Ce sont les 10 livres que vous avez le plus aimés en 2017
« Venge-nous de la mine », avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui ai promis, poings levés au ciel après sa disparition brutale. J'allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, parti en paysan. Venger ma mère, esseulée à jamais. J'allais punir les Houillères, et tous ces salauds qui n'avaient jamais payé pour leurs crimes.
Ce sont les 10 livres que vous avez le plus aimés en 2017
C'est la séance rattrapage : tout ce qu’on avait envie de vous dire, et qu’il ne fallait pas manquer
Chaque mois, nous partons à la rencontre d'un lecteur qui découvre et chronique un roman. Joëlle a un coup de coeur pour "Le jour d'avant" de Sorj Chalandon #RL2017
Depuis "Profession du père" il séduit ses lecteurs, mais quelles sont les lectures de Sorj Chalandon ?
Très bel hommage à un peuple, à une région, à une profession qui se s'est sacrifiée pour creuser, sortir le charbon tant nécessaire à la France.. À travers cette famille Flavent, on vit leur quotidien avec leur souffrance. Se produit la catastrophe du 27 décembre 1974 où périssent 42 mineurs à Lievin. Tout un peuple, toute une région, toute une profession en deuil.
Michel nous raconte dans un premier temps son enfance dans le Pas-de-Calais, dans le secteur des mines, la fameuse catastrophe de 1974 pendant laquelle 42 mineurs sont morts, dont son frère. Par la suite, il part sur Paris et on le retrouve à la veille de la retraite, aux côtés de sa femme mourante, atteinte d'un cancer.
A la mort de celle-ci, Michel décide de retourner dans sa région natale. Jamais remis de la mort de ce frère qu'il vénérait, il veut se venger.
Le début est très émouvant et la suite n'est pas sans surprise.
L'auteur en profite pour nous éclairer sur un passé assez récent finalement (j'étais née...), sur le passé de ces mineurs ayant vécu des conditions de travail déplorables (et encore le mot est léger) et sans qu'aucun des responsables n'en soit accusé.
Michel Flavent "broie du noir": celui du deuil, celui qui lui bouffe la tête et le coeur, celui du charbon qui lui a ravi son frère Joseph, un surlendemain de Noël en 1974, lors de la catastrophe minière de Liévin:
fosse 3 de Saint-Amé : 42 morts + son frère Joseph.
Michel qui, 40 ans après est toujours cet homme en colère qui a promis à son père retrouvé suicidé d'honorer sa dernière volonté : " venge nous de la mine".
Un rapport rendu quelques années après la catastrophe dédouanera la hiérarchie des Houillères; un procès suivra, qui ne saurait apaiser Michel car son frère est mort et les responsabilités minorées reconnues aux dirigeants laissent sa douleur à vif.
Et de ressasser ses souvenirs heureux d'autrefois qu'il trimballe en bandoulière, du temps où il jouait au galibot et montait sur la mobylette de ce frère tant admiré.
Michel n'aura de cesse que de retrouver celui qu'il pense responsable de la mort de son frère, un certain Dravelle, porion à l'époque.
Ce roman est la quête obsessionnelle d'un homme, obnubilé par un sentiment d'injustice, ou plutôt, embarqué dans un douloureux processus de reconstruction. Car Michel, depuis le drame, s'est replié sur sa souffrance et sur l'idée qu'il s'est faite du drame. Mécanisme de défense et refus de reconnaître la réalité...oui mais...quelle réalité ?
Après la 1ère partie, consacrée essentiellement à la catastrophe, la seconde, celle du procès de Michel pour les raisons qu'il vous faudra découvrir, amène à la compréhension du titre...et quelle surprise !
Il faut replacer le procès de cet homme dans le contexte d'une époque finissante, celle d'une production charbonnière en déclin, celle aussi de ces mines qui régulièrement assassinent.
Avec le procès de Michel, c'est aussi le procès de la Mine et d'une justice défaillante à l'époque des faits . La mine présentée par S. Chaladon comme ce monstre tentaculaire qui tue dans les galeries et silicose les survivants; la mort qui s'infiltre dans les corps et les esprits, avec la poussière de charbon.
Roman totalement bouleversant qui mêle grande et petite histoire, drame collectif et tragédie personnelle.
Les mots de S. Chalandon nous entraînent dans la douleur et le désespoir de toutes ces familles dévorées par le charbon, dans les entrailles de la terre meurtrière, dans la douleur des veuves en sursis, dans les souffrances des gueules noires.
Très beau roman sur la fragilité des représentations mentales, sur les confusions émotionnelles, sur la culpabilité, sur les risques de l'enfermement dans le passé.
Avec force, sensibilité, humanité...
Magistral !
« Au nord, c'était les corons,
la terre c'était le charbon,
le ciel c'était l'horizon,
les hommes : des mineurs de fond »
Pierre Bachelet
Sorj Chalandon ne cite aucunement les paroles de cette chanson dans son livre, paroles qui situent si justement le décor de fond où se déroule cette bien triste histoire.
