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Ces cinq histoires de femmes viennoises sont autant de récits d'exil. Un grand livre sur le désespoir et la force féminins. Dans ce recueil, Ingeborg Bachmann brosse le portrait de cinq femmes en décalage avec la réalité. Récits de solitude, d'exil et d'abandon, ces nouvelles sont avant tout dédiées
aux stratégies de survie de celles qu'on empêche de construire leur identité. Loin de tout féminisme primaire, Ingeborg Bachmann n'épargne pas les femmes elles-mêmes dans sa description lucide de certains processus d'aliénation. "Traduction simultanée" retrace l'histoire d'une interprète de conférence déchirée entre les nombreuses langues qu'elle maîtrise : loin d'être un atout, sa compétence linguistique devient pour elle un handicap, et elle se prend à rêver d'une langue unique. Beatrix, l'héroïne de "Problèmes, problèmes", ne s'intéresse fondamentalement qu'à une chose : elle-même. Au fil des jours, non sans lassitude, elle prend soin de son apparence physique. Le seul endroit vital pour elle est le salon de coiffure de René, temple de la beauté où elle laisse libre cours à son narcissisme. "Les yeux du bonheur" sont ceux de Miranda, astigmate, qui oublie ou perd étrangement ses lunettes afin de ne pas "tout voir". Cela lui permet d'adapter la réalité - vue de façon déformée et partielle - à son propre univers.
Dans "Aboiements", on fait la connaissance d'une vieille dame, Mme Jordan, délaissée par son fils, un célèbre psychiatre. Malgré tout le mal qu'il lui fait, il est idolâtré par sa mère, une irréductible championne de l'abnégation.
La nouvelle, enfin, qui donne au recueil son titre, raconte le retour d'Elisabeth au pays. Photographe et journaliste internationale couvrant les guerres et habituée aux pires horreurs, elle ne se sent nulle part "chez elle"", et aucun des trois sentiers vers le lac de son enfance ne semble être le bon.
Ecrites dans un style à la fois fluide et déroutant, ces histoires non dénuées d'humour noir mettent en évidence le décalage entre les pensées secrètes des héroïnes et leur environnement, elles évoquent la difficulté d'être soi dans un univers opaque.
Contrairement à ses héroïnes qui s'empêtrent dans le langage, Ingeborg Bachmann joue magistralement avec les mots pour mieux faire ressortir la déroutante absurdité du monde.
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