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Le vertige danois de Paul Gauguin C'est un autoportrait en crise, un moment de vertige au mitan de la vie. Face au miroir, un homme aux abois prétend affronter sa vérité, sur la toile. Ce qu'il est, vraiment ? S'il a raison, ou bien tort, de s'entêter à la peinture, rien que la peinture ? Ce qu'il va devenir, surtout... Un artiste reconnu pour tutoyer la lumière, ou alors et à jamais ce fanfaron assisté, ce raté qu'on lui signifie chaque jour qu'il est, ici, à Copenhague, peintre tardif et sans génie, père de famille déchu ne tutoyant rien d'autre que la faillite personnelle ?
Certains destins présentent une véritable dimension romanesque. En littérature comme en art, il suffit d’égrener quelques noms pour que, soudain, des images nous viennent à l’esprit. Arthur Rimbaud, ses fulgurances poétiques et ses amours impossibles. Frida Kahlo, son accident et sa bissexualité assumée. Andy Warhol, ses amis célèbres et ses frasques. Le meilleur exemple reste Vincent Van Gogh dont la vie passionnée a longtemps éclipsé la peinture dans l’esprit du grand public. Paul Gauguin est également la source d’un filon visiblement inépuisable de publications, de la monographie à la bande dessinée. Dans sa vie, vous trouverez tous les ingrédients pour un livre, du plus passionnant au plus exécrable. Ses origines, ses ruptures, ses accidents … D’abord pilotin sur un bateau, puis agent de change, pour finir en peintre postimpressionniste. Et que dire des lieux servant de décors à ses aventures : le Pérou, Panama, le Danemark, Pont-Aven, Tahiti et les Marquises ? Ils sont tous teintés de cet exotisme sauvage qui auréole les grands baroudeurs du genre Henry de Monfreid (dont Gauguin connaissait le père). De plus, il sacrifie confort occidental et sécurité familiale pour un monde plus originel, plus naturel, moins frelaté (du moins, le croyait-il). Paul Gauguin, le colocataire de Van Gogh à Arles. Paul Gauguin, l’amateur de belles Polynésiennes. Aussi « le Vertige danois de Paul Gauguin » présente-t-il le mérite de romancer une période très peu documentée de la biographie officielle de l’artiste. En 1884, il est à Copenhague en famille. Il n’est guère apprécié par ses beaux-parents. Et tout se joue en ces quelques mois de remise en question, il prend la décision d’abandonner femme et enfants pour devenir peintre, au risque d’être jugé amoral. Ce sont donc les étapes d’un parcours introspectif, plutôt lent, avec ses replis sur lui-même jusqu’à la prise de décision finale, le départ avant de rejoindre la Bretagne. Ce n’est donc pas une monographie supplémentaire mais bien une tentative d’explication d’un choix existentiel, ce genre de choix qui conditionne toute une vie.
Mais le filon romanesque se tarira-t-il, un jour ? Je ne le pense. Il y aura toujours une certaine fantasmagorie autour des personnalités trop grandes pour le monde où elles vivaient.
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