Je lis pour la première fois cet auteur et je me trouve dans un roman noir, je dirais même noir charbon.
Joseph et Michel sont nés près de Liévin, cité minière du nord de la France. Leur père était paysan et non mineur mais Joseph, attiré par le travail au fond, quitte l'exploitation pour s'engager aux Houillères.
Peu après son embauche, un matin il ne rentre pas et ne rentrera pas, il y a eu un coup de grisou au puits 3bis, il fait partie des blessés et mourra quelques temps après sans avoir repris connaissance.
L'accident serait dû à une négligence dans la sécurité, trop de poussière sèche ce qui a provoqué le coup de grisou, le porion, responsable serait Lucien Dravelle.
Suite à son décès son père se suicide. Il laisse un mot à son fils « Michel, venge-nous de la mine ».
C'est beaucoup de malheur pour un jeune homme épris de course automobile. Michel ne descendra pas à la mine, il sera chauffeur routier et comme les malheurs s'accumulent, il perd sa femme.
Tout au long de sa vie il ne cesse de penser à la vengeance ! Il y arrivera et un procès suivra !
Pour ne pas spolier je m'arrête là.
C'est la première fois que je lis cet auteur (bien qu'il soit depuis très longtemps sur ma liste), je ne suis pas déçue, quelle belle écriture ! quel beau récit ! Les différentes périodes (1974 et 2014) se croisent avec beaucoup d'adresse sans gêner le cours de la lecture. La cerise sur le gâteau est le retournement de cette histoire alors là quelle chute ! je dis chapeau Monsieur Chalandon !
Un récit riche qui nous fait vivre ce qu'était la mine, la triste vie des mineurs et de leurs familles, leur mort certaine (soit par accident et la silicose pour les rescapés). Et puis, cette histoire parallèle qu'est celle de Michel, construite sur le mensonge, celle de son avocate, son procès etc…. Un livre qui retient le lecteur jusqu'à sa dernière page.
Michel Flavent a perdu son frère aîné, Joseph, mort comme 42 de ses collègues à Liévin à cause du grisou dans la fosse Saint-Amé. Quelques temps après, le père des deux garçons se donne la mort incapable de survivre à ce deuil et laisse à Michel un mot : “Venge-nous de la mine”. Quarante ans après ce drame, alors qu’il vient de perdre sa femme des suites d’un cancer, Michel retourne dans le Nord pour enfin exercer sa vengeance.
Ce roman raconte l’amour inconditionnel d’un jeune garçon pour son frère aîné, son admiration. Il parle de la destruction d’une famille après la mort d’un enfant. Mais aussi des conditions de travail pour les hommes qui descendent à la mine, le danger, la mort qui endeuille parfois les familles.
Comme souvent chez Sorj Chalandon, on sent la plume journalistique, le travail d’enquête et de documentation pour se tenir au plus près de la réalité des conditions de vie de ses personnages. Mais on ressent aussi énormément d’émotion à l’évocation de la relation fraternelle de Michel et Joseph, de leur proximité et de leur complicité avant que la mort ne vienne y mettre un terme.
Cette thématique autour des oubliés de la mine était déjà passionnante en soi. Mais Sorj Chalandon est en plus capable de réserver à son lecteur un rebondissement totalement inattendu aux trois quarts du roman, lui donnant ainsi une toute nouvelle perspective. Bien sûr je ne peux rien en dire ici mais cela ajoute une couche d’émotion supplémentaire à l’histoire.
Un excellent Chalandon à découvrir.
Encore une fois Sorj Chalandon aura réussi à m’émouvoir. Encore une fois, ce journaliste, grand reporter et romancier s’appuie sur un fait réel et en fait un roman brillant et tellement puissant.
Cette fois c’est toute une région française qui est convoquée, celle du Nord, avec ces gueules noires, ces mineurs de fond, les mêmes qu’un certain Zola avait déjà décrits dans Germinal.
Ce pays où quand les mineurs « fermaient les yeux au fond de leur lit, c’est au fond du trou qu’ils rendaient l’âme, passant d’une fosse à l’autre, comme ça, dans l’indifférence générale. »
Ce fait réel, c’est la catastrophe de Saint-Amé de Liévin qui eut lieu le 27 décembre 1974, qui fit 42 victimes. Pour évoquer ce drame, Sorj imagine Joseph, un quarante-troisième mineur. Avec lui, mais surtout avec Michel, son frère, Sorj nous fait revivre les événements. Et comme il sait si bien le faire, c’est dans une ambiance qu’il nous plonge.
Celle de la mine, du charbon, des odeurs, des règles de sécurité qui valsaient en même temps que les économies réalisées sur le temps, le personnel, les ventilations … au nom du sacro saint rendement à tenir.
Celle aussi des ménages, de ces femmes de mineurs qui s’évertuent à « laver le linge noir, puis le sang des mouchoirs » quand la maladie (la silicose) arrivait.
