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"Etre ensemble, c'est tout ce qui compte" : voilà la devise d'Aïta, de sa femme Ama et de leur famille de républicains basques. En 1936, le franquisme les contraint à l'exil : d'Irun aux Landes françaises en passant par Hendaye. Dans son journal, Ama raconte les rires, l'amour, mais aussi la souffrance et la peur causées par les activités clandestines des oncles de son mari, la présence des Allemands en cette année 1939, la fuite.
Car il faut toujours partir. Loin de la guerre et des souvenirs, pour survivre, et vivre dans le présent.
Le livre est découpé par courts chapitres permettant de faire des pauses ou de lire quelques pages le soir avant de s’endormir. Une double narration rythme le roman, avec d’une part l’exil en France pour fuir la guerre teintée nostalgie sur leur Pays Basque natal, et les pages du carnet intime d’Ama.
D’une écriture délicate et légère, Léonor de Récondo nous propose le récit d’un exil forcé, un portrait d’une famille qui ne peut plus retourner chez elle et qui doit grandir de l’autre côté de la frontière. L’auteur laisse la part belle aux trois enfants qui grandissent dans leur nouvel environnement, Otzan l’aîné, poète et musicien, Zantzu, curieux, en quête de connaissance voulant comprendre les choses et les événements qui l’entourent, et Iduri, le rêveur et charmeur au coup de crayon maîtrisé.
Ce qui irradie de ce magnifique roman c’est l’extraordinaire amour qui enveloppe cette famille. Un amour qui fait du bien. Une belle lecture.
Il ne reste plus que quelques jours de travail avant qu'Aïta aille rejoindre son épouse Ama et leurs trois fils en vacances à Irun. Des retrouvailles qu'Ama attend elle aussi avec impatience tant ces deux-là s'aiment et ont du mal à être séparés trop longtemps. Mais dans cette Espagne qui commence à être secouée par la guerre, ces vacances rêvées marqueront le début d'une nouvelle vie faite de fuites et de reconstruction. Quand les activités des frères d'Ama deviennent une menace trop prégnante, toute la famille comprend qu'elle doit fuir. Il faut vite traverser la frontière pour trouver refuge à Hendaye - chez une bonne âme prête à les laisser occuper une partie de sa maison - sans même pouvoir prévenir Aïta. Mais le mari et père aura vite fait de retrouver sa famille pour commencer ensemble cette vie qui n'est plus tout à fait la leur mais dans laquelle il va falloir réussir à se faire une place. Avec toujours au cœur, l'espoir de retrouver bientôt l'Espagne natale. Mais nous sommes en 1936 et la guerre ne fait que commencer.
Et de départ, il y en aura encore parce qu'Aïta s'éteint à l'usine où ses mains ont perdu leur légèreté et leur douceur depuis que les armes ont remplacé, sous ses doigts, la terre à modeler. A la faveur d'une proposition bienveillante, toute la famille reprend le peu qu'il a réussi à ériger pour s'installer dans une ferme landaise. Ama a l'impression d'avoir à nouveau tout à reconstruire, Aïta l'espoir d'un renouveau plus lumineux mais « être ensemble, c'est tout ce qui compte. »
Dans une langue où affleure sans cesse la poésie et une forme de douceur enveloppante, Léonor de Récondo raconte l'exil - cette fuite qui s'impose et la perte ineffable de ce qui constitue une identité : les couleurs et les odeurs d'un pays, une langue dont Aïta et Ama gardent une trace qui ici les désigne toujours comme les étrangers. Une langue natale qui habite aussi toujours Iduri, Otzan et Zantzu, les trois enfants du couple, se mêlant à la nouvelle. Ces trois-là apprivoisent la bête protéiforme qu'est l'exil et qui forge leurs caractères. Un livre doux qui dit le déchirement mais aussi l'amour indéfectible qui aide à tout affronter.
"Être ensemble, c'est tout ce qui compte"
C'est la devise de cette famille de républicains basques espagnols dont "Rêves oubliés" raconte l'histoire. C'est avec bonheur que j'ai retrouvé Leonor de Recondo et son écriture délicate et pudique. Elle s'est réapproprié sa propre histoire familiale du côté paternel avec ce roman. Elle narre comment cette famille composée de trois générations, les grands-parents, les parents et les oncles activistes, et les trois enfants va faire face à un déracinement qu'ils avaient cru temporaire mais qui se révélera un exil définitif puisqu'obligés de fuir l'Espagne avec l'arrivée de Franco au pouvoir, d'Irun à Hendaye ils arriveront dans les Landes près de Dax où ils s'installeront dans une ferme. De 1936 à 1949 à petites touches sans un mot de trop elle dépeint le quotidien difficile, l'adaptation forcée, l'apprentissage de la langue pour les enfants, la déchéance sociale, l'abandon progressif de l'espoir de retour au pays, la transformation des corps par la rudesse de leur vie... Dans la narration viennent s'intercaler des pages du journal intime de la mère où elle consigne ses espoirs, ses peurs, ses secrets, et un beau portrait de femme se dessine... Malgré la tension due à la guerre qui a éclaté, la peur toujours présente, l'amour inconditionnel qui lie la famille, leur volonté extraordinaire de célébrer la vie jour après jour donne au roman une atmosphère particulière. C'est une famille basque espagnole pendant la seconde guerre mondiale mais ce pourrait être n'importe quelle famille d'exilés maintenant, la douleur de l'exil et du déracinement est la même quels que soient le pays ou l'époque...
