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Roman psychologique addictif, il est porté par la voix d’Estela, une domestique à demeure d’un riche couple chilien depuis 7 ans. Interrogée dans une salle mystérieuse, munie d’un miroir sans tain peut-être dans un poste de police, face à des individus qu’on ne connaît pas, elle nous conte son histoire afin de comprendre la terrible phrase : « La fillette meurt ». Est-elle la responsable ? Que s’est-il vraiment passé ? Ça y est la trame est lancée.
De son enfance dans le Sud du Chili aux conditions économiques difficiles, de son travail auprès de Madame et Monsieur dont leur condescendance en fait une violence quotidienne insidieuse, de l’« invisibilité » de cette employée de maison, de la naissance de Julia à son enfance, chacun des épisodes constitue un des rouages inhérents du drame.
Logée dans une pièce humide en prolongement de la cuisine, le quotidien d’Estela est rythmé par une solitude grandissante au fil des jours, malgré la présence de ses patrons avec qui la communication ne se limite qu’au strict nécessaire.
Evidemment, le lecteur est vite happé par l’histoire et veut comprendre où l’autrice, Alia Trabucco Zerán a décidé de l’emmener. Estela ne manque pas d’interpeller son auditoire et ainsi, le lecteur lui-même, ce qui est parfois déstabilisant. Pouvons-nous se fier à sa seule parole ? Est-elle saine d’esprit ? Tout cela fait monter crescendo le suspens.
J’ai beaucoup aimé la plume de l’autrice, bien que j’aie trouvé la façon de s’exprimer d’Estela un brin trop « parfaite » pour une domestique, qui est à la limite illettrée. Cela ne m’a pas gâché le plaisir de lecture : ce n’est qu’en me rappelant le livre que j’ai fait ce constat.
Ce monologue m’a fait penser à un livre français (dont je tairai le titre, afin de ne pas divulguer certains éléments) paru en 2017, qui remporta plusieurs prix et qui fut adapté au cinéma, dont l’épilogue est révélé dès les premières pages mais également dans la quatrième de couverture.
Dénonçant les inégalités sociales et les rapports de classes ainsi que les parents pressant leur enfant vers l’excellence dans tous les domaines, bien souvent au détriment des petits bonheurs offerts par la vie, ce monologue haletant en fait un roman intense, suffocant et puissant. Cela m’a donné envie de découvrir l’autre roman de cette autrice chilienne, « La soustraction », paru en 2021 aux Editions Actes Sud.
Lu dans le cadre du Grand Prix de Elle
Ce livre est atypique car c’est un long monologue avec des pauses mais sans interactions extérieures. On suppose qu’Estela est interrogée, seule dans une pièce avec une glace sans tain. Elle interpelle parfois ceux qu’elle pense être de l’autre côté.
Estela a quitté sa mère, le sud du Chili et ses conditions de vie difficiles pour venir à Santiago. Elle a trouvé une place de domestique chez un couple aisé dont l’enfant est né huit jours plus tard. Elle est logée dans un réduit au strict minimum donnant sur la cuisine et travaille six jours sur sept. Celà fait maintenant sept ans et malgré ses envies, elle n’est jamais partie ni retournée voir sa mère.
Dès le début, on sait que Julia, la petite comme elle l’appelle, est morte. Pourquoi ? Comment ? C’est ce qu’Estela promet de raconter. Mais en prenant son temps, en relatant sa vie d’avant, les débuts de son travail dans cette famille, elle qui ne s’était jamais occupée d’enfants. Elle s’attache malgré tout à cette enfant douée, dont les parents exigent trop et qui se montre capricieuse, difficile, tyrannique, qui refuse de manger, se ronge les ongles au sang. Une forme de solidarité semble naître entre elles autour d’un chien auquel s’est attachée Estela, mais Julia n’hésitera pas à la trahir.
Ce roman monte en intensité. Petit à petit les choses s’accumulent de part et d’autre formant les étapes qui mèneront au drame.
En dehors de ce cas particulier, on peut se poser la question : Combien d’Estela de part le monde ? Combien de familles ayant la richesse profitent du besoin de travailler des autres, les exploitant sans vergogne.
En lice pour le le Grand Prix des Lectrices Elle 2025 et pour le Prix Femina 2024 et Médicis du roman étranger et Prix du Roman Fnac.
Un roman psychologique, social, domestique et politique. Un récit sous la forme d'un monologue où la narratrice s'adresse à des interlocuteurs avec une grande lucidité, les étapes menant au drame qui bouscula sa vie.
Alia Trabucco Zeran dresse le portrait incisif d'une famille en apparence parfaite, l'autrice nous mènera sur des fausses pistes, Estela raconte son histoire jusqu'au décès de cette petite fille et son arrestation, culpabilité, colère, famille, travail, justice, solitude, mais avec cette intrigue on aborde aussi l'histoire d'une nation et sa société le Chili, luttes des droits du travails. Une narration fluide, on ne peut pas lâcher ce livre qui est fascinant.
"Les enfants choisissent toujours de ressembler à un de leurs parents. Réfléchissez à cela, à la décision lointaine que vous avez prise un jour."
Estela nous apostrophe dès les premières lignes du roman : « La fillette meurt. Allô ? Aucune réaction ? »
Cette narratrice sans pitié invective le lecteur, le malmène tout au long du roman, l’agresse presque, et il devient malgré lui juge de sa confession.
Ce monologue nous amène à remonter aux multiples sources de cette mort. La fillette, c’est la fille de ses patrons chez qui elle loge et fait le ménage depuis sept ans. Les journées sont rythmées par les corvées, les repas et les soins à la petite, une routine de soumission implacable qui la dépossède peu à peu de son propre corps. Dans cette maison bourgeoise qui devient le huis clos du roman, le malaise s’insinue, sans échappatoire, avec une violence sociale tue visible uniquement par condescendance des patrons d’Estela.
Je découvre la littérature chilienne avec cette jeune autrice, Alia Trabucco Zerán. Son analyse des rapports sociaux est percutante. Elle décrit avec psychologie la montée progressive de la rancoeur de son personnage, à l’aide d’un cheminement narratif qui nous amène jusqu’à sa propre enfance, aux racines de la soumission. A la lecture de ce roman on est dérouté, chamboulé, angoissé, et on se met à douter de la narratrice, qui nous entraine dans ses zones d’ombres et de doute. Ce sentiment d’inconfort, voulu par l’autrice, est une réussite.
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