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Jean-Louis Fournier a passé le cap des 80 ans. Il imagine comment va se dérouler sa mort. Il ne croit plus trop à une vie dans l’au-delà. Comme il a fait don de son corps à la science, il sait qu’il va se retrouver dans un des tiroirs de la morgue, totalement nu, dans l’attente qu’un étudiant en médecine veuille bien s’intéresser à son sort. Il est choisi par une jeune et jolie étudiante qu’il prénomme Egoïne, car elle a vite fait de s’emparer d’une de ses mains et de la détailler en osselets. Ce séjour dans l’antichambre de la mort sert de prétexte à Fournier pour faire le point sur sa vie, ses amours, ses emmerdes. Sa femme morte brutalement. Ses deux fils handicapés. Sa fille perdue de vue depuis qu’elle est devenue membre d’une secte vaguement christique. Seules consolations, ses succès littéraires, entamés dès son premier ouvrage, sa « Grammaire française et impertinente ».
Dans « Mon autopsie », l’auteur poursuit son auto-fiction jusqu’au-delà de la mort. Bien que le thème soit sinistre au possible, il parvient une fois encore à faire entendre sa petite musique impertinente et décalée. Humour et auto-dérision encore et toujours. Mais cette fois peut-être avec nettement moins de légèreté qu’à l'ordinaire. Il revient sur nombre d’épisodes déjà racontés dans ses précédents ouvrages. Seule nouveauté : une allusion à sa collaboration avec Desproges. Le style est toujours aussi magnifique, dépouillé, minimaliste et efficace. Et le lecteur retrouve cette fois encore, au fil des pages et au détour des paragraphes, nombre de pépites qui font de cette lecture un régal. « Grâce à Dieu, des mauvaises pensées, j’en aurai eu toute ma vie, elles auront été le meilleur remède à mes angoisses, elles m’auront aidé à vivre. »
« Notre société prône la modération, elle interdit déjà le sel, bientôt la vie n'aura plus de goût. Je suis parti au bon moment. »
Même s’il peut agacer avec son narcissisme ou avec sa manie de vouloir faire rire de bien tristes choses, il faut absolument lire Fournier, l’un des derniers représentants de l’esprit français.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2017/12/mon-autopsie-de-jean-louis-fournier_5.html
S'il existait un prix littéraire de l'originalité je suis certaine que Jean-Louis Fournier serait bien placé car dans ce roman c'est son cadavre qui s'exprime. L'auteur a donné son corps à la science, une jeune étudiante pratique son autopsie... Il la nomme Egoïne car elle est rentrée dans sa vie avec une lame... Egoïne travaille avec délicatesse et douceur, s'il était vivant Jean-Louis Fournier pense qu'il tomberait amoureux d'elle !
Cette autopsie est pour le cadavre l'occasion de se remémorer sa vie, ses amours, son rapport à la religion, la place qu'a pris son imagination dans sa vie, ses meilleurs souvenirs, sa carrière, ses goûts musicaux... Il parle de sa vie passée à vouloir faire rire, de ses livres où il a essayé de rire de tout sans craindre de choquer "Choquer c'est sortir de la léthargie ceux qui somnolent". Bref, il parle de lui et reprend à son compte la phrase de Picabia "Ce qui m'intéresse le plus chez les autres c'est moi"
Dans ce roman constitué de courts chapitres aux titres souvent amusants Jean-Louis Fournier fait plusieurs fois référence aux différents membres de sa famille sujets de ses précédents livres, sa femme (Veuf), ses fils handicapés (Où on va papa?), sa fille (La servante du seigneur), son père (Il a jamais tué personne) et sa mère ( Ma mère du Nord) évoquant ainsi l'alcoolisme de son père, l'hypocondrie de sa mère, le handicap de ses fils. J'ai aimé le très beau passage sur son livre sur ses fils, il y évoque les attaques dont il a fait l'objet, ses références à sa fille sont également très émouvantes.
Mais le sujet principal de ce nouveau roman est cette fois sa propre personne et j'avoue que je préfère quand il parle de sa famille, il m'a toujours fait sourire, m'a émue avec ses précédents romans... Cette autopsie, prétexte pour parler de lui, démarre plutôt bien, j'y ai retrouvé l'humour de l'auteur et son incomparable auto-dérision quand par exemple il évoque une feuille d'artichaut qui s'échappe de son cœur quand Egoïne l'incise, ce qui est normal puisqu'il est tombé amoureux des centaines de fois... Mais j'ai trouvé que son humour s’essoufflait vite et certains aspects de son auto-portrait m'ont agacée, sa complaisance à énumérer ses conquêtes et prouesses sexuelles m'a vite lassée. Il est certain cependant que derrière son cynisme transperce sa fragilité, ses angoisses et un grand besoin de reconnaissance qui peuvent être touchants.
