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« Heureux qui a vu le jour se lever sur le pont de Bezons ». C'est la première phrase de ce roman dont le projet consiste « à mener sur les berges de la Seine, entre Melun et Mantes des reconnaissances aléatoires, au fil des saisons, dans un désordre voulu ». Mais très rapidement ces déambulations prennent des allures de petite odyssée sur les berges du fleuve, au coeur de banlieues bousculées, parcourant des espaces fracassés, des friches et des zones industrielles. Traversée du monde d'à côté, celui que nous ne voyons plus depuis des décennies. De micro-événements prennent une tournure fatale et romanesque, comme la fermeture d'un Mc Donald's à Bezons ou des parties de pêche organisées par des Roms. On y croise des réfugiés tibétains sur une péniche à Conflans, un café kurde révolutionnaire à Corbeil, un restaurant brésilien, des mosquées salafistes à Saint-Denis, une base assez confidentielle de la marine nationale... C'est le roman discret d'un monde bouleversant de solitude, d'oublis, de ruines et de décomposition. Au coeur de ce parcours, il y a aussi les retrouvailles avec une vieille cousine et la maison de Carrières-sous-bois qui cache un secret de famille que le narrateur révèle pour la première fois : le fantôme de l'oncle Joseph. Mais le chaos de ce monde périphérique, sous le regard aigu du narrateur, cache lui aussi un mystère : la présence de toute une vie sauvage et animale nichée souvent dans d'improbables lieux. Oiseaux rares, cygnes sauvages, poissons... Avec humour, Jean Rolin traque les détails des existences, des paysages, des lieux, et les traces historiques d'un décor périurbain qui devient sous nos yeux le roman contemporain de notre abandon.
"Dans sa partie haute, la rue Pierre-Brossolette présente un échantillonage de commerces et d'enseignes caractéristique d'une commune de banlieue, entre la boutique Lycamobile ( Appeler le monde pour moins cher !) , le Chick'n King halal, le salon de coiffure Peigne Affro's ou le 350 Street Pizza, sans oublier, ancrés dans une tradition plus ancienne, la boulangerie-pâtisserie, le fleuriste, le vétérinaire et le laboratoire d'analyses."
Un échantillon de ce que vous lirez pendant 240 pages.
De Mantes à Melun, Jean Rolin nous convie à une balade pittoresque le long des berges de la Seine.
Un objectif affiché; celui d'assister au lever du jour sur le pont de Bezons (sur les traces des Impressionnistes)
Un prétexte pour découvrir un environnement méconnu.
Zones industrielles, friches agricoles, citernes d'hydrocarbures, logements et camps précaires, décharges sauvages et déchets insubmersibles cotoient linottes et ragondins.
En tendant l'oreille et en ouvrant les yeux, le grèbe castagneux, le pic épeiche, la mésange et la bernache s'accomodent de cet environnement hostile.
Même, les ronces, les mousses les buddleias et les clématites sauvages parviennent à égayer le tableau.
L'auteur dévoile les indices de la transformation sociale, de la paupérisation et l'éthnicisation de quartiers entiers des villes traversées.
Vous y apprendrez même que Mme de Sévigné a séjourné à Villeneuve-St-Georges (... )
Un incroyable ouvrage dans lequel on peut suivre l'auteur au fil des rues, des chemins de traverse sur lesquels peu d'entre-nous s'aventureraient.
L'auteur pousse le vice à effectuer des recoupements avec Google Earth et une bonne vieille carte IGN quand le doute s'installe .
Au détour d'une décharge sauvage, vous assisterez à la naissance de bébés cygnes....
Du Rolin dans le texte .
Un excellent moment de lecture !
Une lecture d'où n'émerge pas un certain intérêt après avoir pourtant insister pour trouver ce qui pourrait le susciter ne mérite pas qu'on la prolonge ! Cette pérégrination sur les bords de seine entre Mantes et Melun avec des descriptions cliniques d'objets souvent industriels (sous la forme de vestige ou en activité) est lourde et l'attente d'une histoire qui pourrait égayer la narration est vaine !
Un livre reçu dans le cadre du Cercle livresque. J'en remercie vivement Lecteurs.com et les éditions P.O.L.
Ce n'est pas un roman.
