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La Louisiane, comme chacun sait, persiste à Poissy et s'achève à Anvers. La Louisiane, entendez l'esprit louisianais, ce mélange corrosif et dansant de désespérance rigolarde et d'improvisation swinguante qui monte des mangroves et macère dans la moiteur sudiste. C'est avec pareil jus de bayou qu'ont été biberonnés les deux perdants magnifiques en haletant dans Ne pleure pas sur moi de Samuel Lebon, un roadbook déglingué et journal débordé signé Darline, une âme en peine lancée sur la piste de Lennon, ancien O.S. Peugeot et adepte du no libido, son jumeau stellaire et quasi-père de sa fille. Ces deux-là, nés à dix minutes d'écart en 1980, font fusion depuis lors, Lennon ayant atterri à bord du Boston Dollar et du Dixie, deux péniches-concert où l'amateur vient écluser du blues à la louche et faire le plein de jazz néo-orléanais. Un beau matin, Lennon déserte, décidé à gagner les Flandres pour se faire raboter les joyeuses, autrement dit se voir pratiquer une ablation testiculaire. Ulcérée par cette initiative soudaine et unilatérale, Darline prend la route avec l'enfant afin de rattraper l'eunuque potentiel. Un périple qui lui fera traverser un village fantôme, croiser une communauté d'artistes perchés dans les arbres et frayer avec des béguines féministes pour retrouver sa moitié d'orange dûment épépinée. Pour rester en selle tout au long de ce rodéo monologué, Samuel Lebon ne finasse pas, taclant à tout va dans une écriture qui emprunte à Nick Cave pour l'apocalyptique intime et à Lydia Lunch pour l'éros en roue libre et la pugnacité affective
Sur la route d’Anvers
Dans un road-trip un peu déjanté, Samuel Lebon raconte le voyage de Darline, partie à Anvers retrouver Lennon, l’homme qu’elle aime et qui veut se faire castrer. Parviendra-t-elle à l’en dissuader? C’est l’un des enjeux de ce roman joyeusement foutraque.
Évoquer un road-trip de Poissy à Anvers, ça ne fait pas forcément rêver. Y ajouter qu’il s’agit pour une femme et sa fille de retrouver son homme pour qu’il ne se fasse pas castrer, cela n’ajoute guère de romantisme à l’affaire. Et pourtant ! Pourtant le voyage de Darline, qui décide de retrouver Lennon, vaut le détour.
Parce que durant tout le long du voyage, elle va nous raconter comment, avec son copain d’enfance, elle a construit son couple et comment, malgré les vicissitudes, elle n’a cessé de croire en leur histoire
Parce que la musique donne au récit son rythme si particulier. La musique qui fait partie de la vie des protagonistes qui vivent sur une péniche qui est aussi salle de concert, qui rêvent de leur propre studio et qui ne peuvent vivre sans leurs groupes et chanteurs favoris. Dans sa Peugeot 1007 déglinguée, Darline a fort heureusement des cassettes qui vont l’accompagner. Mais la musique, c’est aussi celle des mots qui composent ce livre et qui chantent à nos oreilles. Essayez de le lire à haute voix et vous verrez comme il sonne bien. Un peu comme un exercice de slam.
Parce que derrière ce voyage à l’issue incertaine se cache une double réflexion, celle sur le statut des hommes d’aujourd’hui, censés se conformer aux injonctions post #metoo et qui se découvrent fragiles et désorientés et celle sur le combat féministe loin d’être gagné: «Lennon couche avec moi parce que je suis la seule femme qu’il fréquente encore. C’est pas vraiment le conte de fées. Je suis la dernière roue du carrosse. Tu parles d’un carrosse. Une pauvre citrouille. (…)
Jamais il m’achète de fleurs. Jamais on part en vacances. Même pas un brin de muguet.»
Tout au long des rencontres qui vont jalonner son parcours, Darline aura l’occasion de confronter son point de vue, pas toujours pour y voir la confirmation de ses idées, et de s’ouvrir à d’autres horizons. C’est plein de sexe et de rock’n’roll et ça se termine sur un carnaval endiablé, comme la Belgique peut en proposer avec cette «Nuit des Trouilles de Nouilles».
Samuel Lebon a un style qui épouse parfaitement son propos, cru et libre, plus préoccupé de la sonorité que de la syntaxe. Ici les enterrements sont plutôt des fêtes d’adieu, les relations aussi éphémères qu’intenses et l’amour – le vrai – peut-être au bout de la route. Va savoir…
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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On pourrait se croire en Louisiane, on est à Poissy ! Mais pas pour longtemps puisque Darline va se mettre en route pour retrouver Lennon, qui vient de se barrer vers la Belgique dans le but de…Mais n’en disons pas trop.
Ce roadtrip se démarque par l’originalité du sujet mais surtout par le caractère décomplexé du langage que tient Darline. Pas de tabou, pas de faux-semblants, c’est trash.
C’est trash mais rapidement on reconnaît un rythme et des rimes de slam, qui finissent par occulter l’histoire. Je me suis un peu perdue en route, malgré la bande-son bien présente et évocatrice.
J’ai malgré tout de même été émue par les dernières lignes…Mais il est difficile de parler de ce roman sans déflorer ce qui en constitue l’essence.
160 pages Le dilettante 23 août 2023
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