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La décennie révolutionnaire fut le théâtre d'un conflit politico-religieux passionné dont l'histoire ne retint souvent que les outrances, celles de prêtres pourchassés, refugiés dans la clandestinité, massacrés, d'églises vandalisées et d'un catholicisme malmené et banni. S'il est impossible de nier ces excès, la question religieuse est bien trop ambiguë pour porter un jugement tranché et hâtif, qui fatalement conduirait au contresens, en amalgamant antireligion et anticléricalisme. En effet, un gouffre opposa frontalement le fanatisme de quelques déchristianisateurs de ceux, majoritaires, qui dénonçaient déjà les conséquences néfastes de l'intrusion du clergé aussi bien dans le domaine public que privé. A dessein, leurs buts, leurs actions n'avaient d'objectif qu'encadrer l'influence et la puissance cléricales. Reste qu'ils furent, plus souvent qu'à leur tour, assimilés à de farouches antireligieux alors que la plupart ne visaient qu'à endiguer le cléricalisme. En un rien de temps, comme un fétu de paille, une partie du clergé et de la société s'enflammèrent, la crise religieuse, devenue un enjeu crucial et dramatique de la Révolution, atteignit un point de non-retour.
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Avec les massacres de septembre, avec la confiscation des biens de l’Église sur une idée de Talleyrand et j’en oublie, la Révolution française passe régulièrement pour être anticléricale, contre le dogme religieux catholique, contre toutes les religions, ce qu’elle est assurément. Cependant, lorsque l’on s’attarde un peu plus sur les détails on se rend très vite compte que la réalité est plus nuancée et compliquée qu’il n’y paraît. En effet, ce livre va nous faire comprendre que l’anticléricalisme n’est pas de l’athéisme, que l’époque ne raisonne pas d’une seule voix, et qu'elle n’est ni non plus entièrement détournée de dieu ou d’un quelconque être omnipotent : le culte de l’Être Suprême en est l’exemple. Bref, toutes ces visions qui se sont opposées, toutes ces avancées et tous ces recules qui ont donné lieu à des lois ou à des actions contraires - et ont même fini par perdre et lasser la population -, ce livre nous invite à y plonger.
Mais avant cela, ce livre va faire un petit point sur l’époque en nous rappelant que le siècle de la Révolution française est aussi le siècle des Lumières ; courant philosophique qui se fonde sur la raison pour lutter contre l’obscurantisme et l’intolérance. Voltaire avec l’affaire Calas ou encore Turgot qui veut effacer du discours du sacre l’extermination de l’hérésie, en sont des grands exemples. Ce courant philosophique ne brille bien sûr pas d’une et seule lumière, les idées s’opposent entièrement ou partiellement, toutefois cela est suffisant pour remettre en cause la primauté de l’Église sur les esprits et les corps.
A côté de cela, Christine Le Bozec va nous décrire un tableau de l’Église qui va nous indiquer que cette dernière n’est jamais mieux attaquée que par elle-même. En effet, son pouvoir et son utilisation, sont eux-mêmes remis en cause par les ultramontains, les gallicans, les jésuites, les protestants, les jansénistes, le bas clergé condamné à stationner dans les échelons inférieurs de la hiérarchie ecclésiastique car le népotisme demeure une réalité de l'Église. Si la base reste solide - soyons honnête le Vatican n’est pas condamné à disparaître -, les dissensions idéologiques font pourtant leurs chemins et gagnent le cœur de la population comme l’indique par exemple l’affaire du diacre Pâris. (Légèrement antérieure à la Révolution française cette dernière indique déjà une population qui se moque de l’Église et de la monarchie.) Population qui critique à son tour, le comportement des hommes de dieu, sa promiscuité avec le trône, son enseignement jugé arriéré et insuffisant. Bref. Comme on le voit l’époque souhaite du changement, et devient un terreau fertile à la contestation. La Révolution aidant, l’heure du règlement de compte semble avoir sonnée...