J'ai découvert Léonor de Recondo avec son merveilleux Amours qui m'avait envoûtée, souvenez-vous… J'ai ensuite eu la chance de la rencontrer à Livres Paris, où j'ai pu échanger quelques paroles avec elle. Léonor est à l'image d'Amours, belle, douce et passionnée. Elle m'a présenté ces deux autres romans sortis en poche Pietra Viva et Rêves oubliés. En parlant de Rêves oubliés, elle a évoqué ses grands-parents et leur histoire. J'ai été très touchée et j'ai donc choisi ce roman pour continuer ma découverte. J'ai ensuite mis ce livre de côté, peut-être pour avoir encore le bonheur de me dire que je ne l'avais pas encore lu… J'ai fini par m'y plonger, je vous raconte.
L'histoire commence au pays basque, côté espagnol, en 1936, les franquistes s'emparent peu à peu du pays. Aïta rentre précipitamment chez lui à Irùn, il sait que les frères d'Ama, sa femme sont activistes. Il trouve la maison vide. Et un gâteau de riz abandonné sur la table de la cuisine. Par la voisine, il apprendra que sa famille (sa femme, ses fils, ses beaux-parents et ses beaux-frères) a traversé le fleuve Bidassoa et trouvé refuge à Hendaye. En les rejoignant en France, cela sonne le début d'une nouvelle vie. Certains seront arrêtés. Alors d'Hendaye, ils finiront par aller vivre à la campagne, dans une ferme à l'écart.
"Vous êtes sur mon coeur. Être ensemble, c'est tout ce qui compte."
Dès son départ d'Irùn, Ama écrit. Elle profite des moments où la maison est calme. Dans son petit carnet, elle se confie. Pour se souvenir, ne surtout pas oublier. Ses écrits sont des intervalles dans le récit. Elle s'y livre tout entière, pour survivre. Dans ce carnet, elle raconte ses états de femme, de mère, de soeur.
"Le temps se fige, je respire à peine. Un minuscule filet d'air me permet de survivre sans réfléchir, me permet simplement d'être. Puis arrivent les enfants, les grands-parents, les cousins. Et le temps reprend son cours."
Rêves oubliés, c'est l'histoire d'une famille. C'est l'histoire de réfugiés qui ont tout laissé derrière eux, tous leurs souvenirs, tous leurs rêves, leurs ambitions pour rester en vie. Mais c'est aussi et surtout une histoire d'amour. Une histoire de l'amour et de sa force qui nous pousse pour choisir la vie, quoiqu'il advienne. Aimer permet de mieux supporter. L'amour est le pilier, le repère pour se soutenir, se protéger, et pour vivre. Pour revivre.
"Oublions cela et rappelons-nous uniquement la chaleur qui circulait entre nous tous aujourd'hui. Les regards brillaient, les bouches s'enivraient. Malgré ces temps orageux et glacials, nous sommes toujours là, ensemble."
Retrouver la plume de Léonor de Recondo est un vrai bonheur. de son écriture délicate et musicale, elle nous entraîne dans l'intimité de cette famille unie. Une nouvelle fois, elle nous raconte au présent. Cela rend tout plus fort, plus proche. Les émotions s'écoulent à chaque phrase, à chaque mot. Tout en sensibilité et en tendresse. On ressent tellement la douceur de l'écrivaine, et la délicatesse de la musicienne. C'est sublime.
"L'enfant, le regard plongé dans l'étendue blanche, s'exile à l'intérieur de lui-même. La feuille devient le tapis volant des contes murmurés par Ama le soir. Il n'a plus à se cramponner à son lit pour éviter d'être emporté par les monstres nocturnes. Maintenant qu'il a percé le secret de l'envol, il part loin de sa peur, loin du grand océan de ténèbres."
Rêves oubliés est le livre de ces rêves qui traversent un fleuve pour revivre*. C'est un roman qui redonne espoir et envie de croire en la vie. Si vous n'avez jamais lu Léonor de Récondo, n'hésitez plus. Pour ma part, je suis conquise, amoureuse de cette plume qui transmet tellement d'émotions et d'amour, et de l'espoir, beaucoup d'espoir aussi.
