véritable identité (p.230), Edgar Poe dont Monet était un grand lecteur (p.303), des œuvres du peintre Hodler (p.352), du film Blow-up (un peu partout dans le texte), de l’Écume des jours de Boris Vian (p.404).
J’ai aimé son humour, répétant à l’envie de les nazis n’ont jamais disparus.
Mais j’ai aussi aimé sa leçon de peinture. Ainsi déclare-t-il que « chaque tableau se trouve coupé de sa propre finalité car il n’est que l’élément d’un processus qui le dépasse. (…) N’est que la mélancolie d’une Unité perdue. (p.307) »
Monet qui s’émancipe de 4 siècles de perspective linéaire donnant l’illusion de la profondeur (p.326).
Bref, Claude Monet invente une nouvelle façon de peindre au-delà de l’impressionnisme.
J’ai aimé que la notion d’écart, de distance avec la réalité tende tout le roman : « Monet disait peindre l’espace qui le séparait de l’arbre et non l’arbre lui-même » (p.237).
Un bémol : le détour par la zone d’intérêt des camps de concentration juste au milieu du livre qui m’a paru un peu factice.
Je ne vous dévoilerait bien sûr pas le fin mot de cette recherche sur les Grands Panneaux et pourquoi ils provoquent un sentiment de malaise chez le narrateur. Je vous laisse le plaisir de découvrir cette enquête.
L’image que je retiendrai :
Celle des deux salles du musée de l’Orangerie dont la forme a été voulue par le peintre, et qui dessinent une paire de lunettes, entre autre.
https://www.alexmotamots.fr/le-syndrome-de-lorangerie-gregoire-bouillier/
Le narrateur, Bmore, derrière lequel se cache l’auteur, mène une enquête plutôt décousue, parfois saugrenue et qui nous perd souvent dans ses méandres pagailleux. Pourquoi tout ce fatras alors qu’on est là pour savoir quel est ce syndrome de l ’Orangerie qui a saisi l’auteur devant l’œuvre monumentale de Monet, les grands panneaux des nymphéas exposées dans la salle de l’Orangerie (donc, rien à voir avec un jardin planté d’orangers !).
J’avoue que ces digressions dont la logique m’a échappé souvent m’ont agacée. Heureusement, il y a Monet. Peu à peu, on remonte le fils de sa vie, les femmes qu’il a aimées et particulièrement Camille, morte jeune d’un cancer. Et puis, il y a la date à laquelle les nymphéas ont été peintes, celle de 1914 lorsque commence la grande guerre avec ces millions de morts. Alors, faut-il voir derrière ces fleurs d’eau dormante la mort ? Car il ne faut pas se leurrer. Derrière les couleurs tendres, les reflets de lumière sur l’eau du bassin, la délicatesse des nymphéas se cache un sombre secret. Mais lequel ?
Grégoire Bouillier creuse son hypothèse, il étend les nymphéas et Monet sur son divan et cherche, cherche…
Alors oui, l’idée est originale, brillante et tout ce qu’on veut, mais pourquoi tant de détours, de circonvolutions, de détails inutiles ? Ce que j’avais envie de connaitre, c’est la vie de Monet, ses failles, ses douleurs, ses regrets et l’histoire, aussi, qui est tragique à cette époque. Il y a l’amitié avec Clemenceau, mais aussi la pauvreté des débuts, la mort de Camille et sa liaison avec Alice, la femme son ami Ernest Hoschedé. Et oui il y a Giverny et sa passion horticole pour en faire un jardin merveilleux avec ses deux bassins de nymphéas.
Grégoire Bouillier se faufile dans cette histoire complexe, nous livre ses soupçons, échafaude des hypothèses parfois bien entortillées, un vrai embrouillamini dans lequel vient se nicher des souvenirs d’enfance, le professeur Tournesol et Rackam le Rouge et d’autres digressions que j’ai perdues en chemin
C’est une conversation à trois, une conversation privée explique Grégoire Bouillier, et de nous assener :
« Si on ne le comprend pas, si on n’accepte pas que nymphéa est un mot valise qui contient un monde immense, des trésors sans nom, alors tant pis, by by les amis, je ne retiens personne. »
Alors quoi ? Je fais ma valise et je ferme le livre ?
