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Du haut de son HLM parisien, l'horizon d'Issa se resserre: il vient de rater son bac et n'a pas le moindre projet d'avenir. Par chance, son ami Élie lui propose de le former pour devenir maître-nageur - excellent prétexte pour passer l'été ensemble. Mais Issa garde d'épouvantables souvenirs d'enfance de la piscine.
Il se prête néanmoins au jeu, se faisant violence chaque jour pour dompter le bassin. Sous l'eau, l'enjeu sportif se mue bientôt en un vaste éveil des sens où chaque corps déclenche son désir d'adulte. Plus que le crawl, la conquête de l'autre devient l'obsession d'Issa. Mais la «zone» dans laquelle il vit le laissera-t-elle ainsi s'abandonner ? Et, surtout, sera-t-il là pour Élie quand il aura à son tour besoin d'un ami ? De son style nerveux et acéré, Boris Bergmann dresse le portrait d'une jeunesse qui se débat pour être libre, signant ici un roman d'une grande sensibilité.
S’il fallait décrire ce roman par une seule lettre ce serait celle du A. A comme Alchimie et Amitié.
Alchimie, pour cette transformation du personnage principal, Issa, qui par miracle va renaître, va transmuter ses cendres en lumière.
Amitié, parce que c’est le seul et unique socle qui permettra de changer le destin, une communion sincère entre Issa et Elie, tous les deux car l’amitié ne se vit pas en groupe, c’est « un animal qui paît à deux » comme l’a souligné Plutarque.
A cette alchimie fraternelle, s’ajoute un élément catalyseur : celui du « premier enfant de la nature » le Nommo chez les Dogons ou Noun chez les Peuls, cette source de création, ce génie qui est l’eau et qui permettra à Issa de plonger dans une autre vie.
Paris, XIX° arrondissement, direction le nord est de la ville dans les HLM, dans la « Zone » des oubliés de tout, où chacun tente de vivre avec des codes de survie. Issa, seul avec sa mère vivent là. Sa génitrice fait des ménages, travaille dur et se réfugie dans sa religion. Le père est absent, d’une autre origine malienne que la mère ce qui fait d’Issa un métissé, un impur ; subit brimades et coups des élèves, de ceux qui font la loi dans les cages d’escalier et autres lieux de trafic. Il n’a qu’un seul ami, Elie, un jeune homme qui semble terriblement à l’aise, a un sourire ravageur, veut devenir acteur ; son ambiance de vie est guère enviable entre une mère soumise, un père absent et un beau-père très violent. Il est juif mais n’ayant peur de rien, personne n’ose l’agresser. Le duo amical est mal vu mais c’est Issa qui prend tout pendant qu’Elie le protège, jusqu’au jour où il le force à rebondir en allant s’entraîner à la piscine, une piscine qui lui rappelle tant de mauvais souvenirs et objet de tous les dénigrements, les corps se mettant presque à nu.
Mais justement ce sont ces corps qui se dévoilent, c’est cette eau qui sculpte les corps, ces mouvements aquatiques avec parfois un sens érotique qui vont éveiller les sens d’Issa et accepter d’être différent, de ne plus se soumettre aux apparences, de retrouver une identité. Avec l’aide d’Elie.
Incroyable récit d’un être touchant le mur mais qui va opérer un virage pour repartir de l’autre côté grâce à une culbute magistrale aussi belle que les ailes d’un papillon…
Boris Bergmann offre des mouvements divers, brasse sur les clichés, constate amèrement la vie réelle des cités oubliées, interpelle sur la superficialité des écrans, montre le pouvoir d’un cerveau sur l’enfermement, plonge dans les souffrances de l’exil, du déracinement, de « l’apatridie », ondule sur la découverte de l’amour et de la sexualité et peint un superbe ballet aquatique sur l’amitié.
Que d’odeurs dans ce roman, tantôt nauséabondes, tantôt envoutantes ; que de force donnée, on pourrait presque en faire un manuel de survie, là où on apprend à obtenir une « licence de mépris avec mention » ; que de sensualité lorsqu’Issa découvre son corps, ses désirs, les caresses touchant aussi bien la peau que l’âme pour un bain jouissif de volupté.