*extrait de la dédicace de Léonor de Recondo dans mon exemplaire
https://ellemlireblog.wordpress.com/2018/10/04/reves-oublies-leonor-de-recondo/
Cela fait un moment que je ne me suis pas laissée emportée ainsi par une lecture. Le roman est court et va à l'essentiel. Léonor de Récondo sait plonger son lecteur dans son récit, sans détours, et rendre ses personnages attachants. Je l'ai découverte il y a peu avec Point Cardinal que j'avais beaucoup apprécié. Mais ici, je peux dire que c'est un coup de cœur.
La langue de Léonor de Récondo contribue également à faire de ce récit quelque chose de précieux. Les mots sont précis et poétiques, plein de douceur et de tendresse. Les personnages sont lumineux, malgré ce que vit le pays en ces temps de guerre. L'histoire est pleine d'espoir et de chaleur humaine. Un bijou.
« Etre ensemble, c’est tout ce qui compte »
Voilà le leitmotiv de cette famille espagnole contrainte à l’exil en 1936.
Que les temps sont durs, que la situation est difficile, mais que sont forts et tendres les liens qui unissent cette famille : les parents ; les trois enfants, les grands-parents, les frères et les cousins….. tous réfugiés en France, à Hendaye, puis dans les Landes.
La force de leur amour et de leur union adoucit les affres de la dictature et de la guerre.
Et de la belle écriture de Léonor de Recondo ; c’est toute cette douceur familiale qui émane. Plus forte que tout.
Une perception très intime et douloureuse de la condition des émigrés, vue par plusieurs membres de la famille et renforcée par le carnet intime d’Ama.
Douceur, pudeur et retenue face à l’injustice et à la barbarie rythment les pages de cette belle histoire.
L’exil de républicains espagnols réfugiés en France. L’espoir de retourner chez eux s’amenuise au fil des mois et des années, peu à peu ils doivent se résoudre à rester sur cette terre d’accueil, leur nouvelle vie s’organise…Un livre très court et plein d’émotions. « Nous sommes ici depuis de si nombreux mois et je réalise seulement au soir de cette triste journée que nous avons vécu uniquement dans l’espoir du retour. Ce rêve a lentement embrumé nos esprits, et maintenant la réalité nous frappe de plein fouet, fermant brutalement les frontières. Tant que le dictateur sera au pouvoir, nous ne pourrons pas revenir, nous le savons. Je ressens une blessure vive, une blessure de chair indescriptible, l’amour d’une terre, de ses odeurs, de ses rires, de sa langue que je perds irrémédiablement. J’y laisse mon insouciance, une légèreté de l’âme qui depuis trois ans s’est plombée de silences et de faux espoirs. » (extrait du journal d’Ama)
« Etre ensemble, c’est tout ce qui compte. » Cette phrase est le leitmotiv de ce très beau livre.
L’arrivée du franquisme en Espagne oblige Ama et les siens à quitter leur confort bourgeois pour un exil de l’autre côté de la Bidassoa, à Hendaye. La seconde guerre mondiale les enfonce un peu plus sur le sol français et ils s’installent dans une ferme les Landes. De servie, Ama devient la servante des autres. Aïta devenu métayer, cultive la terre qu’il aime tant travailler qui lui permet de nourrir sa famille. Ils ont vécu tout cela chacun de leur côté. Surtout ne pas alarmer l’autre, rester unis. Aïta garde pour lui ses soucis, ses peurs. Ama les écrit dans un cahier qui la suit partout jusqu’au jour où… Ce cahier est sa soupape, un souffle absolument indispensable pour ne pas tomber comme lorsqu’elle découvre sa grossesse et ce qu’il adviendra. Ils ont chacun leur béquille à elle le cahier, à lui le travail de la terre.
Etre ensemble pour supporter le déracinement, pour supporter la peur, pour supporter le bouleversement, le changement radical de vie… Etre ensemble pour se réchauffer le cœur.
Ce socle d’amour leur permet d’accepter la dégradation de leurs conditions de vie, de continuer à vivre, de se réinventer une nouvelle vie. « Je ne regrette pas d’avoir rencontré celle que je suis aujourd’hui. La vie s’est montrée à moi sous un nouveau jour, parfois sombre, mais toujours instructif et riche »
J’ai aimé le passage où Otzan, le frère aîné raconte un conte à ses frères. « Otzan de bonne grâce, ne bride pas son imagination et ridiculise autant qu’il le peut ce dictateur qui a obligé des familles entière à se séparer, à se haïr, à s’entretuer. »
Les pages du carnet d’Ama donnent à ce livre une simplicité, une profondeur émouvante.
Léonor de Récondo est musicienne et cela se sent dans son écriture. Ce livre est une pure merveille de retenue, de beauté. Léonor de Récondo m’a de nouveau faite vibrer avec ce livre fort, émouvant, rarement gai, souvent triste, sans aucune emphase, simplement superbe.
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