Ce sera donc le premier roman de Jean-Louis Fournier que je n'aurai pas aimé...
Décidément cet auteur a tout pour me séduire. Cet humour à nul autre pareil, l’autodérision indispensable à une mise à distance pour ne pas se prendre au sérieux.
Comme par un tour de passe-passe, Jean-Louis Fournier se voit mort et il a fait don de son corps à la science.
Ne croyez pas qu’il va être disséqué par un apprenti binoclard et boutonneux, non lui c’est une jolie jeune femme qui va s’occuper de sa petite personne, il la nomme Égoïne.
« Égoïne a choisi une fine lame. J’ai l’impression qu’elle a peur de me faire mal, j’apprécie sa délicatesse. Ses gestes sont élégants, on la croirait dans un dîner chic, en train de découper un faisan. »
Une façon, pour lui, de revisiter sa vie, en cours chapitres, aux titres poétiques et drôles.
Un état des lieux sans tabous, dont la pudeur porte le voile de l’humour.
Jean-Louis Fournier peut agacer, il est impertinent, mais il a les mots pour nous moucher, il n’a tué personne, avec sa mère du Nord il n’ira pas en enfer, satané poète ou paysan, il roule jeunesse en nous livrant un CV aux semelles de vent, en nous offrant du Bonheur à gogos ce Veuf a les Mots des riches et les Mots des pauvres, et nous pouvons le remercier pour cette tendresse sous perfusion.
Comme le dit si bien Jérôme Garcin « Fournier est un cadavre exquis ».
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 15 décembre 2019.
Lien : http://www.livresselitteraire.com/2017/10/mon-autopsie-de-jean-louis-fournier.html
Mon autopsie … quel drôle de titre mais lorsqu’on connaît le personnage on sait qu’il n’y a que lui pour intitulé ce livre ainsi. Et en même temps c’est bien le point central de son roman. A 78 ans, l’auteur imagine sa mort et nous embarque avec son cadavre dans le sous-sol d’un hôpital pour y être autopsié car il vaut bien de donner son corps à la science. L’envie de vivre encore un peu sous le scalpel d’un étudiant ça fait franchement rêver. En l’occurrence il s’agira plutôt d’une étudiante. Parce que tant qu’à imaginer sa mort et offrir son corps, autant y mettre un peu de plaisir ! Une jeune femme donc qu'il décide d’appeler Egoïne, oui oui vous avez bien lu, elle porte le même nom qu’une scie. Pas très Sexy ? Et pourtant, il semblerait que la demoiselle ne manque pas de charme.
Mais on s’aperçoit très vite que l’autopsie n’est qu’un prétexte, ou plutôt une finalité pour amener Fournier à se livrer, à coucher sur le papier ses mémoires en quelques sortes. Avec la malice et l’égo surdimensionné qui le caractérisent mais qui lui vont si bien.
Allongé là, nu, le corps glacial, les tripes à l’air, il donne son avis parfois tranché sur l’époque qu’il vient de quitter. En jeune rebelle qu’il a été et qui ne supportait la soumission, il ne ménage pas les nouvelles générations virtuelles, asservies et déconnectées de ce monde qui bat dehors, partout, autour. Là où lui n’est plus.
Alors il se raccroche à la belle qui dissèque la bête. Lui invente une vie, se surprend à un soupçon de jalousie – il aimerait l’avoir pour lui seul – tente de la séduire malgré ses deux prothèses de hanches et son absence de vie. Eternel coureur de jupons, c’est l’égo qui parle au-delà de la mort. D’ailleurs le prénom de la demoiselle a-t-il uniquement été choisi pour son rapport à l’outil ? La question mérite d’être posée.
Chaque membre découpé, recensé par les mains délicates d’Egoïne, est un mobile parfait pour évoquer les souvenirs tendres mais parfois âpres de sa vie et même ses vies. Comme-ci finalement chaque organe donnait lieu à un pan de ce qui constitue son histoire. Le cœur, lourd, bien rempli, renferme son rapport tumultueux à Dieu mais aussi les passions. Celles de la musique et de l’art et surtout celles brûlantes de l’amour, de ces femmes – souvent plus jeunes – qui l’ont accompagnées sur le chemin du plaisir. Et celle de sa femme, morte subitement, qui a dû l’aimer extrêmement fort pour tolérer ses aventures.
Puis vient le moment d’ouvrir la boîte crânienne, celle qui contient l’outil de travail de l’homme et ses secrets intimes. Ce comique qui par des traits d’esprits éclatants fait travailler nos pommettes va tout à coup faire grossir notre cœur en évoquant les souvenirs de son enfance et de ses enfants. Il nous fait passer du rire à l'attendrissement (et inversement) en une page tournée. Et c’est exactement cela que j’aime chez cet auteur, cette capacité à surprendre encore et encore son lecteur, à jouer avec lui indéfiniment.