Ou bien ce serait le roman des temps d'avant. Est-ce pour cette raison que ce non-roman m'a à ce point captivée ? Probablement. Mais probablement aussi que l'écriture et le traitement de ce "walk-movie" ont participé de cette fascination.
Durant un an, "du début du mois d'août 2018 [à] la fin de ce même mois l'année suivante", le narrateur arpente les rives de la Seine dans la portion comprise entre Melun et Mantes et, avec un scrupule proche de la maniaquerie, nous fait part de tout ce qu'il voit. C'est surprenant, troublant et, au sens propre comme au figuré, désorientant.
Je me suis laissée porter par cette écriture qui découpe le réel aux dimensions du champ de vision et l'enregistre au rythme des pas du promeneur, tout en laissant la marge nécessaire à l'envol de l'imaginaire. Finalement, c'est un peu comme si "Le Pont de Bezons" constituait un creuset de romans potentiels, de tableaux non encore créés, de vies en fragments auxquelles un récit pourrait donner unité et sens. Mais le narrateur ne fait que passer, noter et rapporter les menus évènements qui surviennent au fil de ses déambulations : une rencontre au café Mekan ; une conversation avec M. Loutre, facteur et pêcheur de carpes ; une chute le long d'un talus... Au lecteur de se représenter les lieux à l'aide des précisions minutieuses du promeneur et de poursuivre des histoires à peine esquissées.
Cette démarche accompagnée d'une écriture qui tutoie parfois l'hyperréalisme ouvre des abîmes de méditation. Le curseur temporel, comme les distances et les paysages, ne cesse de se déplacer tout en gardant pour pivot l'année 2018-2019 : incursions dans le passé lointain pour quelques annotations historiques en relation avec les édifices qui ponctuent les randonnées ; temporalités croisées des journées de marche étalées sur plusieurs saisons ; cycle engendré par la disparition des camps roms et leur surgissement ailleurs, un peu plus loin, auquel répond, comme en écho, le cycle naturel d'une naissance de bébés cygnes ; souvenirs d'enfance revivifiés par une maison...
Objets insolites (basket coincée entre deux dalles de béton, moto suspendue, pantalon flottant entre deux eaux...), détritus divers, friches industrielles, maisons délabrées, jalonnent l'itinéraire qui, par le relevé minutieux de tous ces indices, prend une dimension archéologique. Ces vestiges forment les strates temporelles de la présence et de la vie humaines sur ces rives de la Seine et engagent le lecteur à une mise en perspective des époques encore proches mais déjà révolues. Ce pourrait être d'une sombre mélancolie si le ton que privilégie l'auteur n'était celui d'une subtile ironie face à ces empreintes dérisoires mesurées à l'aune de l'arrogance humaine.
J'ai également lu le livre de Jean Rolin comme le témoignage d'un temps fabuleux qui date d'à peine deux ans. Un temps qui prend des dimensions mythiques aujourd'hui et dont on regrette de n'avoir pas suffisamment tiré parti.
Ce temps si proche où nous pouvions marcher sans souci de distance, ni de temps, où il était possible de passer une nuit à l'hôtel pour voir "le jour se lever sur le pont de Bezons", où se désaltérer dans le premier café rencontré ne relevait pas d'une somme de transgressions inconcevables, où prendre le RER jusqu'à la limite du Pass Navigo ne constituait pas une prise de risques inconsidérés...
"Le Pont de Bezons" a suscité une soif de découvertes impromptues, des envies d'itinéraires vagabonds, des désirs de chemins buissonniers. Tous ces chemins parcourus en compagnie d'un narrateur curieux, d'une érudition toujours teintée d'humour, m'ont vraiment passionnée et j'aurais volontiers prolongé le voyage !
« Chanter Bezons, voilà l'épreuve » aurait écrit L.F Céline .
On ne saurait dire que Jean Rolin « chante », célèbre la ville ou son pont qui enjambe la Seine à mi-chemin entre entre Melun et Mantes. Même s'il fait de fréquentes allusions à cet « ouvrage d'art », à son état, son histoire, c'est surtout parce que celui-ci constitue une sorte de point de repère au milieu des bords de Seine qu'il s'est donné comme objectif d'explorer, et parce qu'il rêve d 'y voir un jour le soleil s'y lever ….
Ce parcours de découverte qui ne suit aucun logique géographique s'est fait de manière éclatée, sur une année, par étapes, à pied, mais ne semble pas avoir été pour lui une épreuve physique.