Le tout est amplifié par une écriture sobre, directe, oscillant entre la brutalité des conditions de l’existence et la poésie des sentiments des deux protagonistes. S’ajoutent les attendrissants passages sur la vieillesse et judicieuses réflexions sur la religion, sur le monothéisme versus le polythéisme, les croyances, les préceptes : on songe à l’Antiquité, celle où les Grecs avaient choisi de répandre leur religion non pas par des prédicateurs mais par des poètes…
L’eau, source de vie, fleuve des destins, symbole de rencontres essentielles, jaillit dans « Nage libre », l’histoire dune métamorphose dans le bassin de l’amitié.
http://squirelito.blogspot.com/2018/08/une-noisette-un-livre-nage-libre-boris.html
J'étais très curieuse de lire ce roman qui avait retenu l'attention de mon libraire et dont j'avais entendu parler en termes très élogieux par une journaliste de France Inter. Il s'agit du quatrième roman d'un jeune auteur de vingt-six ans actuellement en résidence dans la prestigieuse Villa Médicis de Rome où, j'imagine, il compose son cinquième roman. Il a vécu une enfance parisienne dans le 19e arrondissement de Paris, seul avec sa mère.
Peut-être y a-t-il un peu de lui dans le personnage d'Issa qui vit dans une barre du même quartier avec sa mère. En ce mois de juin, celui-ci apprend qu'il est recalé au bac. Sa mère, Fatumata, femme de ménage d'origine malienne, est furieuse, elle crie, donne des coups. Issa ne proteste pas, il se terre dans sa chambre. Son ami Elie aussi a raté. Tous deux sont « citoyens de la Zone. Dernier îlot populaire d'un Paris désormais trop cher pour les gens nés dans le tiroir du bas. Dernière petite tache de pourriture sur la carte de la capitale, en haut, à droite. Même lavée, standardisée, sécurisée, embourgeoisée, starbuckisée, la ville se doit de conserver quelques bactéries dans son estomac.» Elie est le seul ami d'Issa. Il est arrivé plus tard dans la cité, il a eu une autre vie avant, il connaît autre chose mais Issa ne sait pas vraiment quoi. En tout cas, c'est l'été et Elie propose à Issa un truc impensable : quitter la Zone, le territoire où « on involue. On rêve vers le bas.», échapper au carcan familial pour... aller à la piscine. Issa résiste : il a de mauvais souvenirs de ce lieu où l'on doit exhiber son corps, c'est d'ailleurs en séchant les cours de piscine qu'il a fini par ne plus mettre un pied en maths ou en français. Mais bon, Elie a l'argument qui touche : il y aura des filles. Métaphore de la société, la piscine est un lieu où il faut se plier à des codes, des lois qu'un enfant de la Zone ne possède pas forcément et auxquels il va devoir se soumettre pour être accepté. Y parviendra-t-il ? Quel sera le rôle de l'ami dans cette aventure en lieu inconnu ?
Ce roman est l'évocation d'une renaissance, d'une métamorphose : Issa, l'adolescent mal à l'aise dans la société où il vit, apprendra à aimer son corps, à se sentir bien dans l'eau libératrice, à regarder autour de lui, à considérer le monde autrement. C'est aussi un éveil à la sensualité, au désir, à la sexualité. Mais surtout, Nage libre exprime avec beaucoup de beauté et de sensibilité une histoire d'amitié forte et belle dans un monde dur, plein de haine et de misère, où la religion sépare les êtres, les enferme et les rend malheureux.
La phrase, pleine de poésie, est courte, acérée, rythmée, elle est le souffle puissant, presque lyrique, de garçons en fuite qui cherchent à échapper au ghetto parce qu'ils refusent d'y faire leur vie. Une ode à la jeunesse, à la liberté et à l'amitié. Une belle découverte.
LIREAULIT http://lireaulit.blogspot.fr/
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