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Les commémorations ne sont pas nécessairement des célébrations. Celles qu'au fil des décennies Daniel Bensaïd a écrites de la Révolution russe d'Octobre 1917 et, qu'entre autres, ce livre réunit, en témoignent, qui ne ménagent pas les critiques nécessaires, lesquelles cependant altèrent moins l'événement considérable que la révolution (« temps brisé ») elle-même a été, et reste , que sa postérité terrible.
On pourrait reprendre mot pour mot, pour ce centième anniversaire de la Révolution russe ceux qu'il avait écrits pour le quatre-vingtième : « Un retour critique sur la Révolution russe, à l'occasion et sous prétexte du 80e anniversaire d'Octobre soulève quantité de questions, d'ordre tant historique que programmatique. L'enjeu est de taille. Il en va ni plus ni moins de l'intelligibilité du siècle qui s'achève, de notre capacité à sauver le passé de l'oubli pour préserver un avenir ouvert à l'agir révolutionnaire, car tous les passés n'ont pas le même avenir. » Que tous les passés n'aient pas le même avenir, ou que l'avenir dépende de ce qu'on fait des passés, a été une constante de l'activité intellectuelle et politique de Daniel Bensaïd, constante que sa lecture de Benjamin a accentuée avec le temps. Les archives s'ouvrant, les révisions abondant (qu'on se souvienne, successivement, de l'opération des dits « nouveaux philosophes » et de celle du Livre noir du communisme, sur lesquels il revient longuement dans les textes que ce livre réunit, et pour les contester), il s'est agi pour lui de distinguer encore et toujours entre l'événement incontestablement révolutionnaire qu'aura été Octobre (pas le coup d'État auquel on voudrait le réduire), et la postérité contre-révolutionnaire bureaucratique et stalinienne avec laquelle on s'emploie à le confondre, pour des raisons qui doivent moins au travail de l'historien qu'à celui de l'idéologue : «En ces temps de contreréforme et de réaction, rien d'étonnant à ce que les noms de Lénine et de Trotski deviennent aussi imprononçables que le furent ceux de Robespierre ou de Saint Just sous la Restauration. » Les temps sont toujours à la contre-réforme et à la réaction, qui se veulent sourds à ce que Arendt disait de la Révolution : « vrai événement, dont la portée ne dépend pas de la victoire ou de la défaite. »
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