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Fio Jasmin est un homme à femmes. Il semble séduire les femmes pour surmonter la honte et la peine de ne pas avoir pu jouer le rôle du prince à l’école à cause de sa couleur de peau. Son histoire est ici racontée par les femmes qui l’on connu.
"Comme son père, Maximo Jasmin, il répétait que l’homme, le mâle, n’avait rien à perdre. […] On disait que le jeune aide-machiniste avait quelque chose de dur en lui, d’incassable comme l’acier des chemins de fer."
Très agréablement surpris par ce court roman. J’ai trouvé originale l’idée de faire le portrait d’un homme pas particulièrement féministe, je dirais même très autocentré sur son plaisir et son désir de séduction par des femmes qui l’ont croisé, qui ont partagé des moments plus ou moins longs avec lui. Là où Fio Jasmin croit en son pouvoir masculin, peut-être ne faut-il y voir que celui des femmes à utiliser Fio pour leurs propres désirs. Conceição Evaristo parle de l’homme, de la masculinité, de son rapport aux femmes, à l’amour, à la fidélité. Fio, s’il séduit beaucoup de femmes ne le fait qu’avec leur consentement et elles savent qu’il est marié et père et qu’il ne quittera jamais Pérola Maria sa femme.
L’autrice dans une langue simple, fluide qui coule parfaitement avec beaucoup de tendresse pour tous les personnages, un peu d’humour, de sourires aux lèvres décrit en profondeur et Fio et ses femmes. Leurs vides, leurs besoins de rencontre, de moments de chaleur, leurs désirs. Beaucoup de douceur, pas de rancœur ou de jalousie, ni de rivalité entre les femmes séduites et Pérola Maria ni entre Fio qui a beaucoup de succès féminin et ses amis. Ce sont de vraies belles rencontres qui, souvent se concluent par des enfants que Fio ne connaîtra pas toujours.
Très beau roman, au titre très poétique, qui colle parfaitement au contenu.
Ce jeudi 6 juin est paru aux Éditions des Femmes/Antoinette Fouque le titre de l'autrice brésilienne Conceição Evaristo. Maria da Conceição Evaristo de Brito est l'un des grands noms de la littérature brésilienne contemporaine. Professeur d'université, elle est autrice afro-brésilienne : ce terme désigne les descendants des esclaves d'origine d'Afrique sub-saharienne au Brésil. Elle est l'une des représentantes les plus importantes du postmodernisme (utilisation du métalangage et assemblage de mots pour générer de nouvelles significations) dans son pays. Issue d'une famille nombreuse, et pauvre, ses premiers livres virent le jour dans les années 1990, et c'est d'abord la littérature orale qui lui a donné le goût des mots et des histoires. de par ses origines, Conceição Evaristo a mis du temps à faire reconnaître sa légitimité, les autrices et auteurs de favelas ne rencontrent souvent pas la reconnaissance qu'ils méritent, elle se revendique actuellement comme un écrivain des minorités, sociale, sexuelle, afro-brésilienne, au Brésil.
Conceição Evaristo a écrit ainsi un livre sur un homme, Fio Jasmin, afro-brésilien, qui rêvait d'incarner un prince dans une pièce de théâtre alors qu'il était enfant. Mais qui ne l'a jamais été en raison de sa couleur de peau. Il a ainsi surmonté sa déception en enchaînant, une fois adulte, marié, et père de famille, les liaisons avec toute une pléiade de jeunes femmes. Fio Jasmin est machiniste, en d'autres mots, cheminot. Bien que marié à Párola Maria, avec qui il a 9 enfants, il multiplie les aventures avec les femmes dans chaque village où il passe. Une femme par village et par chapitre. S'il s'agit bien d'un homme, et la façon dont il vit sa masculinité les sujets de ce roman, la parole est aux femmes, à travers la narratrice, qui semble avoir compté parmi l'une de ses maîtresses.
C'est, également, et en grande partie un roman sur l'amour, et sa jouissance, c'est l'autrice qui le dit en préambule. L'histoire d'un homme, qui vit toutes ses histoires d'amour, sous le signe de l'expérience, personnelle de l'autrice, mais de bien d'autres femmes, car l'expérience ne s'arrête pas à soi-même. Flo Jasmin, c'est un personnage masculin qu'elle a cherché à cerner à travers l'expérience de vie de sa femme et de ses nombreuses maîtresses : Juventina, Neide, Pérola Maria, Angelina et Eleonora. Cela sous le signe d'une narratrice dont on ne connaît pas le nom, qui tente de reconstituer la réalité de l'histoire des amours de l'homme avec les récits morcelés, un texte qu'elle présente comme une seconde mouture, et qu'elle nomme Chanson.
