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jeune encore et déjà lassé du sombre et bruyant paris, alphonse daudet vient de passer les étés dans son moulin de fontvielle, " piqué comme un papillon " sur la colline parmi les lapins.
dans cette ruine ensoleillée de la vallée du rhône , naissent ces contes immortels qui assureront sa gloire. au loin, on entend la trompe de monsieur seguin sonnant sa jolie chèvre blanche. dans le petit bois de chênes verts, un sous-préfet s'endort en faisant des vers. au ciel, où les étoiles se marient entre elles, le curé de cucugnan compte ses malheureux paroissiens. et dans la ville voisine, un jeune paysan meurt d'amour pour une petite arlésienne tout en velours et dentelles qu'on ne verra jamais.
le vieux moulins abandonné est devenu l'âme et l'esprit de la provence. dans le silence des alpilles ou le trapage des cigales et des tambourins, parfumés d'émotions , de sourires et de larmes, ces contes semblent frappés d'une éternelle jeunesse.
Je le lis pour la première fois sur le tard et c'est clairement pas ce que je préfère de Daudet. Même s'il a évidemment un style fort maîtrisé et agréable, ces historiettes ont pour la plupart très peu d'intérêt. Parfois sans sujet particulier. Juste des instantanés de moments ou d'endroits, d'impressions qu'il tenait à décrire.
Je suis étonné de la renommée de cet ouvrage.
Les "Lettres de mon moulin" ont été publiés pour la première fois sous forme de recueil en 1869. Nées des voyages que l'auteur a effectués en Provence, en Corse ainsi qu'en Algérie, ces nouvelles sont parues au préalable sous forme de feuilletons dans le journal "L'événement" sous le titre de "Chroniques provençales". Si la pérennité de ces "Lettres de mon moulin" suscite depuis toujours un débat chez les spécialistes de l'auteur qui attribuent une partie du mérite à un certain Paul Arène, le recueil n'en demeure pas moins l'une des œuvres les plus célèbres d'Alphonse Daudet. Certaines de ces nouvelles – La chèvre de Monsieur Seguin pour ne citer qu'elle – font partie des récits les plus populaires de la Littérature française.
De cette petite trentaine d'historiettes - dont la plupart se déroulent en Provence - se dégage un sentiment de nostalgie mêlé de mélancolie que distille un auteur dont le vague à l'âme semblait persistant à l'époque. Lorsque démarre ce recueil, le narrateur nous explique lors de son installation qu'il a élu domicile dans ce moulin pour s'éloigner de Paris, de son rythme effréné et de son agitation perpétuelle. En Provence, la vie avance plus lentement, le soleil tape fort, la nature est luxuriante et les occasions de faire une halte, de contempler le paysage, de s'interroger sur son existence sont légions. La Provence inspire, la Provence est pour l'auteur un lieu idéal, un décor naturel magnifique qui se nourrit de l'humain. Les journaux sont rares, les bonnes histoires circulent, les contes se transmettent de génération en génération et parviennent parfois jusqu'aux oreilles d'un Parisien échoué par hasard dans un moulin.
Avec un sens du détail évocateur qui nous donne régulièrement l'impression d'être aux côtés du narrateur tant les descriptions visuelles et olfactives semblent à portée de sens, Alphonse Daudet nous raconte la Provence des abbés, la Provence des agriculteurs, la Provence des nantis et celles des petites gens avec parfois un humour un brin acide.