Mais les souvenirs donnent lieu à un bilan, dans cet endroit au centre de tout. Le ventre. Derrière cet égocentrisme ancré en lui, avec lequel il est en paix et dont il se moque si volontiers qu’il fait de lui finalement un personnage attachant, il abrite sa peur de la solitude. Cette peur de ne pas être aimer, admirer, ou tout simplement regarder. Et en prenant comme dernier témoin cette jeune femme belle à croquer, oui il veut certainement assouvir son incorrigible besoin de plaire mais peut-être aussi veut-il, encore un peu, pouvoir jouir d’une présence. Comme une dernière volonté. Une dernière étincelle qui brille dans les yeux. Avant le noir complet.
Avec son autopsie Fournier ne triche pas. Il joue avec sa mort, parle d’elle mais célèbre avant tout sa vie. Et le partager avec nous, c’était ce qu’il pouvait nous offrir de mieux.
La mort est un plaisir, sous la plume de Jean-Louis Fournier en tous cas !
Comme le titre nous le laisse entendre, Jean-Louis Fournier est mort.
Nous le retrouvons allongé sur une table d’autopsie.
Une jolie jeune femme, penchée sur son corps, s’apprête à le découper. Le mort la baptisera du joli nom d’Egoïne en référence à l’instrument dont elle s’empare pour mener à bien son ouvrage.
Si le corps est sans vie, l’esprit, lui est resté en éveil et observe les morceaux de lui-même découpés, tâtés, pesés, analysés et il en profite pour revisiter sa vie et son œuvre.
Et il se souvient de son père, médecin alcoolique dont il dit « Il a jamais tué personne mon papa » de sa « Mère du nord » de son premier amour qui le transforma un temps en « Poète et paysan ».
Mais aussi de ses fils handicapés qui demandaient « Où on va papa ? », de sa fille qui le quitta pour devenir « La servante du Seigneur » et de son dernier amour, Sylvie qui le laissa « Veuf ».
J’ai retrouvé dans cette autopsie tout ce que j’aime chez Jean-Louis Fournier, l’humour, l’amour, une sensibilité exacerbée qui se cache sous une bonne couche de dérision et un doigt de cynisme.
Une vie, une œuvre, une autopsie, et si c’était un testament littéraire ?
Chapeau bas Monsieur Fournier, votre talent me bluffe une fois de plus !
J'aime beaucoup les livres de Jean-Louis Fournier. Je consulte souvent sa Grammaire impertinente de préférence au lourd Grévisse, "J'irai pas en enfer" m'avait enchantée et j'avais été subjuguée par la force de "Où on va Papa ?"
Le charme n'a pas opéré de la même manière pour "Mon autopsie". Il ne faut pas chercher la cause de ma réticence dans le sujet (le corps de l'auteur, légué à la science, est dépecé par une jeune étudiante, surnommée Egoïne, et à mesure que membres et organes sont ôtés, soupesés, examinés, d'un point de vue scientifique, le narrateur effectue la même autopsie mais d'un point de vue biographique), mais plutôt dans son traitement.
L'humour, souvent noir, qui me séduit tant dans les autres romans de l'auteur m'a paru ici assez convenu. Et puis il m'a semblé qu'à force d'insister sur l'homme égocentrique, capricieux, infidèle qu'il fut, la confession se teintait d'une forme de complaisance à se dépeindre sous le jour le plus odieux. Comme si l'auteur se coulait dans une pose attendue.
Tout cela m'a laissé un goût un peu irritant, un peu déplaisant, et a contribué à ma déception.
https://revezlivres.wordpress.com/2017/09/04/mon-autopsie-jean-louis-fournier/
Quel plaisir de retrouver la langue impertinente, absurde et sensible de Jean-Louis Fournier ! Chacun de ses romans nous raconte une facette (pas toujours drôle) de sa vie, de son veuvage au handicap de ses fils, et ce petit nouveau n’est pas en reste puisqu’il nous y raconte… son autopsie. Et oui, le papa de la Noiraude est décédé et a légué son corps à la science. Circonstance rien moins que particulière qui lui donne encore l’occasion de rire de lui-même, sans oublier d’apprécier le charme de la jolie étudiante chargée de le disséquer et qu’il surnomme… Egoïne (oui, comme la scie).
Chaque partie de son corps littéralement passée au scalpel est l’occasion de se retourner sur un petit bout de sa vie et d’y trouver prétexte à rire et à pleurer. Un inventaire tout sauf morbide, un festival de bons mots et de pirouettes qui se lit en un rien de temps.
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