L'épreuve, elle fut plutôt pour moi, qui m'attendais, comme indiqué sur le site de l'éditeur POL, à lire une « petite odyssée » , peut-être dans la veine de celle de L'EXPLOSION DE LA DURITE ou de L'ORGANISATION , 2 romans que j'avais appréciés, en leur temps .
A part quelques passages où l'auteur évoque quelques silhouettes rencontrées en chemin ou quelques échanges dans des troquets d'immigrés et quelques lignes où notre arpenteur des berges qu'est Jean Rolin suscite la méfiance chez certains marginaux qu'il dérange dans leurs activités, l'ouvrage est dépourvu d'enjeux dramatiques .
Rien de romanesque non plus, si ce ne sont les quelques pages consacrées à son mystérieux oncle Jef qui font remonter des souvenirs d'enfance, du temps où de belles villas se nichaient sur les bords de Seine . Son récit est essentiellement descriptif et consiste en une succession d'observations très précises sur le paysage rencontré . A la manière des impressionnistes, qui ont peint les bords de Seine, il « écrit sur le motif ».
Si l 'habitant de la région parisienne peut trouver dans cet ouvrage matière à intérêt, la provinciale que je suis, qui n'a eu qu'une vue globale et rapide des berges en passant en voiture, s'est vite sentie perdue dans tous ces allers et retours géographiques et chronologiques et s'est vite ennuyée
Toutefois ce qui m'a raccrochée au récit, c'est l'angle sous lequel Jean Rolin place son regard, c'est aussi son écriture pleine de finesse.
Car Rolin possède l'art de déceler la vie secrète d'un paysage .
Il capte les vibrations de la lumière, s'attache à des détails insolites. Son regard acéré sait déceler la présence immobile de la vie animale.
Ces lieux autrefois consacrés à l'activité industrielle, désormais dégradés sont devenus des zones de décharges sauvages où s'entassent épaves et détritus, où des bâtiments abandonnés envahis par la végétation, servent d'hébergement à des marginaux. La prévalence du champ lexical du délabrement confère à ces ruines une poésie nouvelle. Elles apparaissent comme le siège d'une vie cachée, d'un désir de résistance, d'une volonté de survie.
J'ai donc fini par surmonter l'épreuve et ne regrette pas cette lecture; j'ai découvert une autre facette de Jean Rolin qu'il a dû développer, si j'en juge par les titres, dans d'autres ouvrages parus précedemmant CHEMINS D'EAU, ZONES , TRAVERSES, CAMPAGNE .
Un autre titre attire mon attention, CHERBOURG OUEST, CHERBOURG EST, des lieux qui me parlent et vont sûrement réveiller en moi des souvenirs …..
Merci à Lecteurs.com de m'avoir permis de lire ce récit dans le Cadre du Cercle livresque .
Drôle de livre ....
Plus un guide touristique, un guide qui aurait du être publié par la Fédération Française de Randonnée Pédestre !
On voyage avec l'auteur de Melun à Mantes sur les bords les plus inattendus de la Seine.
L'auteur a une telle maîtrise de la langue, une description des sites si précise, qu'on arrive quand même à lire le livre en diagonale. Par contre je ne laisserai pas de pourboire au guide à la fin de l'excursion ! Il ne faut quand même pas exagérer :)
Il serait fort réducteur de résumer ce livre à une banale promenade le long de la Seine entre Melun et Mantes, deux villes marquées par la limite de validité d’une carte Navigo. Pourtant c’est cela aussi. Paradoxalement, c'est une balade à pied, lente et solitaire, sur un trajet que des milliers de Franciliens empruntent au quotidien dans la vitesse et l’empressement des transports en commun.
Jean Rolin nous rapporte ici quelques arrêts sur image qui traduisent l’abandon. Comme dans beaucoup de ses écrits, il nous invite à voir ce que nous regardons sans voir ou en ne voyant plus, voire ce que nous ne voulons pas ou plus voir. Abandon du regard..
Ayant grandi et vécu dans la région sise le long de la Seine de Corbeil à Paris, le livre a opéré sur moi un phénomène de mémoire et m’a projetée plus de cinquante ans en arrière.