Ce qui est d’autant plus remarquable ici, c’est que pour une fois Sorj n’est pas partie prenante (ce n’est pas son père, ni le Liban, ni l’Irlande). Rien ni personne ne le relie à cet événement. En revanche, pour cet ancien militant maoïste, comment est-il possible de mourir sur son lieu de travail (la presse parle même de fatalité) sans qu’aucun responsable ne soit inquiété alors que tout le monde savait que les conditions de sécurité n’étaient pas respectées. C’est bien le cœur et un puissant sentiment d’injustice qui guide cette plume pour défendre les voix des disparus sur l’autel de la rentabilité.
Et vous savez quoi ? C’est magistral !
Coup de coeur
« Le jour d’avant » : l’écriture est blanche, sèche et douce à la fois. Des phrases courtes, pas d’adjectifs ou presque. Ecrit entièrement à la première personne. C’est l’histoire minuscule de la condamnation lente des hommes qui ont creusé la terre comme des rats pour que le pays ait l’énergie qui permettrait l’essor industriel et la fortune des Charbonnages de France. Du grisou et de la silicose, de la peur quotidienne du fond et de la dignité des mineurs de fond. Michel est complexe, torturé et taiseux. D’enfant il est devenu coupable, il n’aura pas été mineur mais condamné quand même. La tension monte à la lecture à mesure que l’histoire devient celle propre de Michel, intime et complexe bâtie sur l’indicible. Le lecteur pressent le dénouement qui n’est pas celui qu’on pourrait croire. Mais ne dénoue rien pourtant.
L’émotion très vite prend à la gorge, sans larmes trop sèche, trop poussiéreuse. Elle touchera dans n’importe quel pays où il y a eu, où il y a encore des mines de charbon. En Angleterre, en Pologne, en Chine, aux Etats-Unis, en Afrique du sud, au Vietnam… C’est un livre qui trouvera son lecteur/sa lectrice. Le texte a la force des dignes, la douceur des grandes souffrances qui ne peuvent se dire.
Quarante ans après, Michel Flavent est toujours un homme en colère. Son frère est mort tué lors du coup de grisou au fond d’une galerie de la fosse 3, dite Saint-Amé du siège 19 du groupe de Lens-Liévin, il a trouvé la mort avec 42 autres mineurs. Ce 27 décembre 1974, à 6 h 30 du matin, un violent souffle a dévasté la mine, et les hommes qui se trouvaient là ont quasiment tous péri, âgés de vingt-cinq à cinquante-quatre, ils laissent une centaine d’orphelins et de nombreuses familles dévastées. Le jugement définitif a eu lieu en janvier 1981 a conclu sans ambiguïté aucune, et pour la première fois dans l’histoire de la mine, à la condamnation d’une société exploitante pour faute inexcusable.
Le jour d’avant, les deux frères avaient passé la soirée ensemble, dans l’insouciance et la fraternité. Depuis le drame, le père s’est suicidé, la mère a sombré, et chaque jour Michel Flavent se remémore son malheur. Devenu veuf, celui qui n’a plus rien à perdre décide de se venger pour enfin effacer tous ces tourments ressassés et endurés depuis si longtemps. Il ira frapper au cœur même des responsables de l’accident mortel qui a couté la vie à son frère. Pourtant, il est bien étrange de constater que ce frère n’a jamais été nommé et que personne ne le considère comme l’une des victimes. Mais Michel Flavent est un homme obstiné, qui veut aller au bout, tous les stratagèmes sont bons, louer une maison, se faire passer pour un étranger à la région, entrer en contact avec le principal protagoniste, celui dont il considère qu’il est entièrement fautif, l’approcher, l’amadouer, pour mieux agir…
Ce roman est avant tout prétexte à nous montrer au plus près la vie de ces hommes, de ces familles, dans ces corons du nord exploités par des sociétés minières souvent sans scrupules. L’auteur montre bien la misère, le manque d’éducation, la vie toute tracée au fond du puits, dans les charbonnages qui détruisent la santé de générations d’hommes sans que personne ne s’en inquiète, les veuves et le orphelins à la rue du jour au lendemain, et toute une région qui a vécu longtemps sur des exploitations qui aujourd’hui ne sont plus. Il est porté par une écriture allant crescendo dans l’inquiétude, le désir et la réalisation de la vengeance mais également l’effet de surprise, ce qui en fait assurément un excellent roman.
Ce que j’ai aimé ?
à lire dans la chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2018/07/20/le-jour-davant-sorj-chalandon/
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La "surprise" finale est un sacré choc. C'est la différence entre le Chalandon qui a couvert les faits comme journaliste et l'écrivain qui retourne la situation.
Depuis 1974, Sorg avait envie de régler les comptes des Houillères qui avaient eu un comportement tout-à-fait inhumain mais c'est en romancier qu'il le fait.