Plusieurs femmes, plusieurs amoureuses – notre narratrice y compris – différentes formes d'amour et façons d'aimer, des expériences qui se renouvellent à chaque fois. Ni mauvais, ni bon, Fio Jasmin joue de chacune de ces relations, éphémère ou longue, chaste ou très charnelle, il accumule les enfants avec sa femme, qui de son côté a parfaitement conscience des aventures de l'homme, mais qui se trouve bien dans la position de l'officielle, et enchaîne les enfants avec lui. Un homme infidèle, certes, mais dont chacune des compagnes s'accommode et se satisfait de ce qu'elle peut tirer de la relation, aucune d'elle ne souhaite vraiment un homme à demeure.
Mais les choses ne s'arrêtent pas là. Si la majorité des différents récits composites révèle la façon dont les femmes ont vécu cette relation, laissant peut-être Fio dans le rôle confortable de l'homme un peu irresponsable et profiteur, le récit prend un autre tour avec la dernière femme, Eleonora Distinta de Sà, celle qui révèle les béances du comportement du séducteur. Une remise en question existentielle, le vide qui subsiste en lui, après toutes les relations et malgré chacune d'entre elle, c'est grâce à une autre forme d'amour, avec Eleonora, qui ne peut lui offrir que de l'amitié, étant lesbienne. C'est une réflexion, un constat sur la condition masculine, des exigences attendues d'eux, de la complexité d'agir « en homme », de taire toutes les failles, de ne faire comme si cela n'existait pas. Une conception très caricaturale, démontée par cette chanson, composée de toutes les histoires d'amour de Fio.
On chante la solitude d'un homme qui se cherche dans toutes ses conquêtes, et la confrérie ou la sororité des femmes qui se réunissent et vivent ensemble, des femmes qui peuvent se raconter à travers leurs chansons, et un Fio, comme tant d'autres, qui se taisent et taisent les douleurs. Une chanson comme une berceuse pour consoler les hommes qui pleurent, tous les hommes qui pleurent, qui peuvent enfin extérioriser des signes de faiblesse.
« Banzo », mémoires de la Favela, est une perle rare, un brillant d'humanité !
Edité par AnaCaona Editions, dont il faut souligner la qualité du travail de traduction, de mise en page, d'illustration et de mise en perspective de l'ouvrage, ce roman est dû à la plume de Conceiçao Evaristo, auteure afro-brésilienne, grande voix féministe d'un Brésil qui doit connaître d'où il vient.
Adepte de ce qu'elle nomme « écrit-vie », l'auteur dresse un hommage vibrant à la force de libération qui fait battre le coeur de tout être, même et surtout peut-être, quand il est oppressé.
Banzo est une fiction mémorielle de la vie d'une favela d'un autre temps, emblématique et symbolique de l'histoire de toutes les favelas et de leurs habitants. Avec un talent de conteuse incontestable, Conceiçao Evaristo fait parler Tite-Maria, Négrillonne. Celle-ci observe, engrange tout ce qu'elle voit, tout ce qu'on lui raconte et elle se promet d'un jour écrire, nous écrire, ce que fut la vie de son peuple. Et, tel un puzzle dont l'image ne prend sens qu'à partir des détails que l'on découvre en accolant deux pièces voisines, Tite-Maria va nous ensemencer la vie de tous les souvenirs qu'elle a cueillis en elle et auprès des personnages hauts en couleurs et profonds d'humanité que sont Mémé Rita, Bonté, Onc'Toto, Vieille-Maria, le Nègre Alirio et tant d'autres.
Le propos du livre est dur, quasi politiquement incorrect. Il entend annihiler la pensée colonialiste qui s'est trop souvent drapée de tous les droits, surtout celui de violenter les nègres et de nier leurs droits.
Cette suite de courts souvenirs contés est largement teintée de ‘banzo ‘ (lire : nostalgie mélancolique et mortifère qui accablait si souvent les esclaves noirs arrivés d'Afrique) et de ‘saudade' (lire nostalgie d'une vie à vivre, tendresse pour l'Homme noir - ici, surtout la femme- réhabilité dans sa négritude malgré l'existence au coeur d'un sentiment de ‘manque habité').
Par le talent de conteuse de l'auteure, ces propos sont appelés à parler au plus profond de chacun tant leur portée d'humanité féconde est pertinente en tous lieux et toute époque.
Conceiçao Evaristo est certes une grande voix féministe, elle est aussi une voie à suivre, une voie mémorielle et reconstructive d'un Monde appelés à permettre à tous de vivre ensemble et de se reconnaître frères et soeurs en Humanité.
‘Banzo', un vrai coup de coeur ! N'attendez pas pour le lire…
Petite-fille d'esclave, Poncia, vit pauvrement aux abords d'une plantation avec sa mère et son frère et décide sur un coup de tête de tenter l'aventure à la ville.
Travailleuse, elle ne tarde pas à trouver un emploi qui lui permet d'économiser de quoi faire venir sa mère et son frère car elle est tenaillée par la tristesse d'être séparée des siens, la saudade…
Un magnifique petit roman qui évoque sobrement et avec beaucoup de poésie la discrimination raciale au Brésil, la migration des paysans vers les villes par la voix vibrante d'une femme en quête de son identité et de ses racines.
Le tout dans le très joli écrin des éditions Anacaona !
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