Bakhita s'annonce comme l'un des grands livres de cette rentrée, et si on suivait les conseils de lecture de Véronique Olmi ?
« J'ai voulu l'oublier cette fille. L'oublier vraiment, c'est-à-dire ne plus avoir envie d'écrire sur elle. Ne plus penser que je dois écrire sur elle, son désir, sa folie, son idiotie et son orgueil, sa faim et son sang tari. Je n'y suis jamais parvenue. » Dans Mémoire de fille, Annie Ernaux replonge dans l'été 1958, celui de sa première nuit avec un homme, à la colonie de S dans l'Orne. Nuit dont l'onde de choc s'est propagée violemment dans son corps et sur son existence durant deux années.
S'appuyant sur des images indélébiles de sa mémoire, des photos et des lettres écrites à ses amies, elle interroge cette fille qu'elle a été dans un va-et-vient implacable entre hier et aujourd'hui.
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La Revue de Presse littéraire de mai
Échec, honte sur son passé ? Je pense qu'Annie s'est forgée à travers cette enfance, cette adolescence. Je la trouve dure avec son passé. Elle donne le sentiment d'avoir subi alors qu'il me semble qu'elle est volontaire. Sa première relation sexuelle n'est pas celle qu'elle aurait voulue. Ses parents lui font honte. Elle a du talent. Elle aurait souhaité une autre vie. Une vie de princesse. C'est le deuxième livre lu de cette auteure, après "les armoires vides". Je ne pense pas continuer à la lire. Je trouve que sa rancœur et son négatif sont disproportionnés par rapport à sa vie.
Dans ce témoignage, Annie Ernaux revient sur les traces de la jeune fille de 18 ans qu'elle était en 1958, quand elle est partie comme monitrice dans une colonie de l'Orne.
Un peu nunuche, avec des rêves plein la tête, cette toute jeune fille, qui quittait le cocon familial pour la première fois, s'est emballée pour le beau gosse qu'était le chef des monos ... et a passé avec lui sa première nuit avec un homme, qui, selon les critères actuels s'apparente davantage à un viol qu'à une relation consentie.
S'appuyant sur sa mémoire, des traces photographiques et un retour sur les lieux de cet été, elle retrace les nuits passées avec cet homme, les gaffes commises lors des réunions de monos, et les années à Rouen qui ont suivi, et, elles aussi, marqué à jamais sa vie.
Moment absent jusque là de son œuvre, texte manquant qu'Annie Ernaux inscrivait régulièrement dans ses projets de livres, elle nous livre un témoignage, des mémoires et non une autobiographie romancée.
Un texte abrupt, râpeux comme certains souvenirs de cet âge ...
Un texte qui donne à voir les relations garçons-filles de la fin des années 60 et montre, s'il en était besoin, le chemin parcouru.
Un ouvrage qui laissera une trace en moi ...
Passionnant pour qui aime la littérature, le rapport d'un écrivain à son histoire personnelle et sa manière d'écrire ce passé.
Et je suis totalement d'accord avec l'avis de Chantal Lafon partagé sur ce site.
Un récit intime et autobiographique d'une femme de 60 ans qui se penche sur la jeune fille qu'elle a été et sur l'événement douloureux qui a probablement fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui, une plongée dans une époque révolue celle d'avant 68, de ses us et coutumes : c'est très bien écrit !
C’est le récit autobiographique de l’auteure qui, cinquante ans après, ose une introspection de la jeune fille qu’elle était lorsque, durant l’été 1958, alors qu’elle était monitrice dans une colonie, elle se voit céder à un homme.
C’est ainsi que l’on découvre la naïveté et l’innocence de cette jeune femme de 18 ans avant, pendant et jusque deux ans après l’évènement sexuel râté de cet été-là, dans le contexte de l’époque. Comment ces deux nuits, tel un choc émotionnel, ont bouleversé sa vie. Et d’ailleurs, ce n’est que bien des années plus tard qu’Annie Ernaux analyse et se penche réellement sur ce fait qui a eu tellement d’importance pour elle. Elle écrit au sujet de « la fille de 58 », souvent à la troisième personne, pour avoir ce regard extérieur sur sa propre vie. Même si, je cite, « avoir reçu les clés pour comprendre la honte ne donne pas le pouvoir de l’effacer. »
« Mais ce que je retrouve dans l’immersion de cet été-là, c’est un désir immense, informulable, qui renvoie à l’insignifiance la bonne volonté des filles qui font tout, fellation, etc., avec conscience, les rites sécurisés des sadomasos, la sexualité décomplexée de tous ceux qui ignorent le désespoir de la peau. »
L’écriture est fine, intelligente et exigeante. Elle détaille une véritable exploration psychologique de ce qu’était l’auteure ces années-là, ses relations aux autres aussi, aux hommes autant qu’aux femmes. Elle a évoqué, au plus près de la réalité, à quel point la honte de cette expérience sexuelle a résonné en elle, autant que l’envie de passer outre devant l’admiration de cet homme charpenté. Elle voit, avec ses yeux d’aujourd’hui, à quel point il s’est fourvoyé d’elle, et comment ses yeux d’hier la rendaient aveugle.