Non, j’ai poursuivi ma lecture, contournant les écueils, autrement dit sautant quelques pages qui m’ont paru indigestes. Et j’ai bien fait d’aller jusqu’au bout. Car les dernières pages donnent la clé de l’énigme, enfin apprend-t-on ce qui a pu conduire à ce malaise de Grégoire Bouillier face aux nymphéas.
Pour vraiment pénétrer ce récit singulier, il faut entrer en communion avec l’auteur, accepter cette déconstruction de l’œuvre, et là, oui, c’est intéressant. Mais j’avoue avoir eu beaucoup de mal à m’immerger dans ce gros bouquin qui m’a laissée dubitative.
Les livres-enquêtes de Grégoire Bouillier disent autant de lui que de son sujet. C’est d’autant plus flagrant lorsque, comme ici, il est question de rencontre artistique, autrement dit de la confrontation de deux inconscients, celui du « regardeur » et celui de l’oeuvre. Plus que jamais se dévoilent sous l’humour de l’auteur ses propres obsessions face à la vie et à la mort, alors qu'explorant la biographie de Monet, il se lance tous azimuts dans une auscultation très personnelle de sa peinture.
Troublé que, contrairement à tant d’autres visiteurs, le terme « morbide » soit le premier qui lui vienne à l’esprit devant l’ensemble mural des Nymphéas de Monet au musée de l’Orangerie, l’auteur s’interroge. Ne s’agit-il que de son humeur, où se cacherait-il dans le bassin des nymphéas quelque triste motif lui renvoyant en miroir ses propres dispositions ? Convoquant aussitôt son alter ego le détective Bmore, déjà à l’oeuvre dans Le coeur ne cède pas, voilà notre homme qui, faisant fi des protestations de Penny, l’assistante fictive qui, non sans cocasserie, lui sert dans cette histoire de Jiminy Cricket, s’immerge dans une nouvelle enquête de son cru.
Divaguant comme à son habitude – quoique de manière un peu plus contrôlée, son éditeur, plaisante-t-il, l’ayant enjoint à moins de bavardage délibéré – de digressions en associations d’idées reflétées avec humour par l’imbrication de ses phrases et de ses parenthèses, il enchevêtre les fils narratifs, explore les hypothèses les plus diverses, même farfelues, enfin fouille son sujet à la lumière de ses obsessions sans craindre de se perdre ou de se contredire parfois. « Je fais partie du livre », écrit-il, et il se met en scène dans ce récit qui est en même temps un voyage, un cheminement personnel et un questionnement aussi scrupuleux que subjectif. Ainsi, à la biographie de Monet, aux fantômes de la guerre, du fils aîné et de l’irremplaçable Camille, enfin aux affres du peintre perdant la vue, se mêlent des souvenirs personnels de l’auteur, le malaise persistant ramené d’une visite à Auschwitz-Birkenau, et tant d’autres expériences susceptibles d’avoir plus ou moins maille à partir avec ses sombres projections artistiques. D’une prétendue psychanalyse des tableaux de Monet à celle de l’écrivain, il n’y a qu’un pas…
Brillant, drôle, d’une dextérité formelle illustrant à merveille le propos, ce dernier ouvrage de Grégoire Bouillier s’avère ainsi au final, au travers du miroir aux reflets changeants tendu par le bassin des nymphéas de Monet, une formidable et fort originale entreprise d’introspection, en même temps qu’un hommage extrêmement personnel – au risque de parfois distancer le lecteur ? – à Monet, à sa peinture et à l’art en général.
« Ce qu’il faudrait, c’est accéder à sa propre voyance. C’est dépasser la légende qui se trouve sous le tableau comme la légende qui l’auréole au-dessus. Histoire de se doter d’un regard à soi, d’un regard neuf, d’un regard d’abord muet. » Mission parfaitement accomplie !
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