Je n’ai pas vraiment été dépaysée concernant ce qui est rapporté de sa promenade le long de la Seine.
Les bords de fleuves ont toujours un côté d’usines bruyantes ou désaffectées, de silos de sable et graviers, d’odeurs de fuel et de souffre, de ruine et de saleté entrecoupé par des endroits boisés et fleuris où on rencontre ci et là des pêcheurs à la ligne, puis rattrapés par des friches, des décharges sauvages, des flottaisons de morceaux d’arbres et de racines, des tas de ferrailles rouillées, des détritus de toutes sortes bien souvent polluants, pneus et épaves, des campements nomades et se promener seul sur les berges vous remplit toujours d’une inquiétude plus ou moins grande.
Si quelques auberges au bord de l’eau tiennent encore le coup, elles sont rares et ont vite été financièrement noyées et remplacées par l’arrivée des chaînes de restaurations rapides, McDos, Courtepaille, Buffalo Grill, et hôtels bon marché style Etap 1 ou Ibis budget…
Donc, moi, j’ai retrouvé les bords de la Seine tels qu’ils étaient à peu près, déjà il y a cinquante ans et pour l’anecdote, la pelleteuse solitaire et immobile qu’il voit en bas de la côte de Champrosay y était déjà il y a quarante ans… Une question de remblais et limon, si mes souvenirs sont bons… La pelleteuse remplissait déjà un camion benne de temps à autre.
Les traces de jardins sont probablement celles des maisons qui ont dû être rasées vu les inondations successives du fleuve et infiltrations d’eau car à cet endroit le sol est profondément argileux.
L’abandon des berges était déjà là quoique les communes savent très bien ce qu’il s’y passe et que les berges sont très surveillées. Mais oui, il y a une atmosphère d’abandon et de saleté et déjà dans les années 70 nous maugréions concernant leur mauvais entretien et dénoncions quelques décharges et trouvions les péniches polluantes bien que, adolescents, nous aimions aller faire des feux et jouer de la guitare sur des petites criques sableuses sympathiques. Chose qu’un promeneur comme Jean Rolin ne sait pas par exemple est qu’il ne faut pas se rafraîchir les jambes en certains endroits truffés de sangsues.Une de mes copines en avait fait les frais.
Champrosay, ses illustres habitants (Nadar, Les frères Goncourt, Alphonse Daudet, Eugène Delacroix pour ne citer qu’eux) et leurs invités dont Renoir qui laissa à la postérité un tableau intitulé ‘Les berges de la Seine à Champrosay’, aurait mérité trois ou quatre lignes mais je comprends que l’auteur ne s’en est tenu qu’à une expression de l’abandon. Ce qui n’est pas le cas de Champrosay.
Toutefois, ne le savait-il pas, mais le pont de Ris, comme celui de Bezons, a été bombardé pendant la guerre et longtemps quand j’étais môme, j’ai emprunté le pont en bois à une voie que les Américains avaient construit et qui desservit le passage entre Ris-Orangis et Draveil Champrosay pendant plus de vingt ans, avant d’être détruit et remplacé en 1966 par le pont moderne actuel. Je n’ai pas connu le garde qui y officiait la circulation mais j’ai bien connu sa maison sur la berge côté Ris, transformée en centre de concerts rock/pop et restauration bon marché. J’ai connu les feux de signalisation précaires qui avaient remplacé le gardien.
Je suis embêtée avec donner mon avis sur ce livre car je connais ce tronçon de Seine et sa région comme toute personne qui y a vécu et donc j’ai une foule d’informations qui me démangent à ajouter au livre… Bon, revenons au livre.
Jean Rolin marche le long de la Seine et dévie peu des berges… C’est un promeneur armé d’un calepin et d’une paire de jumelles pour observer les oiseaux somme toute très nombreux surtout avec la forêt de Sénart limitrophe en Essonne et les nombreux parcs ci et là dont celui de Gennevilliers.
Corbeil qu’il décrit comme étant assez glauque, l’était déjà par le passé. C’est une des premières villes de la région qui reçut de nombreux ouvriers arabes et a été le théâtre de ces immondes « chasses aux ratons» (ou ratonnades) dans les années 60.
