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L’évocation du passé de l’Algérie française donne fréquemment lieu à des polémiques, prétexte d’échanges d’arguments simplistes, définitifs, marqués par des certitudes de plus en plus remises en question. Dans sa Suite algérienne ,Didier Porot , sans éviter l’évocation des grands problèmes, ceux liés à au statut des communautés ethniques et religieuses présentes à cette époque , choisit un autre angle d’attaque .L’Algérie fut , aussi, une terre de défis, de pionniers habités par les rêves les, plus fous , les plus insensés : que l’on pense par exemple à ces officiers saint-simoniens qui se convertirent à l’Islam , espérant créer une Algérie multi-ethnique et multiconfessionnelle .Les premiers personnages du roman , les frères jumeaux Bernard et Beaudire , quittent les bords de leur Garonne natale pour s’installer dans ces terres . Ils participent à la création des premiers villages de colons, à la fertilisation de la plaine de la Mitidja, infestée alors par la malaria, en proie à des attaques de sauterelles. La terre sera-t-elle fertile ? Ne sommes-nous pas en train de commettre une erreur en tentant de prendre racine dans cette terre bien ingrate ? c’est la problématique à laquelle sont confrontés ces premiers colons, que l’on nommera plus tard les pieds-noirs.
Didier Porot nous fait redécouvrir la diversité humaine de la terre algérienne, qui est sa terre natale. Ainsi explicite-il les origines des Kougoulis : « C’est un Kougouli, précisa-t-il. Vous devez savoir que les Ottomans ne venaient dans la régence que pour le temps de leur carrière. Ils y faisaient rarement souche. Ainsi, un haut dignitaire turc a-t-il épousé une fille de Salem. »
Les personnages du roman sont bien sûr confrontés à l’histoire de la conquête de l’Algérie par l’armée française , qui fut cruelle, longue et marquée par des soulèvements intermittents mais jamais complètement éteint , des populations indigènes, comme on les qualifiait alors dans le vocabulaire administratif colonial ,mais aussi des réalisations de la France « Mais cette intensification de la guerre avait aussi renforcé la cruauté des deux camps .Le massacre de soldats français à Sidi-Brahim en septembre 1845 (…) comme l’enfumage dans les grottes, sur l’ordre du général Pelissier , de civils de la tribu des Ouled Rian (…) Mais on prenait aussi des mesures pacifiques , comme la création d’écoles , comme celle, initiée à Daumas, de la mise sur pied des bureaux arabes (…) comme celle de l’extension du réseau télégraphique d’Alger à Médéa . »
Didier Porot ne manque pas de décrire le ressenti d’Ahmet, l’un des personnages du roman : « Ahmet restait dans une prudente réserve, amis il avait suivi avec intérêt ses propose. Il bénéficiait de la pleine citoyenneté française du fait du choix de son père Ibrahim en 1865, mais il était tenté de soutenir les jeunes Algériens, tant l’inégalité entre Européens et musulmans le désolait. »
Lila, qui a pourtant épouse un chrétien, penche pour l’indépendance, elle rejoindra le FLN, à la fin du roman, lorsque la guerre d’Algérie bat son plein.
On le voit, les destinées des personnages sont multiples. L’auteur semble choisir comme facteur explicatif du déclenchement du conflit une cause lointaine : l’absence d’application du décret Crémieux à la communauté musulmane, ce qui a créé une dysmétrie entre la communauté juive, bénéficiaire du décret, et la musulmane, restée sous le statut de l’indigénat.
Un roman qui synthétise bien ces vies, mais qui n’ignore pas la grande Histoire. A lire si l’on désire aborder cette période de l’histoire de ce pays sans œillères, mais avec le recul du temps et l’apport de l’historiographie.
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