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Voici le troisième roman dessiné de Dany Laferrière chez Grasset. Après « Autoportrait de Paris avec chat » et « L'exil vaut le voyage », « Sur la route avec Bashô » suit la méthode nonchalante et néanmoins réfléchie de Bashô, le moine-poète japonais du XVIIe siècle, une des inspirations constantes de l'auteur (qui comme on sait est un écrivain japonais). Le narrateur de cette histoire parcourt le monde d'aujourd'hui, de l'Amérique au Japon en le prenant par surprise. Qui se méfierait d'un rêveur ? Il ne rêve pas du tout. Il admire (les femmes écrivains qu'il lit, de Jean Rhys à Zora Neale Hurston). Il se remémore (les divinités vaudoues). Il éprouve de l'affection (envers une de ses voisines alors qu'il séjourne à New York). Des dessins stylisés parcourent le texte, qui sont peut-être la rêverie de ce narrateur « dans ce monde sans pitié ». Voyageant dans le monde contemporain, il ne peut que constater que la menace est partout. Dessinant ce qu'il voit, le narrateur écrit aussi des mots. Et par exemple ceux-ci : « Black lives matter ». « Un nègre est un homme et tout homme est un nègre », a-t-il dit au début de sa pérégrination. Nègres sont donc les manifestants de Hong Kong qu'il voit réclamer la liberté. Pourtant, son intention n'est pas de changer le monde, nous dit-il, « simplement d'y vivre ». Et l'on comprend alors que, comme le disait Pavese, c'est un métier de vivre.
Heureusement, il y a la littérature, le jazz, les femmes élégantes, les cafés et les fleurs. Il y a encore des rayons de soleil.
C'est un étrange voyage que nous propose Dany Laferrière avec ce roman dessiné, entre le japon de Bashô et l’Amérique, entre New-York et Berlin, Québec et Port-au-Prince. Aller de poésie en dessins, de paroles en cris, de questions ou affirmations. Tout à fait le genre de livre que l'on pose sur la table du salon pour le reprendre régulièrement, en lire quelques mots, quelques textes, écouter les questionnements sur l'homme, le racisme, la vie, les villes et les habitants croisés lors des pérégrinations de l'auteur.
C'est à la fois un touche-à-tout étonnant et une continuité dans les couleurs vives et joyeuses pour la plupart, les mélanges, les voyages, les citations, les phrases posées là, comme par hasard, au fil des dessins qui les représentent. Et surtout, sans en avoir l'air, une façon de poser des mots sur la réalité du monde qui l'entoure, qui nous entoure, et y poser surtout un regard neuf, surpris, bouleversé ou parfois même attendri, par une voisine, un enfant, un paysage.
Et ces phrases si étonnantes !
"Le pyjama intimide toujours les actifs" (ah, est-ce toujours vrai après deux ans de confinement/télétravail!) est-ce vrai aussi pour un écrivain en pyjma?
"Revoir la même chose sous un nouvel angle" et si c'était cela justement que nous propose Dany Laferrière ?
Dany Laferrière est de retour cet automne avec un ouvrage illustré comme son prédécesseur de 2020, L’exil vaut le voyage. Sur la route avec Bashô publié aux éditions Grasset a de quoi ravir le cœur et les yeux des adeptes de l’académicien canado-haïtien.
Quel est le rapport entre Dany Laferrière, écrivain du XXIe siècle et Matsuo Bashô, poète japonais du XVIIe siècle ? A en croire l’auteur, leur insularité avant toute chose, mais également ce goût de l’observation et ce désir véhément de prendre part au monde. Ce lien à la fois surprenant et évident prend forme dans ce nouvel ouvrage où monde moderne, pensées philosophiques et haïkus se meuvent au rythme des illustrations.
C’est une véritable invitation au voyage que Dany Laferrière propose à son lecteur avec ce livre. Il condense l’indubitable engagement de l’auteur contre le racisme et l’amour qu’il porte à ses racines haïtiennes. D’une page à l’autre, on retrouve l’illustration des affrontements entre les manifestants anti-racisme et les forces de l’ordre à Portland en juillet 2020, des vévés (symboles vaudous), ou encore les portraits d’illustres personnages comme Zora Neale Hurston ou Jean Rhys. Un agrégat subtil aux feutres Stabilo qui dénote avec la gravité de certains éléments. Dany Laferrière se fond dans un mélange des genres, tantôt empreint d’une certaine contemporanéité dans les courbes, tantôt inspiré d’art primitif dans la couleur et les personnages.
Dans ce joyeux mélange, on retrouve indubitablement Matsuo Bashô et son naturel à contempler le paysage. Les citations choisies illustrent parfaitement l’évidence mutuelle d’une envie, sinon d’un besoin de vivre l’instant présent dans toute sa force. La temporalité en devient presque obsolète tant rien ne suit une chronologie prédéfinie si ce n’est celle des saisons. Thème particulièrement important dans le haïku japonais classique dont Bashô est le père.
Bien que surprenante au départ, l’association des deux hommes fascine, intrigue, questionne mais ne remet jamais en doute ce talent rare à raconter sous forme courte ce goût prononcé pour l’existence.
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