Ironie du sort, si ma lecture m’a propulsée dans le passé jusqu’à mon enfance, l’écriture a renvoyé Jean Rolin à la sienne ! Villeneuve-le-Roi et Ablon lui feront resurgir des souvenirs personnels quand il était un petit garçon avec son frère Olivier, renouer avec une cousine oubliée et découvrir un secret de famille.
Il y voit des péniches à demi immergées sous les frondaisons. A Conflans, une autre péniche baptisée «Je sers » héberge des Tibétains en exil. Et avant cela deux jonquilles, les premières de la saison. Les fleurs et la végétation sont très présentes dans le récit. Imperturbables les clématites devenues sauvages, les pâquerettes et autres végétaux savent se frayer un chemin contre toute attente.
Jean Rolin ne parlera pas franchement d’immigration ou de population musulmane invasive dans les villes de banlieue mais notera des mendicités pour des œuvres islamistes ci et là, une accumulation de boucheries Halal, de Kebabs et de salons de coiffure en masse tenus par des arabes et des africains en remplacement des anciens petits commerces d’antan.
Après avoir rencontré un camp de réfugiés afghans sur les berges de Choisy, il entre dans la ville.
A juste titre, Jean Rolin croque une image d’abandon et ironise sur l’état de la cathédrale Saint Louis à Choisy-le-Roi, un lieu de culte catholique toujours en activité. Je connais bien Choisy.
Il est vrai que c’est triste de voir cette cathédrale construite sous Louis XV dans un tel état de décrépitude. Les vitraux, à force d’être dézingués, sont remplacés par des contreplaqués recouverts de solides grilles mais tordues et forcées avec acharnement, le tout repeint d’une épaisse couche de fientes de pigeons. Parle-t-on ici de l’abandon du clergé ?... pourtant toujours très présent. Et je vous renvoie sur Google concernant l’histoire de cette cathédrale qui en a perdu la fonction mais gardé le titre car elle est particulièrement atypique et si le bâtiment semble menacé, elle n’est pas du tout abandonnée et fait l’objet d’attention et protection de toutes sortes.
Avant qu’il ne soit inscrit « salle Jean Jaurès » sur son fronton, en 1792, le curé Leverdier y fit marquer «Liberté Egalité Fraternité » dont la trace est gardée sur le fronton de la façade sud du chevet. Le pavillon royal de cette cathédrale, actuelle salle Jean Jaurès, a partagé et continue de partager son rôle de culte avec l’État en y hébergeant successivement une salle des gardes, un tribunal révolutionnaire, la mairie, un poste de police, les pompiers, la Croix Rouge, une bibliothèque.
Le grand orgue donne toujours quelques concerts et est très encadré par l’association nationale « Les amis de l’orgue ».
En hommage au Choisyen, Rouget de Lille, le clocher nous donne à entendre tous les midis La Marseillaise, l’Ave Maria soir et matin et comme le truc est un peu détraqué des fois on entend rien ou des fois, on entend ‘sonner’ La Madelon à l’heure des vêpres.
Choisy aurait mérité elle aussi trois ou quatre lignes. A 50 mètres du parvis se trouve la statue du Choisyen Rouget de Lille et 50 mètres plus loin l’ancienne mairie, une maison qui n’est plus viable (abandonnée mais sous surveillance), propriété qui descendait jusqu’à la Seine construite à la demande de la Grande Mademoiselle, duchesse de Montpensier et où ensuite, Louis XV aimait y voir Mme de Pompadour.
Le parc a été en grande partie abandonné et y sont aujourd’hui construites d’immenses tours HLM sur le parvis du RER donnant sur la Seine.
Ce qui reste du parc est très bien entretenu tout comme le très agréable petit jardin légué par le curé à la ville, côté gauche de la cathédrale quand, côté droit on patauge toujours dans des liquides nauséabonds venant des halles voisines aux écoulements divers et variés de tuyauteries rouillées et d’égouts débordants et dégoutants bien que la Ville passe son temps à nettoyer à grands coups de jets d’eau et balayages.
Par ailleurs, le parc des sports interdépartemental de Choisy et son île aux oiseaux est fabuleux et magnifiquement boisé et bien entretenu sinon que des colonies d’outardes (grosses oies bernaches du Canada) envahissent de plus en plus l’espace vert le long du lac et se mêlent à la vie des canards, cygnes, poules d’eau, aigrettes, tribus de canards blancs de Chine et toutes sortes de volatiles qui font des tit-tut et des cuicui bien agréables à entendre le long de nos promenades.