« C’est l’absence de sens de ce que l’on vit au moment où on le vit qui multiplie les possibilités d’écriture. »
Ainsi, avec tout le recul qui lui fut nécessaire, elle raconte, par flashs, et elle semble panser les plaies. Jusqu’à ce que son esprit classe cet évènement qui l’a hantée des années durant. La boucle est bouclée. Le secret est dévoilé et il repose désormais l’esprit et peut-être aussi le cœur de celle qui le portait depuis bien trop longtemps. En tout cas, j’ai vraiment cette sensation quand je lis les toutes dernières pages.
La suite sur mon blog : https://ducalmelucette.wordpress.com/2018/05/06/lecture-memoire-de-fille-dannie-ernaux/
Annie Ernaux a créé une œuvre presque essentiellement autobiographique. Chaque roman concerne une partie de sa vie. Pour « Mémoire de fille », l’approche a été plus difficile pour elle. En effet, les évènements intervenus en 1958 ont longtemps hanté l’autrice. Il lui a donc fallu du temps et attendre un âge avancé pour enfin s’y attaquer.
Longtemps, pour se préserver, elle avait rejeté ce passé dans les limbes de l’oubli. Elle a décidé de se décharger de ce poids. Pour se faire, elle s’est mise en retrait en observant la jeune fille qu’elle était, comme une personne étrangère. Ce mode de narration lui permet d’être objective et surtout de ne pas tenir compte de ses sentiments. Elle s’en tient uniquement aux faits. Elle peut ainsi regarder les évènements de l’époque avec ses yeux d’aujourd’hui. Ce qui lui paraissait honteux et inavouable, peut enfin être porté au grand jour.
Je comprendrais que certains/es jeunes lecteurs/rices trouvent le désarroi de cette adolescente un peu exagéré par rapport au monde moderne. Mais il faut replacer les évènements dans leur contexte et bien prendre en compte les usages de l’époque. En effet la réputation d’une adolescente était très vite faite et des choses acceptées aujourd’hui avec la libération progressive de la femme, ne l’auraient pas été jadis. C’est pour cette raison que l’autrice a souffert des quand-dira-t-on et qu’elle en gardait un très mauvais souvenir.
Même si la deuxième partie du texte, moins recentrée sur l’affaire, m’a un peu moins passionné, j’ai pris beaucoup de plaisir avec ce court roman. L’écriture d’une grande dextérité, aussi exigeante qu’agréable, dégage une somme de sentiments et magnifie ce souvenir difficile. En voulant expier ses « fautes », Annie Ernaux nous livre un concentré de littérature vraie, qui ne vous laissera pas indifférent.
J'ai bien aimé la première partie quand Annie Ernaux revient sur ce qui s'est passé ce fameux été 58 mais j'avoue que je me suis vite lassée de son ruminage. Nous avons toutes eu une première fois plus ou moins agréable, mais est il nécessaire la ressasser tout au long de sa vie ?
J'ai trouvé ce texte très froid sans émotion à la limite du robotique. C'est la première fois que je lis cette auteure, parce qu'elle m'a souvent été vantée mais je reste sur ma faim.
Se souvenir… Se rappeler… Et ne pas forcément vouloir être identifiée à cette personne, celle que l’on était jadis… Raconter son passé en utilisant un regard extérieur, en parlant d’«elle», mais en connaissant chaque bride de l’histoire ainsi que les ressentis qui en découlent… C’est ce qu’arrive à faire Annie Ernaux, en nous présentant « la fille de 58 », et ceci à merveille avec simplicité et délicatesse !
« J’ai voulu oublier cette fille. L’oublier vraiment, c’est-à-dire ne plus avoir envie d’écrire sur elle. Ne plus penser que je dois écrire sur elle, son désir, sa folie, son idiotie et son orgueil, sa faim et son sang tari. Je n’y suis jamais parvenue. »
Mémoire de fille m’a transportée ! En une soirée, je me suis plongée dans ce court roman, et me suis focalisée sur cette plume qui m’était inconnue, sur ces mots puissants, sur ces phrases courtes et percutantes, emplies de convictions et de réalités !
En entrant dans cet antre de l’intimité qu’Annie Ernaux nous dévoile sur un plateau, le lecteur vie en même temps qu’elle ces brides de passés qu’elle nous donne sans discuter : notamment sa première relation sexuelle, cette première expérience, ainsi que d’autres événements plus ou moins liés qui vont s’en suivre.
« Je ne sais plus s’il lui vient déjà à la pensée que c’est « une nuit d’amour », sa première »
Mémoire de fille, c’est aussi une petite leçon qui nous montre que peu importe les fautes/ décisions que l’on a commises/ prises dans le passé, celles-ci restent en nous et nous forgent. Ceci, même si l’on préférerait les oublier, même si l’on aimerait ne plus se rappeler du regard des autres…
Un récit touchant, à sa manière.
Un roman envoûtant qui m’a donné envie de découvrir cette autrice !
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