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Le nouveau Beigbeder ? Un coup de gueule qui séduit ceux qui l’aiment et ceux qui le détestent

Le nouveau Beigbeder ? Un coup de gueule qui séduit ceux qui l’aiment et ceux qui le détestent

On peut se jeter dessus les yeux grands ouverts : le nouveau Beigbeder est bon, très bon, même. Dans sa langue faite de fulgurances, d’un humour acéré et d’un dandysme assumé, il s’empare du vrai grand sujet contemporain : la fin programmée de l’homo sapiens.

 

Il était une fois un homme qui ne voulait pas vieillir. Un présentateur d’une émission télé « trashissime », où les invités comme l’animateur prennent des drogues non identifiées avant de commencer l’interview. L’émission est à l’image du PAF actuel, décadente comme en produirait une civilisation effondrée, la civilisation du selfie, par exemple, qui « exhibé sur les réseaux sociaux est la nouvelle idéologie de notre temps », raconte précisément Frédéric Beigbeder, l’auteur d’Une vie sans fin (Grasset). Quand les parents du narrateur sont frappés des signes de l’âge, ce dernier promet à sa fille qu’il ne mourra pas. Pour tenir sa promesse, il profite des vacances et l’entraîne dans sa quête-enquête d’immortalité. Ils verront les meilleurs biologistes, connaîtront les techniques les plus en pointe, constateront les dérives les plus effrayantes, comme l’eugénisme ou le clonage.

 

Pour autant, l’essentiel du livre n’est peut-être pas là. En 2009, Frédéric Beigbeder écrivait Un roman français, dans lequel il racontait son enfance dans le contexte du divorce de ses parents et des années post-68. Il lui aura fallu presque dix ans, et un roman consacré à Salinger, son maître (Oona & Salinger), pour écrire son premier roman de père, et peut-être d’adulte.

 

Ce dixième roman de Frédéric Beigbeder est sans doute son premier roman tendre. D’abord, la séduction n’y est pas incarnée par une ou des femmes, mais par une idée, la promesse d’immortalité. Dans Une vie sans fin, le narrateur est un père de famille comblé et très aimant, un mari amoureux et très aimé. Ce voyage d’un père avec sa fille est prétexte à de nombreux dialogues à la Salinger, où la parole de l’enfant, fulgurante poésie toujours juste, malmène l’adulte, l’oblige à la vérité. Frédéric Beigbeder aurait voulu écrire une déclaration d’amour à sa fille aînée qu’il ne s’y serait pas pris autrement. C’est aussi par l’enfant qui à dix ans bascule dans l’adolescence, que les vraies questions sur le devenir de l’homme se posent, à commencer par la spiritualité, la question de la foi. Puisque il est celui qui, depuis quelques millénaires promet  l’immortalité, Dieu fait évidemment partie du livre. A l’instar de la littérature, son alter ego laïque, le seul vrai grand sujet de tout écrivain.

 

Dans La possibilité d'une île, en 2005, Houellebecq imaginait la fin de l’homo sapiens. Une vie sans fin reprend, en partant des sciences et des avancées de la biologie contemporaine, la réflexion qu’il entamait pour questionner ce qu’est l’homme, et ce que deviennent les liens interindividuels dans une société hyper connectée, où la solitude n’a jamais été aussi épaisse. Cela vous semble trop sérieux ? C’est sans compter sur l’esprit de dérision, l’élégance pudique d’un auteur qui a toujours peur d’ennuyer son lecteur. Il a vraiment bien travaillé, Frédéric Beigbeder, son roman est un énorme coup de gueule face à une époque devenue folle. Il fait rire, attendrit, captive, effraie, se dévore et donne à penser, beaucoup. Cela s’appelle un grand livre. A essayer, d’urgence.

 

A lire aussi, l'interview de Frédéric Beigbeder pour "Une vie sans fin"

 

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