Donc, où se situe l’abandon ? La ville est très active (tenue par les communistes pendant plus de 60 ans et qui vient de virer LR aux dernières élections municipales et un vote massif pour Le Pen aux Européennes). Il ne manque rien aux Choisyens en matière culturelle, sportive, administrative et de loisirs. Pourtant la population bourgeoise, ouvrière et commerçante a déserté la ville. Abandon …. Pour laisser place à un fumet constant de poulet grillé, une myriade de coiffeurs, kebabs et boucheries Halal en grand nombre et un marché qui ressemble plus à un immense souk (d’ailleurs très intéressant car on trouve de tout à prix cassé)…
Jean Rolin va passer par Villeneuve Saint Georges et écrit avoir compté pas moins de onze coiffeurs dans la courte rue de Paris (probablement pour beaucoup, tenus par des organisations plus ou moins mafieuses) dont un chez qui il acheta un magazine affiché en vitrine et titrant « Demain la ruine de l’Europe» ; « Pourquoi et comment les Européens émigreront à pied en Afrique ? » Notre grand écrivain érudit toujours curieux de tout, sans se départir de sa causticité, réalise qu’il s’agit d’une revue kimbanguiste et s’inquiétant auprès du garçon coiffeur de ce qu’il devrait faire le moment venu, ce dernier lui répond de venir le chercher et qu’il lui montrerait alors comment faire.
Cela prête à sourire bien évidemment mais ma mémoire de la rue de Paris dans les années 70 est celle d’une rue commerçante achalandée. Il y avait des boutiques de mode, un ou deux chausseurs, une librairie papeterie, un disquaire, une petite crêperie sympa et un bijoutier où je me rappelle avoir acheté à mon fiancé d’alors une paire de boutons de manchettes en quartz blanc et rubis quelque peu onéreuse. Le livre continuant à presser sur le bouton de ma mémoire…
Ici aussi, les commerçants ont déserté… Abandon mais pourquoi ? Les grandes surfaces y ont elles joué un rôle ? Le made in China ? La surconsommation ? La défection commerçante des centres villes a-t-elle joué un rôle dans le changement de la population qui est à présent à forte concentration d‘origine africaine et arabe ? La France n’a-t-elle pas fait venir ces gens pour pourvoir à tout un tas de boulots ingrats, durs et mal payés ? Et maintenant, ces gens seraient trop nombreux, bruyants, certains de leurs enfants pris en étau entre deux cultures dérivant vers la délinquance, gênants avec leurs façons de vivre ? Un peu comme les Bernaches… Bien accueillis mais devenus trop nombreux, envahissants et de plus en plus indésirables… Avec un climat d’insécurité grandissant, les habitants ont déserté et abandonné leurs centres villes. Abandon des populations…
A Vigneux, les Roms sont chassés de partout. (En fait, leurs camps de nomadisme sauvage sont une plaie pour les municipalités qui pourtant leur offrent des solutions d’hébergement qu’ils refusent ou détériorent systématiquement sans compter les recrudescences de vols et cambriolages alentours).
Les terrains labourés dont témoigne Jean Rolin, sont une des solutions pour qu’ils n’y puissent plus camper.
Dans le livre, on retrouve des Roms en bord de Seine à pêcher la carpe, (note personnelle : la carpe est symbole de force et persévérance car c'est le seul poisson à savoir nager à contre-courant). ..
A la différence des forains, manouches, tziganes et gitans de nationalité française qui ont acquis des terrains privés vus par l'auteur lors de son cheminement, pour y garer leurs caravanes depuis qu’ils ne trouvent plus de campings municipaux pour les accueillir (autre abandon…) et comme tout un chacun payent des impôts locaux et dont les enfants suivent l’école via le CNED obligés par la loi, les Roms eux ne sont que de passage. Ils gardent leur nationalité principalement roumaine. Ils sont spécialisés dans la ferraille, le vol et la mendicité et quand on parle des outardes, j’y vois une certaine similitude… On les repousse. Ils s’installent ailleurs. Et c’est sans fin.
Au Petit Gennevilliers, Jean Rolin dénichera en bordure d’un parking derrière l’usine Safran, le fantôme de Caillebotte et ceux de Monet et Karl Marx à Argenteuil. A Bezons, il se rappellera de Céline.
