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«chaque 10 janvier de sa vie depuis soixante ans maman reste couchée elle te remet au monde c'est de ça que je veux parler de ça et de rien d'autre» Dans Dix-sept ans, Éric Fottorino évoquait le fantôme qui hantait le début de son roman familial : une petite fille née trois ans après lui et aussitôt arrachée à sa mère, Lina, puis adoptée dans la clandestinité d'une institution religieuse bordelaise. Mon enfant, ma soeur est d'abord la quête de cette inconnue. Ce monologue sensible, long poème en prose, se transforme peu à peu en une sidérante enquête qui conduira le narrateur sur la trace de sa soeur disparue. Éric Fottorino continue sa bouleversante recherche d'identité entamée en 1991 avec Rochelle, et poursuivie depuis avec Korsakov et L'homme qui m'aimait tout bas.
Très beau texte poignant , un monologue dans un long poème en prose.
L'auteur s'adresse à sa soeur qu'il ne connaît pas mais dont il a toujours soupçonné l'existence tant les variations d'humeur de sa mère traduisent un manque, un lourd secret , pressent-il déjà tout jeune enfant.En effet en 1963, soit 3 ans après sa propre naissance, sa mère a accouché dans une Institution religieuse où son bébé lui a aussitôt été arraché.Un jour,sa mère se libère de ce fardeau et l'auteur marche dans les pas de cette soeur et enquête.Il s'interroge sur les traces que cet abandon a laissées chez sa soeur.
La qualité du texte tient à la pudeur dans l'écriture, à la douceur des retrouvailles tout en disant bien le drame vécu par chacun.
Une enquête menée au rythme d’une poésie.
Ou, comment a-t-on pu infliger cela à des mères et aux familles qu’elles devront bâtir après ça ?
Eric Fottorino a choisi de nous en parler sous la forme d’un long poème mis en prose. Bien lui en a pris car en refermant le livre, je me suis dit que c’était la seule forme pour donner créer douceur qui m’a tant émue.
En choisissant ce livre, je ne l’avais pas ouvert ; j’en avais juste lu le résumé et avait envie de lire cet auteur que j’avais un peu abandonné. En l’ouvrant j’ai lâché un « Oh! » de surprise. Puis très vite, dès les premières lignes de ce livre poésie, j’ai été comme saisie par une ambiance enveloppante à laquelle on ne s’attend pas forcément.
Il dit son besoin viscéral de retrouver cette petite soeur à la fois présente toutes les heures de tous les jours de la vie familiale et pourtant restée inconnue durant tant d’années. Ce qu’il réussi à faire de ce très long poème est émouvant et très beau.
Le 10 janvier 1963, trois ans après la naissance de l’auteur, sa mère, vingt ans d’âge, accouche d’un deuxième enfant, une petite fille. Cette fois la grand-mère lui impose de l’abandonner dans l’institution religieuse, place des martyrs s de la résistance à Bordeaux ; abandon qu’elle voulait d’ailleurs déjà imposer à la naissance d’Eric Fottorino. Tout cela va pourrir la vie psychique de cette toute jeune maman avant de pourrir celle de la famille qu’elle tentera de forger.
Le choix de métier de cette mère, infirmière de nuit, lui permettra de se retirer de la vie sociale autant que faire se peut. Se coucher dès qu’elle a finit de soigner les autres et voir le moins possible ce monde qui lui a pris la chair de sa chair, son enfant. Ses enfants pareillement, vont en subir les conséquences et devoir vivre dans cette ambiance mi-figue, mi raisin, à savoir de merveilleuses phrases d’une maman dont le regard est ailleurs lorsqu’elle les leur dit.
Tout le livre est imprégné de la souffrance de cette femme et on comprend, qu’un jour, Eric Fottorino ait décidé de trouver, vaille que vaille, cette petite soeur dont il ne connait ni nom ni prénom.
Un jour il veut pouvoir lui dire « Tu ne la connais pas, elle ne te connait pas, c’est ta mère . »
Après ce livre j’ai compris l’origine du regard d’Eric Fottorino, la source de cette sensibilité qui nous saute à la figure, de ce calme acquis au fil d’un long chemin vers la lumière.
