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Les forêts du nord et de l'est de la France ont de tout temps entretenu des relations fonctionnelles avec le militaire et la guerre. Entre 1815 et 1914, elles jouèrent un rôle inédit dans la fixation et l'aménagement de la zone frontière et contribuèrent à l'édification du système de défense ; entre 1914 et 1918, elles furent décimées sur le théâtre des combats de la guerre de position ; depuis, elles ont participé à la reconstruction et à la patrimonialisation du champ de bataille.
La plupart portent encore les héritages de la guerre et en témoignent. La Grande Guerre fut un puissant agent de transformation des territoires. De la mer du Nord à la Suisse, la déchirure - villages détruits, terroirs agricoles abandonnés, forêts brisées, sols bouleversés - courait sur près de 800 km. Les lieux d'affrontement, aux blessures difficilement effaçables, furent cartographiés sous le nom de «Zone rouge».
Néanmoins, dès l'instant zéro que fut l'hiver 1918-1919, la cicatrisation des milieux s'enclencha, sous l'effet de deux dynamiques végétales ; l'une, spontanée, fut l'oeuvre de la nature, l'autre, contrôlée, fut l'oeuvre des acteurs du territoire, habitants revenus pour reconstruire, associations d'anciens combattants, élus, gestionnaires forestiers. La Zone rouge fut un creuset d'expériences. Durant la Reconstruction (1919-1929), tandis que de jeunes formations végétales s'épanouissaient sur les espaces dénudés et vacants, les pouvoirs publics reconstituaient le foncier.
La domanialisation permit d'identifier des sites de mémoire (tombes, monuments, nécropoles) et des espaces à boiser ; là, fut dévolu à l'arbre et à la forêt un rôle décisif dans la reconstruction des structures territoriales et des paysages. Des relations d'interdépendance inédites se développèrent ainsi entre le biologique, le scientifique, le culturel et le mémoriel, donnant naissance à un type d'écosystème appelé par ailleurs «écosystème patrimonial».
Les ressources patrimoniales des forêts de la guerre sont multiples. Mises en réseau, elles ont ouvert de nouvelles stratégies d'aménagement du territoire, dont s'emparent les collectivités territoriales : classement et protection de sites culturels et naturels, valorisation économique des bois, mise en tourisme.
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