Nous retrouvons Jean Rolin sur un bord, une bordure, sur les berges entre la Seine et les villes comme il nous a si souvent embarqués dans ses livres précédents, au bord des rails et du périphérique, au bord de la guerre, sur des frontières, au bord des dépressions humaines des fois et, cette activité de funambule intellectuel voyageant ou se promenant sur un fil, qui devient le fil de ses récits, nous fait découvrir l’état du monde sans jamais critiquer ou prendre parti.
C’est un constat toutefois mélancolique et amer de l’esseulement et l’abandon avec un regard plein d’empathie sur la misère et l’errance. Un questionnement sur notre société.
Les oiseaux prennent une grande place dans le récit et eux aussi ont bien souvent du mal à se loger, à se nourrir et à survivre. La population des migrantes Bernaches du Canada se fait de plus en plus remarquer par leur présence invasive et leur comportement inadéquat dans la mesure où se nourrissant exclusivement d’herbe, elles dévastent sans vergogne, jardins, pelouses et terrains de golf entre autre. Autant elles étaient bienvenues, autant elles commencent à devenir persona non grata... d’autant plus qu’il leur arrive d’être agressives… Ces oies, beaux gros oiseaux, viennent récemment de basculer dans la catégorie des nuisibles…
Jean Rolin et sa cousine observeront deux couples de cygnes, l’un confortablement logé côté cousine, l’autre en équilibre précaire sur un tas de ferrailles et de bris de verre entouré d’un dépotoir côté Seine mais chacun donnera naissance à de beaux bébés cygneaux en dépit de leurs différences de logements … Les oiseaux aussi peinent à vivre dans un environnement de plus en plus pollué et délétère.
Pollution… Abandon…
J’ai adhéré aux pages de ce livre comme la truffe d’un chien collée à un chemin d’empreintes qui ont réveillé une foule de souvenirs dans des détails surprenants gardés dans ma mémoire et que pourtant je croyais oubliés.
Comme à chaque fois que je lis cet auteur, j’ai trouvé une assiette culturelle bien pleine et me suis enrichie. Le livre pose question sur notre société. L’auteur nous laisse y réfléchir. Ouvrir les yeux… Sommes- nous à la dérive, vraiment ?
Oui. Le manque d’entretien des banlieues est patent malgré les efforts et le bétonnage incessant pour des logements, des routes, des parkings et des trams.
Entre exclusion, misère et inquiétude, des sectes de toutes obédiences tiennent serrés des populations en plein désarroi et soufflent sur les braises pour activer le feu des différences et de la haine. La délinquance de plus en plus violente et imbécile propage un climat d’insécurité.
On entend souvent parler de l’abandon des autorités pourtant que peuvent faire les mairies face à une mondialisation en désordre, souffrant d’une économie précaire, nous menant grand train vers un futur incertain, très éloigné du romantisme apaisé qu’en avait témoigné un Maupassant et maintes impressionnistes.
Je suis aussi une usagère des transports en commun m’enfournant tête baissée dans la foule des bus et des RER, regardant par les vitres sans voir, pressée d’arriver à destination dans une totale indifférence de ce qui se passe en dehors et j’avoue que je me fous alors éperdument des clématites sauvages s’agrippant sur des murs noirs tagués et en ruine qui longent les voies ferrées .
Et jour après jour, les années passent…
Ce récit d’une certaine mélancolie, parmi tous les silences bavards que l’auteur nous livre est très loin de la résignation. Il pose question. Il secoue…
Imperturbable la Seine continue de couler sous le pont de Bezons éclairé d’éternelles brumes matinales et couchers de soleil, qu’on vienne indifféremment de Corbeil ou de Meulan.
Un pont aux piliers tagués qui fut souvent détruit et reconstruit pour nous transporter d’une rive à l’autre ainsi va le cours de nos vies.
Un texte érudit, intelligent, fort et délicat, humaniste, créé par un promeneur discret et inquiet à raison qui sait écrire et transmettre.
Je reste avec en tête, les images d’abandon silencieux que dépeint Jean Rolin.
Une promenade bien intranquille, in fine…
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Le regard d'un parisien, different de celui de la provinciale que je suis.
Nous nous rejoignons toutefois pour saluer la qualité littéraire de l'ouvrage.