Citations : ou disons plutôt quelques petits bouts de poèmes en prose sortis de leur contexte mais qui révèlent leur musicalité
…« là où tu es
puisses-tu être quelque part
imagine à présent ses yeux rieurs
son mépris des convenance
sa fantaisie
ses facéties
la porcelaine de son sourire
son immense envie d’aimer
et d’être aimée
affreusement seule pourtant
avec ce sentiment odieux
d’être sale
parler lui est douloureux
prendre la parole c’est prendre
(et prendre elle ne sait pas)…
…on s’est installé loin de Bordeaux
de ses noirceurs
de ses cancans de ses curés
des mauvais souvenirs
des mauvaises rencontres
loin de tout ce qui avant était nous
quand nous n’étions rien…
…on se retrouvera bientôt à Bordeaux
là où tout a commencé
tu seras là avec maman et moi
nous trois
nous voir vite
même si nous appréhendons ce moment
toi surtout
tu crains le poison de l’abandon
la sensation d’être en trop
la honte tenace de ce que tu es à tes yeux
pas assez reluisante
pas assez bien habillée
pas assez bien tout court…
…tu t’avances vers moi
je m’approche de toi
nous atteignons
l’autre versant de la nuit
je découvre l’aube de ton sourire
la flamme dans tes yeux ambrés
dont la couleur m’importe peu
tu es plus grande que moi… »
Dans un précédent roman (Dix-sept ans) Eric Fottorino évoquait déjà ce personnage fantôme, cette petite sœur née trois avant après lui et qu’il n’a jamais connu. Cet être arraché à sa mère quelques minutes après sa naissance. Cet enfant qui ne vivra que dans le silence de la mémoire.
Ce roman lui est entièrement consacré.
Sous forme d’un long poème, Eric Fottorino nous parle de l’absence de cette sœur, de sa vie sans elle ; il évoque le chagrin éternel de sa mère, le déchirement de cette naissance immédiatement suivie d’une disparition.
Ce poème se transforme en enquête pour retrouver cette sœur dont il ne sait rien, dont il ne connait que l’absence et les pleurs de sa mère. Le poème devient alors roman à suspense.
C’est un texte bouleversant, intime où l’auteur nous ouvre complètement sa vie et son cœur.
J’ai été bouleversée par ce roman, aux mots si forts et percutants, où l’amour fraternel est immense.
Âmes sensibles, ne vous abstenez pas ! vous allez l’adorer !
COUP DE COEUR
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2023/09/mon-enfant-ma-sur-deric-fottorino.html
Dans "Dix-sept ans", Eric Fottorino évoquait le fantôme qui hantait le début de son roman familial : une petite fille née trois ans après lui et aussitôt arrachée à sa mère puis adoptée dans la clandestinité d'une institution religieuse bordelaise.
" J'ai eu une fille on me l'a prise", c'est par ces mots de sa mère qu'Eric Fottorino a appris récemment l'existence de sa sœur. Avec la complicité de sa grand-mère maternelle, des bonnes sœurs, "ni bonnes, ni sœurs... des sœurs criminelles" ont arraché le nouveau-né à la jeune Lina alors qu'elle venait d'accoucher à 20 ans " à cri et à corps perdu, elle t'avait petite sœur à jamais perdue... Sitôt née, sitôt arrachée, rendue à la nuit, fille de fille-mère, enfant de chimère".
Ce long poème en prose est adressé à cette sœur qu'Eric Fottorino choisit de nommer Harissa, "maintenant je t'appelle Harissa, un prénom c'est un début de conversation... Harissa, petite sœur, petite fleur pimentée."
Eric Fottorini crie son manque de cette sœur, s'invente des souvenirs d'enfance avec elle, des moments partagés "je t'entraîne dans mon enfance... je réécris l'histoire avec toi... avec toi l'insouciance aurait tout emporté... je te conjugue au présent, je t'invente si fort que je crois me souvenir de toi... Tu aurais été ma main complice dans la nuit, ma peine coupée en deux, ma rassurance"
Depuis la révélation de l'existence de cette sœur, il comprend la détresse de leur mère à l'origine des plis de mélancolie de son front, de ses regards perdus, de ses silences "Sa vie maman l'a passée à ne pas vivre... elle qui toute sa vie dut supporter le manque de toi... tu es là, volet mal fermé qui claque dans son cœur."
" Chaque jour elle essaye de t'effacer et chaque jour elle échoue, soulagée de son échec, elle inspire ton nom, elle expire ton nom, soixante ans qu'elle vit en apnée, tu es sa peine à respirer... quelle plus grande douleur que le deuil d'une vivante."
Un cri d'amour, un cri de colère contre "les religieuses sans miséricorde, femmes de Dieu sans Dieu" car "cette petite fille ce n'était pas un abandon mais un arrachement", un arrachement orchestré par sa propre mère honteuse de sa fille devenue fille-mère avec deux enfants sans mari, deux enfants de deux pères différents, deux étrangers, un juif et un musulman. Transgression absolue...
Cette poursuite de la quête identitaire d'Eric Fottorino sur les traces de sa sœur est bouleversante. La forme en vers libres, dont je ne suis pourtant pas spécialement friande, m'a semblé complètement adaptée à la puissance de ce monologue, véritable condensé d'émotions. D'une beauté à couper le souffle.
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très jolie et poignante critique, certainement comme ce dernier livre de Fottorino