À quelques exceptions près, ces nouvelles sont relativement brèves, ont très peu de liens entre elles si ce n'est le moulin qui apparaît en quelque sorte comme le fil d'Ariane du récit. Il est difficile de parler de chacune d'entre elles. L'exercice serait laborieux et inintéressant dans le sens où toutes ne se valent pas. Certaines de ces nouvelles, en effet, marquent l'imaginaire plus que les autres. Alphonse Daudet visite un grand nombre d'univers, bousculant avec aisance les genres, flirtant avec la satire, le conte, le fantastique, le merveilleux pour mieux révéler les Hommes dans ce qu'ils ont de plus humain, la jalousie, l'envie et bien entendu la gourmandise, péché capital dont un homme d'église fera d'ailleurs les frais dans la truculente nouvelle "Les trois messes basses". Dans cette mélasse humaine emplie de femmes cupides, d'arrivistes sans vertu, de moines vénaux naissent cependant de beaux sentiments telle que l'entraide dans "Le secret de Maître Cornille" ou l'abnégation d'un curé prêt à en découdre avec Saint-Pierre pour le bien de ses paroissiens.
Si l'Homme occupe une place de choix dans ces nouvelles, la nature le domine toutefois d'une tête. Elle n'hésite pas à intervalles réguliers à rappeler à l'envahisseur bipède qu'elle reprend toujours ses droits, qu'elle est nécessaire à notre équilibre, qu'elle se fasse terre nourricière, ou terre vengeresse défendue par une armée de cigales. Cette nature, flore, mais aussi faune, car les animaux ne sont pas en reste dans les "Lettres de mon moulin" et n'hésitent pas à jouer du sabot à l'instar de la mule du Pape qui finit par obtenir sa vengeance.
En marge de cet hommage à la Provence, de ses voyages qui nous emmènent en Algérie, en Corse, dans un phare ou dans la maison d'un poète se dessine au fil de la lecture une idée sous-jacente que l'on aurait tôt fait de mettre en parallèle avec la vie d'un écrivain visiblement perdu entre ses succès critiques récents et son projet artistique. Si la Provence est au cœur de chacune de ses nouvelles, la vision que Daudet nous en donne n'est finalement pas si idyllique qu'elle n'y paraît. La retraite souhaitée se heurte au fil des nouvelles à un mal du pays, à un manque de Paris. Comme tout quidam qui réalise son rêve de vivre sur une île, mais qui revient vidé de ses illusions dans son berceau natal quelque temps plus tard, Daudet donne l'impression qu'il idéalise cette Provence. Les chroniques ont beau se multiplier, le spleen inhérent à l'écrivain demeure et l'enchantement disparaît lentement, très lentement certes, mais sûrement. Un dernier soubresaut "En Camargue", une dernière fulgurance contemplative avant de céder pour de bon à l'appel de Paris comme l'illustre la dernière phrase de "Nostalgies de caserne" : "Ah ! Paris !:.. Paris !... Toujours Paris !
Hommage à la Provence certes et accessoirement méditation sur les affres de la création, "Lettres de mon moulin" est une œuvre ô combien indispensable tant elle rend hommage à une Provence poétique, mythique qui continue de perdurer dans le cœur des locaux, dans l'inconscient collectif, une Provence à laquelle Marcel Pagnol rendra hommage de manière récurrente bien des années plus tard.
Je me rappelle avoir découvert les lettres de mon moulin lors d'un voyage à Saragosse, en Espagne. J'avais alors huit ans et suis entrée chez un petit épicier qui dans un petit panier vendait toute sorte d'objets (foulards, jouets en bois, ...) et une version française des Lettres de mon moulin, publiée aux éditions Flammarion en 1968 (102 ans après la première édition dans le journal parisien L'Evénement!). Je n'ai aucun doute que le destin s'est chargé de mettre sur mon chemin ce petit bijou, et c'est donc avec empressement que je demandai à ma mère qui m'accompagnait de l'acheter et avec avidité que je me mis à la le lire.
Parmi toutes ces belles histoires, j'avoue avoir ma petite préférence : La légende de l'homme à la cervelle d'or. Mon cœur se serre à chaque fois que je la relis, et pour cause : "Malgré ses airs de conte fantastique, cette légende est vraie d'un bout à l'autre..."
magnifique roman qui sent l'air du midi lu pendant mon enfance
un classique, idéal pour découvrir la littérature
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