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Carmelo Bene a eu un rôle primordial dans le renouvellement du théâtre italien depuis 1958. Ses pièces ont changé les données du théâtre actuel, dans le jeu de l'acteur comme dans la mise en scène : variation continue de la voix (direct, micro et play-back), nouvel emploi des couleurs et de la lumière, invention d'une unité geste-texte, rôle des indications scéniques intérieures à la pièce, et qui la multiplient. Son oeuvre de cinéma n'est pas moins importante.
La critique littéraire s'est toujours efforcée de voir dans les tragédies historiques de Shakespeare, la lutte pour la couronne d'Angleterre. Qu'il s'agisse de Richard II, d'Henry IV, d'Henry V, d'Henry VI, ou de Richard III, on a toujours insisté sur le fait que toutes ces oeuvres commencent par la lutte pour conquérir le pouvoir ou renforcer un trône et toutes s'achèvent avec la mort du roi. De plus, ces essais critiques ont toujours fait allusion à l'énorme liste des personnages, et notamment dans Richard III, pour exprimer la matière historique qui a servi à Shakespeare.
C'est pourquoi on est un peu surpris, à la lecture du Richard III de Carmelo Bene, de voir que tout le système royal a disparu, que les seuls personnages conservés sont Richard III et les femmes. De plus, la pièce ne s'achève pas dans la mort mais au contraire dans la constitution d'un personnage, celui de Richard III.
Cette amputation de l'oeuvre de Shakespeare est ce qui fait l'originalité de la pièce de Carmelo Bene.
En effet, écrit Gilles Deleuze, " il ne s'agit pas de critiquer Shakespeare, ni d'un théâtre dans le théâtre, ni d'une nouvelle version de la pièce » mais d'un « théâtre-expérimentation qui comporte plus d'amour pour Shakespeare que tous les commentaires ». « En opérant la soustraction des personnages du Pouvoir ou d"État » poursuit Deleuze, Carmelo Bene « va donc donner libre cours à la constitution de l'homme de guerre sur scène, avec ses prothèses, ses difformités, ses excroissances, ses malfaçons, ses variations (...). Il se constituera un peu comme Mr Hyde, avec des couleurs, des bruits, des choses. » La pièce de Carmelo Bene est le point de départ d'une analyse politique du théâtre. Un manifeste de moins étudie en effet le théâtre selon les notions de mineur et de majeur qui avaient été définies dans Kafka, c'est-à-dire selon la notion de pouvoir. Le théâtre de Carmelo Bene aurait selon Gilles Deleuze les caractéristiques du théâtre mineur : soumis à beaucoup de pouvoir, il n'est justement pas une forme de pouvoir : « Ce serait l'autorité d'une variation perpétuelle par opposition au pouvoir ou au despotisme de l'invariant. » Tout comme l'oeuvre de Kafka a fait l'objet d'une lutte pour une littérature mineure, Richard III de Carmelo Bene est l'origine d'une réflexion pour un théâtre mineur.
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