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Un homme seul, envahi par les mots, rencontre une femme, un soir, dans un kebab.
Ce récit dresse le portrait d'un homme et d'une femme issus de l'immigration, mais aussi celui d'une génération qui refuse les héritages et les appartenances caducs. C'est dépouillés de tout, fragiles et nus qu'ils décident de vivre et d'opérer leur révolution, « à la Tupac, à l'Albertine, à la Rimbaud ».
« Liberté, Égalité, Fraternité ?
Non.
Salade, tomate, oignons. »
Ce livre est une chance de lecture. On ne lit plus. On est face à Jean-Christophe Folly. On écoute et la vie encercle soudainement ses paroles. Monologue puissant, intime, l’écorce rebelle ou assignée au silence. « Salade, tomate, oignons » « Portrait d’Amakoé de Souza » est un symbole, une quête. La grotte matrice qui acclame l’épiphanie verbale. Il est ici, l’homme en errance vers l’accueil blé, refuge ancestral, l’exilé qui conte ses douleurs, plaintes sable, le sanglant d’un rejet, l’étrange (er). Un pas après l’autre, le regard altier, la magnanimité ne dévoile pas son aura. Il lui faut vaincre les pièges, les difficultés, les frontières sur son dos, le poids lourd d’une vie de combattant. Ce texte beau à pleurer est l’acclamation des lumières, le contre-feu, l’arrivée d’un homme qu’on aime de toutes nos forces. Un homme épris de certitudes : les siennes.
« J’aurai pu, seul, éduqué au parfum de l’horreur, j’aurais pu bifurquer, oui c’est ça, bifurquer, faire de ma droite ma gauche et de ma gauche ma droite, aux intersections prendre un peu d’allure. »
La fraternité endormie. Anonyme, apatride, l’ombre seule au rendez-vous des langages lianes. Ce texte est d’une rare amplitude.
« Non, je parle des retrouvailles qui se déchirent comme un crachat sur les ronces… Je parle d’un lac où de nager nu sous la lune n’a rien de moderne mais plus à voir avec l’antan, plus à voir avec l’éternité. »
Jean-Christophe Folly modèle son texte, glaise boréale. On tremble sous cette force intrinsèque, cet appel d’air et,
« Quand on marche côte à côte rien ne peut nous arriver. »
Clair de lune, flamme et exutoire, la dignité souveraine des paroles chapelles signent : « le tampon du destin ».
Cri dans la nuit noire, tempête de sable et de cruauté, ce texte inaugural, poétique, litanie est un flambeau dans le sombre des jours.
Dans la deuxième partie de ce livre intime et grave, il y a l’urgence de la parole. Une rencontre entre un homme et une femme, dans un Kebab. Les alphabets tristes, les défaites et les méprises, les vérités et leurs souffrances. Ici, pas de fable, de rires glorieux, de berceuses douces. Mais des sanglots amers, l’immigration manteau gorgé de pluie, l’amertume des exclus. Les survivances épellent leurs noms. Ce texte transpire et souffre. Il est puissant, manichéen car magnifique malgré les douleurs entendues et ressenties. Lisez les amis :
« Parce qu’à force d’avoir le cœur gercé, on ose plus sourire.
Mais j’ai dit viens on sourit quand même.
Viens on fait éclater le rouge, le cœur qu’éclate.
Un grand sourire.
Viens.
On s’en va ?
À la Tupac, à l’Albertine, à la Rimbaud.
On y va ? »
L’écho, La voix des intériorités, celle qui rassemble les dires au fronton des injustices est lucide et majestueuse malgré son chant triste. Les certitudes actent les preuves des résistances.
« Il y a peu de taches en forme de trèfle sur les genoux des enfants qui tombent à force de courir. »
Crucial, une urgence de lecture. Un acte citoyen. Publié par les Éditions L’Ire des marges. En lice pour le prix Hors Concours 2021.
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