Mais là encore, les dissensions vont y aller bon train. L’historienne va en effet nous indiquer qu’il n’y a pas une idée, une action en accord avec une autre, et parfois dans le même laps de temps. Les ordres établis par la loi trouvant parfois des opposants. On l’aura compris, la manière de procéder au règlement de compte ne fait pas l'unanimité. Pour autant, il y a des lois et des débats dans cette période troublée. Des lois et des débats qui vont donner lieu à toutes les exactions, ainsi qu’à d'innombrables tentatives de réformes qui pencheront tantôt pour la réconciliation ou tantôt exacerberont le rejet de la religion, et tout cela dans un laps de temps parfois court.
Les exactions, les massacres, les prêtres arrêtés, d’autres exilés, je ne vais pas revenir dessus on les connaît ; par contre pour les réformes c’est incroyable tout ce qui a pu être entrepris. La période a été tellement riche que je n'en ferai d'ailleurs pas de résumé. Pour autant, grâce à cela on peut se faire une idée de la passion que suscite le discours religieux avec l'année 1797, où dans un temps assez court on va trouver quasiment tous les antagonistes. Cette année-là Camille Jordan désir rétablir la liberté de conscience et du culte, ainsi que l’abandon de tous les serments, il obtient gain de cause malgré les oppositions comme celle de Boulay de la Meurthe. Mais tout cela est vite balayé par le coup d’état du 4 septembre 1797 où la répression, la déportation, l’épuration et le durcissement de la législation viennent clore les tentatives de réconciliation entreprises auparavant. (Et je précise à toute fin utile que ceci ne concerne pas que les ecclésiastiques, mais également les opposants politiques ou encore les journalistes.)
« Dès le lendemain, la loi du 25 octobre 1795 était rétablie, abrogeant celle du 24 août 1797 qui venait juste de l’invalider. Ainsi, sous peine de mort ou de déportation les prêtres « déportables » en Guyane devraient quitter la France dans les quinze jours, sort réservé à n’importe quel ecclésiastique en cas de trouble de l’ordre public. Le serment du 29 septembre 1795 qui devait être rétabli fut toutefois immédiatement remplacé par : « Je jure haine à la royauté et à l’anarchie et je promets attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l’an III. » » p.125
Tout ceci, nous montre donc que la question religieuse malgré l’instabilité politique, la Terreur, les tentatives d’invasion aux frontières, la peur du retour à la monarchie, est extrêmement importante et que l’époque n’est pas encore prête pour l’athéisme contrairement à ce que l'on pourrait penser, et ce même si l’idée fait son chemin. En effet, malgré le dégoût qu’elle peut apporter, la religion catholique ou toute autre forme de spiritualité comme le culte de l’Être Suprême en passant par le théophilanthropisme, les hommes de l’époque reconnaissent l’utilité d’un soutien moral qui servirait également de régulateur social. Sans oublier l’intérêt qu’il y a de compter le temps, et de fédérer autour d’un monarque ou d’une idéologie religieuse un peuple afin qu’il reste uni (Napoléon l’a bien compris). Même si évidemment ces idées ne seront pas toutes suivies d’un franc succès, le décadi va énormément déplaire par exemple, le Concordat réserve lui aussi des mauvaises surprises à l’Église. Cependant il a été amusant de noter que la laïcité déjà ancienne dans l’idée - certains la date de la Bible, d’autres encore de la Réforme grégorienne -, se dessine encore davantage lors de cette période, notamment lors du décret de ventôse (21 février 1795) où l’État affirme déjà sa séparation d’avec l’Église et sa neutralité, tout en posant un cadre strict à la pratique religieuse.
Finalement et pour résumer, en lisant ce livre on remarque vraiment à quel point la question spirituelle est importante pour la société de l’époque, et à quel point personne ne songe réellement à supprimer un soutien moral. La réformer en est d’abord l’idée, lorsque l’on a compris cela, s’éloigne alors l’idée d’une Révolution seulement athée. Et que nous sommes beaucoup à voir comme telle.
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