Qu’est-ce qu’on l’aime, le nouveau roman de Carole Fives ! Une femme au téléphone (« L’arbalète », Gallimard) est le quatrième roman de cette jeune romancière discrète à la plume aguerrie. Elle y raconte deux ans de la vie d’une mère à travers les appels téléphoniques qu’elle échange avec sa fille.
Dans le livre, seuls les mots de Charlène sont reportés. Cela tombe assez bien, cette jeune sexagénaire fantasque a l’habitude de faire les questions et les réponses. Elle s’inscrit sur des sites de rencontres, affronte un cancer, tricote puis laisse tomber pour la peinture, s’érige rapidement en nouveau Matisse, et tarabuste de sa solitude son fils et sa fille. Elle change d’avis comme de passion, passant de la gouaille au drame aussi vite qu’une girouette par tempête. C’est la génération 68 qui lit cosmopolitan, écoute du disco et flirte avec insouciance: « Les mecs c’est comme les poissons, il faut les attraper, les ferrer, ensuite tu tires et hop, tu récupères ». Ainsi parle cette femme drôle, fantasque, attachante… et invivable, haïssant ce qu’elle adorait deux pages plus tôt.
Une femme au téléphone est l’histoire d’une relation mère-fille, certes, mais le bavardage primesautier cache tous les silences du désarroi de cette femme atteinte d’un syndrome anxio-dépressif. Les mouvements de son humeur sont comme les notes tumultueuses d’un opéra wagnérien. Elle est drôle, mais tragique, déçue quand elle a aimé et ne donne jamais rien qu’elle ne reprenne ensuite. Un amour déchirant pour la fille dont on n’entendra jamais les mots et que l’absence dans le livre rend bouleversante. Le livre est bref, la densité extrême est resserrée en une centaine de pages. Un condensé d’émotion et de tension psychique.
Roman épistolaire moderne, le téléphone a remplacé la missive dans Une femme au téléphone. On pense forcément à l’un des rares précédents textes dont le téléphone est le protagoniste, La Voix humaine de Cocteau. Adapté l’année de sa publication, 1930, au théâtre, le livre est ensuite devenu une tragédie lyrique sous la musique de Francis Poulenc dix-huit ans plus tard. On espère que Carole Fives, qui écrit déjà pour la jeunesse, mais aussi de la poésie et des essais, aura l’idée d’adapter rapidement le roman pour le théâtre. L’aventure de ce livre, dont la couverture figure un téléphone orange, est déjà bien partie : il est finaliste du Prix RTL-Lire et il est à gagner sur lecteurs.com.
© Karine Papillaud
A noter également :
C’est dimanche et je n’y suis pour rien, le précédent roman de Carole Fives, sort en version poche chez Folio.
Super critique...Merci à Karine....Je commande tout de suite le titre....
J'aimerai mettre des mots sur "parce que c'était elle et parce que c'était moi" ce livre me parle personnellement. Alors je tente de le gagner
Je suis interpellée par ce titre, merci pour la découverte !
Et s'il est à gagner, je veux bien tenter ma chance. Merci beaucoup !
C'est une approche vraiment nouvelle que nous propose cette auteure ...j'avoue que c'est un roman qui me plairait terriblement !!! Je tente ma chance !
Soixante-huitarde, ça me parle, et quand un auteur en parle aussi, j'aime me laisser porter par un brin de nostalgie. Et, la relation mère-fille......!!!!
La couleur vive de la couverture est effectivement attirante. Annonce-t-elle le ton des échanges téléphoniques?
Je suis curieuse de le découvrir.
Pourtant Karine, j'essaie d'être éclectique dans mes lectures, mais j'avoue ne pas connaître cet auteur. Peut-être pourrez vous remédier à cette lacune Amicalement.